Journalistes honoraires

13.06.2025

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Le drapeau du Kazakhstan et de la république de Corée au centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz

Le drapeau du Kazakhstan et de la république de Corée au centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz



Par Nathalie Fisz

L’aventure de journaliste honoraire réserve bien des surprises. Si l’on m’avait dit il y a quelques mois que j’allais partir en Asie centrale, avec le plus d’imagination possible, je n’y aurais pas cru. Pourtant en mai dernier, j’ai eu la chance de faire un séjour à Astana, capitale du Kazakhstan.

Les frères Philippe, François Dji-Yon, Stéphane Dji-Sung et Michel Dji-Youn qui nous ont fait vivre leur périple From France to Korea, s’étaient arrêtés à Astana. Invités à une conférence de Racines coréennes, ils ont confirmé cet épisode.

À Astana, surprise de rencontrer tant de personnes aux traits asiatiques (au sens non péjoratif) parler kazakh ou russe, je l’ai été encore davantage en visitant le centre culturel coréen, grâce à la bienveillance d’Anderson J. Kim, ambassadeur des Nation Unies.

De retour à Paris, j’ai contacté ma camarade Alina Tsoy, K-Influenceuse du Kazakhstan. Elle était à Almaty pendant mon séjour. Cette talentueuse camarade porte la double culture coréenne et kazakhe.

Un peu fébrile avant le départ, j’ai été emportée par mon séjour en Asie centrale. Découvrons un peu du mystère de cette captivante communauté coréenne du Kazakhstan.

À la rencontre des Koryo-saram

Dans son article d’octobre 2022, la rédactrice de Korea.net Aisylu Akhmetzianova avait présenté le photographe Viktor Ann pour son exposition Diaspora coréenne. Il y était expliqué les termes Koreytsy, terme russe pour nommer les Goryeoin, coréens ethniques d'Asie centrale, et celui de Koryo-Saram. Koryo fait référence au royaume de Goryeo (du début du Xe siècle à la fin du XIVe siècle) et saram (personnes), donc littéralement le peuple coréen.

La majorité des Coréens du Kazakhstan descendent de migrants originaires de la péninsule, partis s’installer en Extrême-Orient russe (îles de l'océan Pacifique, la côte et une bande de Sibérie orientale), dans la seconde moitié du XIXe siècle. La sociologue américaine Elise S. Ah de l’Université de Wisconsin indique que la première migration connue s’est produite dans les années 1860, lorsque 30 familles sont venues s’installer dans le territoire administratif de Primorsky.

En 1937 sous Staline, les Coréens quittent l’Extrême-Orient russe pour l’Asie centrale, notamment vers l’Ouzbékistan et le Kazakhstan. Près de 40 000 personnes y perdent la vie. Ils deviennent ouzbeks (183 000), russes (107 000) ou kazakhs (103 000).

Les Koryo-saram adoptent la langue russe comme langue maternelle et s’assimilent à la culture soviétique, mêlant celle-ci à des éléments traditionnels coréens. Des critiques d’arts soulignent que cette synergie culturelle unique transparaît dans leurs œuvres, cinéma, littérature, musique, mode, cuisine. Il existe des pièces de 100 Tengé (monnaie officielle) faisant référence à la légende de Tangun (collection conte coréen, 2016).

Astana est l’actuelle capitale du Kazakhstan, neuvième plus grand pays du monde en superficie, bordant la Chine, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, la Russie, le Turkménistan. Kazakh vient de l'ancien mot turc « qaz », « vagabonder », donc « peuple nomade ». La République de Corée et le Kazakhstan dont la présidence actuelle revient à Kassym-Jomart Tokayev sont en relation régulière. Korea.net rapportait leur coopération dans un article de juin 2024.

Dans les rues d'Astana en mai 2025. © Nathalie Fisz

Dans les rues d'Astana en mai 2025. © Nathalie Fisz


En route pour Astana !

J’ai contacté l’Ambassade du Kazakhstan à Paris, et mon agence de voyages pour m’assurer de ne courir aucun risque.

Le 13 avril, j’ai assisté à la conférence des frères Philippe. Aller à la rencontre de la diaspora coréenne du Kazakhstan avait été importante pour eux et ils avaient donné une interview pour le journal coréen du Kazakhstan, Koryo Ilbo.

