La collection "Library of Korean Literature" est une série de dix romans coréens publiés en anglais, en octobre dernier, aux Etats-Unis. (Photo avec l'aimable autorisation de l'Institut coréen de traduction de la littérature)
Le dernier ouvrage de la série en dix parties "Library of Korean Literature" est un roman de Jang Eun-jin de 2009 intitulé "No One Writes Back" ("Personne ne répond aux lettres" – traduction indicative).
L'histoire déroule son fil autour de Jihun, un homme de trente-ans-et-quelque, tandis qu'il rencontre diverses personnes en voyageant avec son chien-guide qui, ironiquement, a lui-même perdu la vue. La trame se concentrant sur le désir du héros communiquer avec les autres à travers des lettres, au coeur d'une société moderne.
Le roman "No One Writes Back" de Jang Eun-jin a été publié en anglais à la fin de l'année dernière.
Jihun est un célibataire, trentenaire donc, et qui s'exprime dans le roman à la première personne. Un jour, il a quitté sa maison et entrepris un voyage avec juste un vieux sac à dos et seulement accompagné de Wajo, un chien aveugle qui a servi de guide à son grand-père. L'homme a alors été partout où ses pas l'ont conduit pendant trois ans. Et en errant ainsi d'un endroit à l'autre pendant toutes ces années, il a rencontré beaucoup de gens dans la rue, de tous les horizons de la vie, et ayant tous vécu des histoires différentes.
Le narrateur désigne ces gens par un numéro, au lieu de les appeler par leur nom. Par exemple, un enfant, qui a plongé son ami dans le coma par accident en jouant est baptisé numéro 238. Un artiste qui gratte des morceaux de chewing-gum sur le sol et qui peint ces sucreries rondes, plates et sans valeur est appelé numéro 99. Et un jeune homme qui s'est endormi dans le train, perdu dans ses pensées, car il ne peut pas gommer de son esprit les souvenirs de son ex petite amie, est le numéro 109.
Quand la nuit tombe, le narrateur rentre à son hôtel et écrit une lettre à l'une des personnes qu'il a rencontrées ce jour-là. La lettre raconte des histoires du quotidien, les choses qu'il a connues tout au long de son voyage et elle se termine toujours en demandant une réponse. Malheureusement, personne ne lui écrit jamais en retour.
Et même lorsqu'il envoie une lettre à sa famille, à l'occasion, il ne reçoit aucune réponse. Il finit par se persuader qu'il va cesser de voyager si les gens continuent à ne pas lui répondre.
Pourquoi continuer à écrire des lettres auxquelles personne ne répond ? Le narrateur l'explique dans cet extrait :
"J'écris des lettres parce que je veux transmettre à quelqu'un les histoires de ces personnes, mais aussi parce que je veux faire savoir à quelqu'un qu'un jour a existé un jour pour moi également. Les lettres, en d'autres termes, sont pour moi comme les entrées d'un journal intime. La seule différence c'est que ce jour ne reste pas avec moi : il est envoyé à quelqu'un d'autre. Les journaux sont monopolisés, mais les lettres sont partagées. J'ai commencé à être obsédé par les lettres quand je suis devenu vraiment conscient de la notion de "deux". Lorsque l'on voyage, on devient de plus en plus conscient de cette notion. C'est peut-être la raison pour laquelle j'ai commencé à voyager".
Cependant, la vraie raison, pour laquelle il est devenu un vagabond sans but et pourquoi il écrit des lettres sans destinataires est révélée à la fin du roman.
Trois ans plus tôt, en effet, il a reçu une lettre de rupture de sa petite amie. Il a pensé alors qu'il ne devait pas la laisser partir comme ça. Il était à ce moment-la sur la route, en voiture, avec tous les membres de sa famille. Il s'est arrêté, est sorti du véhicule et il est parti en courant pour lui dire: "Ne me quitte pas !". Ne sachant pas qu'il ne devait plus jamais revoir sa famille.
Depuis ce jour, il cherche à raconter ses histoires en écrivant des lettres à ceux qui n'existent plus dans ce monde ni dans son monde, mais qui vivent encore, au plus profond de ses souvenirs.
L'auteur Jang Eun-jin (à droite) pose avec sa sœur jumelle Kim Hee-jin, également écrivain. On les appelle les "jumelles romancières". (Photo : Agence Yonhap News)
L'auteur de ce roman, Jang Eun-jin, est née en 1976 à Gwangju et elle est diplômée de géographie de l'Université nationale de Chonnam. En 2004, elle a fait ses débuts littéraires avec un premier roman primé intitulé "Kitchen Laboratory" ("Laboratoire de cuisine").
Elle a publié depuis deux autres romans, "Alice's Lifestyle" ("Le mode de vie d'Alice") en 2009 et "Where Is Her House ?" ((Où se trouve sa maison ?") en 2011 ainsi qu'un recueil de nouvelles intitulé "Knocking On An Empty House" ("Frapper à la porte d'une maison vide") en 2012.
Rédaction : Sohn Jiae (jiae5853@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Bruno Caietti