ⓒ Danielle TARTARUGA
Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France
Je m’intéresse à la littérature coréenne, que je trouve émouvante, bouleversante et même dérangeante parfois. Les auteurs coréens savent tellement bien exprimer ce que ce peuple a de si particulier, le « Jeong », qui mêle bienveillance, compassion et empathie envers autrui et que Georges Arsenijevic* décrit dans son livre « Mes Coréens » (que je conseille vivement) de la façon suivante : « Dans les rapports interindividuels, il consiste à se soucier toujours de la sensibilité de l’autre, à ne pas se montrer indifférent à ses problèmes ou contraintes, un peu comme si tous les Coréens étaient un grande famille dont chaque membre a un devoir de solidarité avec les autres ».
Mais la littérature coréenne exprime également, avec beaucoup de sincérité, ce que l’on appelle le « Han », et bien que parfois un peu pesant sur le moral du lecteur, ce han nous émeut parce qu’il est si humain et si particulier à ce peuple coréen ! Une sorte d’émotion collective, transmise à l’insu de chacun, de génération en génération, peu importe l’origine sociale, un souvenir de souffrance ancestrale qui reste présente dans l’âme du Coréen et lui rappelle qu’il se doit d’être fort, pour sa famille et son pays, même dans les pires circonstances.
Georges Arsenijevic en parle lui comme « une sorte d’énergie émotionnelle négative qui envahit l’âme, un mal-être profond qui vous taraude de l’intérieur et qui est source de souffrance psychique ».
Ces deux particularités coréennes nous offrent des livres et des dramas qui nous touchent directement au cœur, car les émotions sont puissantes, exacerbées et avec des sentiments à fleur de peau qui nous poussent dans nos derniers retranchements et nous amènent à réfléchir sur nos rapports aux autres. Je pense même qu’ils nous rendent meilleurs si l’on sait les analyser avec un peu de recul et en retirer avec précision ce que leurs auteurs ont souhaité nous faire ressentir : de l’empathie, du désespoir, de la générosité, de l’amour et tant d’autres sentiments que finalement tout un chacun peut ressentir à un moment ou à un autre de sa vie et auxquels il faudra savoir faire face. Une sorte de leçon de vie finalement…
Tous ces beaux livres coréens que l’on peut lire en France, ce sont quelques éditeurs passionnés et j’ajouterais même, courageux qui nous permettent d’y accéder ; car la littérature coréenne reste encore un peu confidentielle et heureusement que nous avons ces professionnels pour la mettre en lumière !
C’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’interviewer le Président d’une société d’édition, Monsieur Franck de Crescenzo. Il est l’actuel Président et co-fondateur (avec Jean-Claude de Crescenzo et KIM-Hye-gyeong de Crescenzo) de « Decrescenzo éditeurs » qu’il m’a fait découvrir.
(photo Capture d'écran du site Web Decrescenzo)
Bonjour Monsieur De Crescenzo, pourriez-vous nous présenter votre société d’édition ?
« Decrescenzo éditeurs » est une maison d’édition spécialisée en littérature de Corée ; nous avons publié 57 livres papiers et 35 livres numériques de fiction et de non-fiction depuis sa création. Elle est ouverte depuis peu à d’autres littératures d’Asie.
Les Éditions existent depuis combien de temps ?
Les éditions existent juridiquement depuis septembre 2011, mais les premières parutions (dont les titres sont : « Cours papa, cours ! » et « La bibliothèque des instruments de musique ») datent d’octobre 2012. Nous avons dû créer la société bien en amont, afin de pouvoir contractualiser l’achat de droits et la traduction de nos premiers titres.
Dans quelles circonstances et pourquoi avoir créé une société d’édition spécialisée en littérature coréenne ?
L’idée était de promouvoir une littérature pour laquelle nous avons des attaches et qui est sous-représentée dans le panorama littéraire du territoire linguistique francophone. Nous voulions vraiment donner à cette littérature la place qu’elle mérite. Cela allait de pair avec la création de la revue Keulmadang, par Jean-Claude de Crescenzo trois ans plus tôt.
Avez-vous rencontré des difficultés lors de la création de cette société d’édition ?
A peu prés toutes. Apprendre à devenir éditeur et appréhender toutes les contraintes de ce métier, notamment la difficulté du marché littéraire.
Proposer une littérature « minoritaire » n’est pas forcément une tâche facile, au moins au début.
Enfin, la difficulté à se faire une place en librairie n’est pas aisée quand on est un petit éditeur.
Pouvez-vous nous spécifier quelles sont les particularités de « Decrescenzo éditeurs », par rapport à une société d'édition classique ?
Chacun de nos titres est une traduction, en cela le travail est véritablement spécifique. Que ce soit la relation au texte, aux traducteurs, les négociations contractuelles, mais également la promotion du livre quand son auteur n’est pas sur place.
De quoi êtes-vous le plus fier depuis la création de « Decrescenzo éditeurs » ? Avez-vous réalisé quelque chose de particulier ?
Avant toute chose, peut-être la fierté d’être toujours là ! dans un secteur où tenir relève parfois du défi impossible ; et puis d’avoir créé cette maison d’édition en famille.
Une autre fierté est d’être considérés comme une référence en tant qu’éditeur de littérature coréenne. Nous sommes également très heureux d’avoir pu accueillir de nombreux auteurs (plus de 35) en France, lors de différents événements, mais aussi d’avoir pu publier quelques-uns des plus grands auteurs coréens contemporains.
Quels sont vos projets pour les mois ou les années à venir ?
Continuer de promouvoir la littérature coréenne et s’ouvrir un peu plus encore à d’autres littératures d’Asie, tous genres confondus. Nous travaillons en ce moment à de futurs achats de droits. Développer la maison d’édition par l’intermédiaire de deux nouvelles collections : « Carré-Poche », une collection au format poche de qualité et « 710 », une collection qui aura pour thèmes des sujets d’ordres politiques, éthiques, écologiques et responsables.
Merci de m’avoir accordée cette interview, j’espère qu’elle permettra de faire découvrir aux lecteurs de Korea.net une société d’Edition spécialisée et par là-même la littérature coréenne que nous aimons tant !
Coordonnées du site internet et contact :
www.decrescenzo-editeurs.com
contact@decrescenzo-editeurs.com
* Georges Arsenijevic est conseiller au Centre Culturel Coréen de Paris depuis 35 ans, il est l’auteur du livre « Mes Coréens » paru en 2019 . En deux mots et selon moi, un guide indispensable pour apprendre à mieux se connaître et se comprendre entre Coréens et Français : Tradition confucéenne versus Esprit cartésien.
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
etoilejr@korea.kr