Korea Day à Almaty. © Anderson J.Kim, ambassadeur des Nations Unies

Korea Day à Almaty. © Anderson J.Kim, ambassadeur des Nations Unies


Anderson J. Kim, ambassadeur des Nations Unies, m’avait transmis des photographies et vidéos de fêtes coréennes à Almaty, seconde grande ville du Kazakhstan (située à plus de 1000 km d’Astana) et qui était sa capitale jusqu’en 1997. On voyait des femmes en hanbok préparer des plats coréens, et des adolescents réaliser des performances de Samulnori.

Sur place, j’ai ressenti un dépaysement total. Comment traduire cette ambiance dans une ville où des immeubles anciens vraisemblablement de l’époque soviétique côtoient d’autres bâtiments flambants neufs, à proximité d’une mosquée aussi impressionnante par sa beauté que par ses proportions. Une ville ou des grands-mères la tête couverte d’un foulard à fleurs comme des poupées russe, attendent leur bus avec des jeunes gens qui ressemblent à s’y méprendre à des jeunes séouliens. Au marché, j’ai vu des épices de toutes couleurs, tout comme des dattes et du kimchi. J’ai mangé des plats traditionnels et aussi du japchae et des mandous.

Avec Kang Jeeyoung, Administrative Manager du centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz

Avec Kang Jeeyoung, Administrative Manager du centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz


Visite du centre culturel coréen d’Astana

Anderson J. Kim, ambassadeur des Nations Unies a été mon guide, où nous avons rencontré Kang Jeeyoung, Administrative Manager. Le Centre se situe dans une rue pittoresque, avec de jolis immeubles aux couleurs pastel. A l’entrée, un grand écran vidéo diffusait de la K-pop et était situé en face de belles vitrines contenant des objets traditionnels. Le drapeau du Kazakhstan de couleur bleu avec des liserés dorés et celui de la République de Corée étaient disposés côté à côte.

Des dames prenaient un cours de danse traditionnelle, et suivaient les instructions en russe du professeur qui disait : « raz, dva, tri », allez encore une fois !

Kang Jeeyoung, m’a proposé un parcours de découverte ludique. Avec amusement, j’ai dû reconnaître et nommer des plats traditionnels, et composer mon repas préféré.

J’ai admiré des couronnes comme celles vues lors de mon séjour à Gyeongju, des objets en nacre, des poupées en costume traditionnel, des petites boîtes destinées au maquillage. Une grande vitrine exposait une représentation d’ilwolobongdo, la peinture représentant le soleil, la lune et les cinq sommets. J’ai pris place quelques instants dans la salle de lecture ou un professeur donnait des cours en ligne et consulté des magazines et des livrets qui parlaient de la Hallyu et des K-influencers dans le monde.

Vitrine au centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz

Vitrine au centre culturel coréen d'Astana. © Nathalie Fisz


Dans d’autres salles des élèves prenaient un cours de cuisine.

Anderson J. Kim et Kang Jeeyoung ont longuement conversé, et elle m’a précisé que j’étais la première Française à leur rendre visite. Je lui ai promis d’écrire un article pour la remercier de son accueil chaleureux.

Alina Tsoy préparant du kimchi avec sa grand-mère. © Alina Tsoy

Alina Tsoy préparant du kimchi avec sa grand-mère. © Alina Tsoy


Retrouvailles avec ma camarade Alina Tsoy, K-influenceuse du Kazakhstan

Pendant mon séjour je n’ai pu voir Alina, qui était à Almaty, mais elle m’a tout de même accordé une interview.

Nathalie Fisz : Es-tu née au Kazakhstan ou en Corée, et où résides-tu ?

Alina Tsoy : Mes ancêtres sont originaires de Corée, mais je suis née et ai grandi au Kazakhstan. Je vis actuellement à Almaty, où je fais partie de la deuxième génération de ma famille installée au Kazakhstan. Ce mélange unique d'héritages façonne en grande partie la personne que je suis aujourd'hui.

Quand ta famille est-elle arrivée au Kazakhstan ?

Ma famille est arrivée en 1937, à une époque mouvementée marquée par des déplacements forcés de populations de l'Extrême-Orient russe vers l'Asie centrale. Ma grand-mère et mon grand-père ont traversé ce voyage difficile.

Dans quelles circonstances sont-ils arrivés au Kazakhstan ?

Ma grand-mère avait huit ans lorsqu'elle a été relocalisée au Kazakhstan en raison de la répression politique et des déportations. Sa famille, a connu d'immenses difficultés durant cette période. Mon grand-père est décédé prématurément, et une grande partie de son histoire nous reste inconnue.

Qui sont les membres de ta famille coréenne vivant au Kazakhstan ?

