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Par la Journaliste honoraire de Korea.net Nathalie FISZ de France
Alors que les Coréens viennent de célébrer « Seollal », le nouvel an lunaire, une commémoration d’une importance capitale, se profile dans le calendrier.
Cette journée commémorative a lieu en mémoire d’événements très importants pour la nation coréenne. C’est un jour férié qui se nomme Samiljeol - « 삼일절 ».
Le 22 août 1910, la Corée devient une colonie japonaise. Mais, l’année 1919 va marquer un tournant décisif.
En début d’année 1919, plusieurs faits marquants vont se succéder, tant sur le plan politique, que social et humain, jusqu’à cette date « fatidique » du 1er mars 1919, c’est-à-dire, « 3·1 운동 - Samil Undong ».
Bien que la libération de la Corée du Sud ait été proclamée plusieurs années après, le 15 août 1945, le 1er mars 1919 marque à jamais, la date du soulèvement, et de la résistance coréenne.
C’est une date à résonnances multiples.
Que ce soit en Chine à Shangaï, au Japon à Tokyo, à Seoul, ou encore à Suippes en France, dans le département de la Marne, plusieurs citoyens coréens vont agir.
Le nombre de personnes qui seront blessées, arrêtées ou périront en 1919, est très élevé (plus de 7 000 morts).
Hormis les armées dites « vertueuses », venant en renfort pour déstabiliser l’ennemi, les citoyens coréens présents au parc de la Pagode « 탑골공원 » à Seoul, se sont réunis pacifiquement, avec leur drapeau « pour seule arme ».
Le 1er mars 1919 révèle le caractère courageux de plusieurs figures du soulèvement. Il révèle également, le destin tragique d’une jeune lycéenne coréenne, Yu Gwan-sun.
Le 1er mars 1919, c’est un hommage à la force de la nation coréenne, et au courage de sa jeunesse.
Comment tout cela est-il arrivé ?
An Jung-geun ⓒ Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme
1/ 3·1 운동 - Samil Undong : une succession d’événements et de tensions :
Le point de départ :
La Corée toute entière supporte une domination implicite depuis la fin du XIXème siècle. L’amertume et la rancœur se font de plus en plus pesantes.
Le Prince japonais Itô Hirobumi, qui était devenu premier Ministre en 1888, avait permis à son pays d’occuper la Corée et de l’opprimer. Le 26 octobre 1909, un révolutionnaire coréen, An Jung-geun le tue.
La disparition du Prince Itô Hirobumi est « l’occasion » pour le Japon d’annexer totalement la Corée, le 22 août 1910.
Le 21 janvier 1919, le Roi Empereur de Corée Kojong- « 고종 » meurt dans des circonstances qui demeurent toujours « floues ».
De nombreux Coréens, lesquels sont dans leur grande majorité, affligés par l’annexion japonaise, se demandent si le Roi a fait l’objet d’un empoisonnement par les Japonais.
Le Gouvernement Japonais avait auparavant tué l’épouse de Kojong, l’Impératrice Myeongseong-« 명성황후 ».
« Paradoxalement » peu après le décès du Roi, des étudiants coréens qui se trouvent au Japon à Tokyo, au Centre coréen « YMCA », ont connaissance de la déclaration du Président américain Woodrow Wilson.
Le président Woodrow Wilson (NDLR : président des Etats-Unis de 1913 à 1921) présente 14 points déterminants, et parle de l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Ces étudiants vont adhérer à cette déclaration et « s’appuyer » sur celle-ci pour proclamer l’indépendance de la Corée, le 8 février 1919.
Une réunion dans un restaurant de Séoul :
Trente trois représentants coréens de différentes religions (chondïstes, chrétiens, bouddhistes…) se réunissent le 1er mars 1919 au restaurant « Taehwan-gwan » à Seoul.
En réalité, ces élites intellectuelles et religieuses, et des étudiants préparent un mouvement depuis fin 1918. Leur mouvement est exacerbé par la perte du Roi Kojong.
