Dans des écoles de Harlem, à New York, on entend dans les couloirs les échos de mots prononçés en coréen. Et, de temps en temps, des salles de classes sortent aussi les notes gaies de morceaux pop ou hip-hop coréens, parfois mélangés avec des airs traditionnels de la Corée.
Il s'agit des écoles Democracy Prep Public Schools, ou DPPS, un réseau d'établissements ayant adopté un système éducatif largement "coréen".
Ainsi, en plus du programme standard, ces écoles offrent aux élèves des écoles élémentaires, des collèges et des lycées, un large éventail de programmes culturels traditionnels, comme des cours de SamulNori (quatuor de de percussions traditionnelles), de taekwondo, d'étiquette ainsi que de langue coréenne.
Les élèves apprennent la langue coréenne dans le cadre du programme des Democracy Prep Public Schools de Harlem à New York. (Photo avec l'aimable autorisation de Democracy Prep Schools)
Depuis l'introduction de ce système éducatif "coréen", ces écoles ont beaucoup progressé. Alors qu'elles faisaient partie des établissements les moins bien notés du quartier, elles sont aujourd'hui au cœur de l'une des plus grandes réussites éducatives de New York depuis une décennie.
L'homme derrière le succès s'appelle Seth Andrew. C'est un éducateur titulaire d'un diplôm de pédagogie de l'université Brown et d'une maîtrise de la Harvard Graduate School of Education. Il a toujours gardé à l'esprit trois valeurs éducatives fondamentales, qui, il en était sûr, conduiraient les enfants à la réussite : "Travaillez dur. Allez à l'université. Changez le monde".
Suivant cette devise, il a créé la première Charte des Democracy Prep Public Schools en 2005. Et il a basé une grande partie de la conception de l'école et de sa philosophie sur l'expérience qu'il a vecue en enseignant lui-même l'anglais dans un lycée en Corée en 2000.
"En 2000, j'ai vu en personne de nombreux élèves étudier de plus en plus dur parce que c'était pour eux le seul moyen de se sortir de la pauvreté et la seule voie qui puisse conduire à une vie réussie", a-t-il expliqué. "Il y a seulement six décennies, la Corée était l'un des pays les plus pauvres au monde, mais regardez-la à présent. Ce pays est devenu l'un des leaders mondiaux", a souligné l'éducateur.
Les Democracy Prep Public Schools proposent des cours de langue coréenne ainsi que des programmes culturels. (image capturée sur la page d'accueil des Democracy Prep Public Schools)
Environ 80 %des étudiants viennent de foyers économiquement défavorisés, beaucoup d'entre eux afro-américains ou hispaniques. "J'ai cru dès le début que les valeurs éducatives coréennes apporteraient une innovation pédagogique à Harlem et j'étais sûr que l'enthousiasme pour l'éducation dont font preuve les Coréens était ce qui manquait pour rafraîchir l'atmosphère dans le quartier", a déclaré le fondateur.
Seth Andrew croyait au "miracle par l'éducation" et il a vraiment fait des merveilles.
Les évaluations des élèves des DPPS sont plus ou moins équivalents à celles des écoles secondaire plus prestigieuses au niveau des examents (SAT) de mathématiques et d'anglais. En outre, le taux d'obtention du diplôme de fin de lycée atteint désormais les 100 %.
Les écoles, cependant, ne cantonent pas les jeunes gens toute la journée derrière leur bureau. Au lieu de cela, elles envoient chaque année des élèves en Corée afin qu'ils puissent voir en personne les aspects réels de ce pays qu'ils ont seulement étudié dans des livres. Ce programme appelé "Korea Academic Adventures" permet aux élèves de visiter le pays et de faire l'expérience, au jour le jour, de la vie dans l'une des sociétés les plus ouvertes, urbaines, dynamiques et démocratiques de l'Asie de l'Est.
Des élèves d'une Democracy Public Prep School de New York visitant la Tour N de Séoul située au sommet du mont Namsan, au centre de la capitale coréenne, le 14 avril. (Photo : Jeon Han)
Le 12 avril dernier, dans le cadre de ce programme, un groupe de 20 élèves du secondaire et six enseignants des DPPS est arrivé à Séoul.
Au cours de leur séjour de neuf jours, le groupe s'est rendu à la plupart des attractions touristiques les plus connues de Séoul, comme le village hanok de Namsan, Insadong, Myeongdong, les palais traditionnels de la dynastie Joseon (1392-1910) et la Tour N de Séoul. Ils ont même voyagé vers le sud pour visiter l'ancienne capitale Silla, dans la ville actuelle de Gyeongju dans la province du Gyeongsang du Nord.