Ma grand-mère et ses enfants forment le cœur de notre famille coréenne ici. Elle est mon plus grand modèle. À 95 ans, elle a survécu à certains des chapitres les plus difficiles du XXe siècle : seconde guerre mondiale, guerre froide, répression politique, pandémie de Covid-19. Elle reste forte, indépendante et incroyablement gentille. Elle prépare avec amour du kimchi, s'occupe de la maison, tricote, et nous accueille toujours avec son sourire chaleureux.

Bien qu'elle ne parle qu'un dialecte coréen archaïque et qu'elle ait perdu une grande partie de son audition et expression orale, notre lien est profond. Je lui suis infiniment reconnaissante pour sa résilience et les leçons qu'elle nous transmet : tradition, dignité et gentillesse. Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix. Elle reste le cœur et l'âme de notre famille.

Allez-vous en Corée en famille ?

Ma grand-mère a perdu contact avec sa famille il y a des décennies, y compris ses parents, et n'a jamais eu l'occasion d'y retourner. La barrière de la langue a compliqué la communication. Attachée à ses racines, elle regarde Korea.net et s'émerveille des progrès du pays.

Mes parents se rendent fréquemment en Corée et lui apportent des salutations et cadeaux, ce qui lui procure une immense joie, et l'aide à se sentir proche de son pays natal.

Quel message de Corée souhaites-tu transmettre au Kazakhstan, et inversement ?

Moitié coréenne par mon père et moitié kazakhe par ma mère, je suis très fière du respect mutuel que ces deux cultures se témoignent. La culture coréenne est profondément appréciée au Kazakhstan. Lors du dernier Chuseok, ma nièce et moi avons préparé son premier songpyeon.

À Almaty, nous avons de nombreux restaurants coréens authentiques. J’ai noué des liens d'amitié. Cet échange culturel enrichit profondément nos deux communautés.

Quelles coutumes coréennes ta famille a-t-elle préservées ?

Nous sommes très attachés à de nombreuses traditions, comme la fête du premier anniversaire et celle du 60e anniversaire où les enfants honorent leurs parents. Une tradition particulièrement mémorable est le mariage coréen de mes parents. Mes proches kazakhs se souviennent avec tendresse de la cérémonie, et du coq placé sur la table de mariage. La fête la plus touchante est l'anniversaire de ma grand-mère, qui coïncide avec Noël. Toute la famille se réunit pour préparer des plats coréens et lui rendre hommage.

Alina reçoit un prix et un catalogue avec un message personnel du centre culturel coréen de New-York pour sa participation au Hangul Wall. © Alina Tsoy

Alina reçoit un prix et un catalogue avec un message personnel du centre culturel coréen de New-York pour sa participation au Hangul Wall. © Alina Tsoy


Quelle est ton activité actuelle ?

Je prends du temps pour moi. Ces dernières années, j'ai bâti ma carrière dans les relations internationales, en collaborant avec des organisations à but non lucratif, des organisations internationales, des ministères et projets gouvernementaux. J’ai apporté mon soutien au développement de la jeune génération kazakhe.

Depuis quand es-tu K-Influenceuse ?

Depuis 2024, et c’est l'une des décisions les plus enrichissantes de ma vie. Citons ma visite au centre culturel coréen d'Abou Dhabi, la recherche de danses K-pop à Almaty, ma victoire à un concours organisé par le centre culturel coréen de New York. Ma citation a été sélectionnée parmi les 10 meilleures du Hangul Wall. J'ai reçu un catalogue dédicacé de M. Ik-Joong Kang avec un message personnel.

Qu’aimerais-tu ajouter ?

Je suis passionnée de voyages et d'exploration culturelle. Partager l'héritage de mes ancêtres, les traditions et l’harmonie entre les identités coréenne et kazakhe est profondément important pour moi. Je suis très reconnaissante au programme des K-Influencer, qui m’a permis de grandir, partager l'histoire poignante de ma grand-mère et rencontrer des personnes inspirantes du monde entier.

Quant à moi, je remercie très sincèrement Kang Jeeyoung, ma camarade Alina, et Anderson J. Kim de m’avoir permis d’aller à la rencontre de cette communauté coréenne d’Asie centrale.

Quelques mots encore

Alors que j’assistais à des commémorations à Astana, un couple s’est approché de moi pour faire connaissance. Lui était russe, elle coréenne et ils s’étaient rencontrés dans la capitale. Alors, ouvrez votre cœur et votre esprit. Votre prochain K-voyage pourrait bien vous conduire à Astana.


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin©korea.kr