Un jeu d’osselets au design coréen.
Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Mathilde Chabot
La culture et l’histoire d’un peuple façonnent les jeux traditionnels qui traversent les siècles partout dans le monde. Si vous n’avez jamais entendu parler du 공기놀이 (gongginori), vous avez probablement déjà joué aux osselets. Point commun entre les sociétés coréenne et française et bien d’autres dans le monde, ce jeu est empli de mystère lorsque l’on se renseigne sur son origine.
Il est incroyable de découvrir des similitudes si fortes datant de périodes si lointaines entre des pays aussi éloignés.
Le gongginori coréen vs. les osselets français
Bien que certaines croyances populaires aient tendance à disparaître ou se transformer au fil des siècles, certains jeux, eux, résistent au temps : qu’il s’agisse des osselets en France ou du gongginori en Corée du Sud, ce sont les ancêtres des dés.
En France, ce jeu d’adresse semble trouver ses origines dans la Grèce antique. À l’époque, il s’agissait de petits os de mouton bien particuliers dont la forme caractéristique est désormais imitée, en France, avec du plastique ou du métal.
Apparu dans les temps anciens, dont la plus vieille preuve date, en Corée du Sud, d’il y a un millénaire, le gongginori ne se joue plus forcément, aujourd’hui, avec de petits cailloux de la taille d’un raisin trouvés çà et là comme d’antan, mais généralement avec des pierres en plastique coloré achetées dans un magasin et dont la forme diffère des osselets. Si les plus anciennes preuves de l’existence de ce jeu semblent dater d’il y a mille ans sur la péninsule, il est pensé mais non prouvé que son origine vient de plus loin encore.
La similitude des règles du jeu entre les osselets et le gongginori est d’une intéressante similitude ! Y a-t-il alors eu une influence ? Impossible de le savoir.
Aux dires de certains coréens, chercher des petits cailloux pour y jouer est d’ailleurs toujours de coutume.
Dans un style similaire aux pochons, décorations et autres coutures traditionnelles s’appareillant à merveille avec les 한복 (hanboks), tenues traditionnelles coréennes, ce joli type de gongginori semble essentiellement destiné aux étrangers.
Joli souvenir à ramener de Corée, ressemblant à s’y méprendre à des pelotes de laine miniatures aux fils et aux couleurs joliment tressés à la manière traditionnelle coréenne, ce jeu se déniche, entre autres, dans les échoppes des ruelles de 인사동 (Insadong). Ce quartier situé en plein centre de Séoul, regorge de trouvailles originales et insolites en termes d’objets traditionnels.
Pour anecdote, au Japon, ce ne sont ni des os, ni des pierres, qui étaient utilisés il y a plus de 1 500 ans, mais des haricots rouges.
Un jeu compétitif ou une séance de relaxation ?
Si jouer à plusieurs génère une compétitivité certaine chez qui n’aime pas perdre, apprendre à maîtriser la technique d’adresse par soi-même, peut à l’inverse permettre au joueur de se vider complètement l’esprit. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un de mes amis coréens m’a initiée à ce jeu de son enfance.
Lorsque les pensées se bousculent plus rapidement qu’il n’est possible de les écouter, rien de tel que de s’asseoir en toute simplicité sur le sol, en tailleur ou dans toute autre position confortable, le dos droit, le coude souple, ne reposant sur rien d’autre que l’air et de sortir de sa poche 5 공기 (gonggi) pour une poignée de minutes d’extrême concentration où le temps et les pensées disparaissent pour ne laisser place qu’à une attention aigüe.
Le 한복 (hanbok), est une tenue coréenne traditionnelle qu’il est possible de louer le temps de visiter un palais, pour se mettre aux couleurs de l’époque. Les gonggi des photos précédentes sont dans un style de patchwork – ou 보자기 (pojagi) – similaire, propre à l’art coréen du textile. Crédit photo : Mathilde Chabot.
Les règles du jeu
Ce jeu met à l’épreuve adresse et rapidité des 7 à 77 ans… Outre cette allusion aux limites d’âge étranges auxquelles ce jeu se soustrait, une surface plane et 5 objets uniformes de la taille d’un raisin suffisent pour jouer. Toutefois, ils doivent avoir un poids homogène pour qu’il soit plus facile d’y jouer.
La manière la plus typique de jouer comprend 5 niveaux, l'objectif étant d'atteindre un certain nombre de points :
• Niveau 1 일단 (il-dan) : le premier joueur jette lestement les gonggi sur le sol (oui, il est commun de jouer à même le sol en Corée). Le but est de ramasser l’ensemble de ces gonggi. Pour cela, choisissez l’un d’entre eux, puis lancez-le en l’air. Le joueur doit ensuite en ramasser un resté sur le sol tout en rattrapant celui lancé en l’air avant qu’il ne tombe par terre. Répétez la démarche 3 autres fois pour qu’ils soient tous dans votre main.
• Niveau 2 이단 (i-dan) : idem en ramassant les autres gonggi 2 par 2.
• Niveau 3 삼단 (sam-dan) : idem en en ramassant 3 puis 1.
• Niveau 4 사단 (sa-dan) : idem en ramassant les 4 d’un seul coup.
• Niveau 5 꺽기 (gguk-gi) : ce dernier niveau consiste à lancer l’ensemble des gonggi dans les airs et de les rattraper sur le dos de votre main. Le joueur gagne alors autant de points que de gonggi rattrapés.
Le changement de joueur se fait lorsqu’une de ces étapes est ratée.
Ce jeu est d’une sobriété qui transcende les siècles et procure un sentiment de communauté, même dans un pays où tout peut nous sembler étranger lorsqu’on vient d’aussi loin que la France.
Mes remerciements à 정지훈 pour ses précieuses informations.
etoilejr@korea.kr