Rappelons que l’enterrement du Roi est prévu pour le 3 mars. Par respect pour lui, aucun mouvement ne peut avoir lieu ce jour là, et le 2 est un dimanche. Le 1er sera la date choisie pour agir.
Le 1er mars, au restaurant « Taehwan-gwan », les 33 représentants dont l’historien « 최남선 »- Choe Nam Seon, rédigent une déclaration qui prône l’indépendance de la Corée.
Dans le même temps, des centaines de milliers d’étudiants commencent à se rendre en direction du Parc de la Pagode « 탑골공원 » à Seoul.
« Daehandongnip Mansei – « 만세 » :
A 14 heures les représentants scandent : « Daehandongnip Mansei », c’est-à-dire, « vive l’indépendance de la Corée ». La police japonaise procède à leur arrestation.
Les étudiants qui ont déferlé au parc de la Pagode, ne voyant pas les 33 représentants les rejoindre, commencent à « s’impatienter » car la tension est « à son comble ».
Ils commencent à crier : « houra houra houra ». Puis, l’un des étudiants prend la parole, et lit à haute voix la Déclaration d’indépendance de la Corée.
Le texte de la déclaration et des drapeaux coréens (Taegeukgi) sont distribués aux personnes présentes au parc, hommes, femmes et enfants.
Ils sont tous réunis dans un esprit pacifique, et lancent leur chapeau en l’air en scandant « Vive la Corée ! Vive l’Indépendance ! ».
Il est également intéressant de noter que beaucoup d’étudiants sont issus de l’Ecole de Posong. L’école qui a été fondée en 1906, au tout début de l’occupation japonaise est la première école privée incluant une section d’art.
Construite pour maintenir l’éducation, la culture et l’identité nationale coréenne (sous-entendu, en résistance à l’envahisseur japonais), elle avait pour devise « Construire une école pour soutenir la Nation ».
Information sur Yu Gwan Sun à Séoul ⓒ Jung Joo-ri / Korea.net
2/ 3·1 운동 - Samil Undong : un mouvement réprimé – un gouvernement provisoire de la République de Corée à Shanghai :
Rapidement, les manifestations qui se déroulent ce jour-là dans six grandes villes dont Séoul et Pyongyang se propagent par la suite à travers tout le pays.
On retrouve des manifestations semblables, comme le soulèvement du marché de Aunae « 아우내 » qui rallie les villes de Cheonan « 천안시 », Yeongi « 연기군 », Chungju « 충주시 » et Jincheon « 진천군 ». Il est mené par Yu Gwan Sun (유관순), une jeune étudiante qui avait auparavant manifesté dans la capitale.
Du mont « Halla » au sud au mont « Baekdu » dans le nord, des cris de liberté retentissent dans toute la péninsule coréenne.
Par la suite, les manifestations se « durcissent » pour mettre en échec des bureaux d’administration japonais. Des bataillons arrivent en renfort pour réprimer très sévèrement les soulèvements.
C’est ainsi que plus de 300 coréens perdent la vie (dans d’atroces conditions), le 15 avril 1919, alors qu’ils tentent de se réfugier dans l’église de leur village, à Jeam-Ri « 제암리 ».
Vraisemblablement deux clans naissent, ceux qui vont en Mandchourie, et d’autre part, le Gouvernement provisoire de la République de Corée.
Le Gouvernement provisoire de la République de Corée est formé en exil, un mois après la manifestation, le 11 avril 1919 dans la concession française de Shanghai.
Les indépendantistes coréens veulent être présents sur la scène politique et diplomatique internationale, et mener des actions d’indépendance en Corée.
En septembre 1919, tous les gouvernements provisoires formés après avril se sont regroupés en un seul Gouvernement provisoire de la Corée, toujours à Shanghai, pour fédérer tous les résistants, qu’ils soient en Corée, ou à l’étranger.
3/ 3·1 운동 - Samil Undong : La mission coréenne de Paris et les ouvriers de Suippes dans le département de la Marne :
Le mouvement a pris une ampleur mondiale.
Ainsi une mission coréenne arrive sur le sol parisien le 13 mars 1919.