Korea.net rencontré l'équipe DPPS le 14 avril alors qu'elle visitait la Tour N de Séoul. Bien que souffrant du décalage horaire, les étudiants fatigués ont grimpé jusqu'à ce monument qui domine Séoul. Leurs yeux ont commencé à scintiller quand ils ont découvert, tout autour des clôtures et de balustrades à la base de la tour, des dizaines de milliers de "cadenas d'amour" accrochés sur la rampe par des couples amoureux et recouverts de messages romantiques griffonés à l'encre indélébile. "C'est exactement ce qu'on a vu dans le feuilleton "My Love From the Star !" se sont écrié joyeusement les jeunes gens.
Une élève d'une Democracy Public Prep School prenant un "selfie" devant la Tour N de Séoul, le 14 avril. (Photo : Jeon Han)
Parmi les jeuens visiteurs se trouvait Justin Baez dont le visage arborait un large sourire. Lorsqu'on lui a demandé ce que cela lui faisait d'être à Séoul, il a répondu : "C'est totalement différent de ce que j'ai appris en cours. En marchant dans les rues d'ici, je découvre une Corée vraiment différente de ce que je connaisais".
Lui et ses amis ont dit "bonjour" et "merci" en coréen, très naturellement, à des gens qu'ils croisaient. Lorsqu'on lui a demandé s'il avait eu du mal à apprendre la langue coréenne à l'école, il a opiné du chef : "C'est vraiment dur, oui. Mais les cours de langue coréenne sont parmi les plus intéressants de mon cursus".
"J'ai commencé à apprendre la langue cette année, donc je suis au niveau débutant, ce qui est facile. Toutefois, je suppose que plus vous progressez plus cela devient difficile et ce n'est pas une langue facile à maîtriser. Mais je pense que la plus grande partie d'une culture est sa langue. L'étudier est une expérience complètement différente".
Justin a travaillé à temps partiel pendant quelques temps au Metropolitan Museum of Art, où se sont déroulées de nombreuses expositions coréennes. "Cette école m'a aidé à améliorer mes compétences en coréen et j'espère les utiliser quand je deviendrai un jour conservateur d'un musée, le métier dont je rêve".
Lee Jung-jin a enseigné la langue coréenne dans les Democracy Prep Public Schools depuis leur création en 2005. (photo : Jeon Han)
Dans le groupe de l'école se trouvait également le professeur de langue coréenne Lee Jung-jin, qui a enseigné le coréen dans les DPPS depuis 2005.
La professeur a souligné que l'école mettait l'accent sur trois facteurs en matière d'éducation : travailler dur mène à la réussite, les enseignants sont "en or" et enfin, l'éducation est votre atout le plus précieux.
"De nombreux aspects du système éducatif coréen adoptent ces trois valeurs", a souligné Lee. "Seth Andrew aussi a fait confiance à ces valeurs depuis le début, je pense. La discipline, le respect et l'enthousiasme sont des valeurs universelles, mais elles sont particulièrement importantes dans le système éducatif coréen", a-t-elle ajouté.
"Nous avons adopté toutes ces devises et elles forment une importante synergie avec nos objectifs éducatifs. Cela a non seulement amélioré notre système d'éducation, mais cela également poussé nos étudiants à se rassembler dans la société et dans la communauté".
Carrie Wolk enseigne l'histoire des États-Unis dans les Democracy Prep Public Schools de Harlem, à New York. (photo : Jeon Han)
"J'ai vu comment les élèves évoluent au fil des ans", a confié Carrie Wolk, qui enseigne l'histoire des États-Unis. "Ils se respectent les uns les autres et ils sont plus curieux. Ils sont impatients d'en savoir plus et d'interagir avec les gens, avec d'autres cultures et avec le monde".
"A travers les différents programmes culturels offerts par l'école, les élèves sont de plus en plus exposés à d'autres cultures et ils apprennent à accepter la diversité et à sortir du microcosme qu'est Harlem", a-t-elle analysé.
Des élèves des Democracy Prep Public Schools de New York, en visite en Corée, posent pour une photo au pied de la Tour N de Séoul sur le mont Namsan, le 14 avril. (Photo : Jeon Han)
Rédaction : Sohn Jiae (jiae5853@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Bruno Caietti