La délégation coréenne est créée par le Gouvernement provisoire en avril 1919, pour plaider l’indépendance coréenne auprès de la société des Nations.
Des ouvriers coréens sont envoyés à Suippes, près de Châlons-sur-Marne, ville dévastée par la première guerre mondiale.
Ils sont affectés à compter du 19 novembre 1919 aux travaux de réparation du chemin de fer, et à la réparation du cimetière.
Ainsi dans d’autres circonstances difficiles, va naître la première Association coréenne de France. Elle créera des liens d’amitié, et un soutien tant moral que social, et financier à la Mission coréenne de Paris.
Mémorial du mouvement d'indépendance du 1er Mars 1919 à Hwaseong, en Corée du Sud. ⓒ Office du tourisme coréen (KTO)
4/ 3·1 운동 - Samil Undong : le tragique destin de Yu Gwan-sun « 유관순 » :
Comme nous l’avons dit plus haut, une jeune fille a aussi marqué à jamais l’histoire du soulèvement de mars 1919.
Cette jeune fille au destin tragique, originaire de la ville de Cheonan, c’est Yu Gwan-sun - « 유관순 ».
Alors qu’elle venait de perdre ses parents pendant les émeutes réprimées par les Japonais, le cœur épris de justice, Yu Gwan-sun s’est levée et a entraîné les villageois avec elle.
Avec d’autres opposants politiques, elle est arrêtée et torturée à la prison de Seodaemun (서대문형무소) et y perdra la vie à 18 ans.
On raconte que sans peur, elle a demandé à ses juges :
« En quoi suis-je une criminelle ? Pourquoi tuez-vous alors que nous nous défendions pacifiquement.
La liberté est un droit. Il n'y a aucun endroit qui ne soit pas un enfer dans ce pays (la Corée sous votre occupation ».
Des nombreux lieux sont dédiés à la mémoire de Yu Gwan-sun.
Pour finir :
On célèbre le 1er mars chaque année, en reproduisant les processions, et en se rendant dans les lieux emblématiques des manifestations, tels que le Parc de la Pagode.
Le mouvement d'indépendance du 1er mars est qualifié de « révolution », car il a servi « d'amorce à l'établissement d'une souveraineté appartenant au peuple même s'il n'a pas réussi à renverser le régime existant » souligne Yoon Kyoung-ro, Professeur honoraire de l'Université de Hansung.
Mais le mouvement du 1er mars, c’est aussi la force de la jeunesse.
Yu Gwan-sun n’est pas sans rappeler le jeune Guy Moquet au destin tout aussi tragique qui perdit la vie à 17 ans, et plus près de nous, la jeune pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la Paix dans sa lutte pour la scolarisation des petites filles, ou encore, dans un tout autre domaine, la jeune suédoise Greta Thunberg, qui lutte pour la survie de la planète (notre planète…).
Qu’on partage, ou non, leurs opinions, on ne peut (« à mon sens ») rester totalement insensible à leurs engagements et leur détermination, malgré leur jeune âge.
Telle était Yu Gwan-sun, mature avant l’âge, et qui n’a pu profiter de la vie qui s’ouvrait à elle.
En tout cas, à l’approche du 1er mars, soyons attentifs à ce que nous confierons peut-être nos ami.e.s coréens et coréennes.
Peut-être évoqueront-ils des souvenirs de leurs familles , ce qui fera vibrer leur esprit, et leur cœur.
Liens :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_1er_Mars
https://www.planete-coree.com/2019/02/28/100-ans-soulevement-coreens/
http://www.amitiefrancecoree.org/article-28508167.html
https://bonjour-coree.org/il-y-a-cent-ans-la-revolution-de-1919/#:~:text=Encore%20aujourd'hui%2C%20le%201er,le%20Parc%20de%20la%20Pagode.
https://www.facebook.com/CentreCulturelCoreen/videos/le-centenaire-du-mouvement-dind%C3%A9pendance-du-1er-mars/306751886701563/
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
etoilejr@korea.kr