Par le Journaliste Honoraire de Korea.net MOURIGAL Baptiste de France
Il est bien connu que lorsque nous quittons notre pays natal pour un autre, s'acclimater à un nouvel environnement n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Entre les différences de culture, de langue, des modes de travail, de nourriture et bien d'autres, il est nécessaire d'avoir un temps d'adaptation. Une période bien connue des sportifs de haut niveau qui ont décidé de traverser la moitié du globe pour exercer leur métier.
Hwang Ui-jo Ⓒ Compte Facebook de FC Girondins de Bordeaux
Le difficile apprentissage de la langue
Bien entendu, le premier facteur de dépaysement pour toute personne quittant sa terre natale pour un pays étranger, est la barrière de la langue. Le voyage vers la Corée du Sud ou vers la France n'échappe pas à cette règle, encore moins quand les deux langues sont extrêmement différentes (alphabet, syntaxe, prononciation, etc.) Que ce soit Ryu Eun-hee (handball), Hwang Ui-jo (football) mais aussi Mathias Coureur (football) ou bien Kevin Le Roux (volleyball), la présence d'un traducteur est obligatoire pour se faire comprendre au sein de l'équipe. Mais lorsque celui-ci n'est pas présent, les difficultés sont nombreuses : mauvaise compréhension des consignes, difficulté de communication avec ses partenaires... Il faut alors se réfugier dans l'anglais comme le souligne Ryu Eun-hee, joueuse du Paris 92 entre 2019 et 2020, dans un entretien avec Vice : « Comme je parle et comprends encore très mal le français, [mes coéquipières] me traduisent les consignes du coach en anglais pour que je puisse être réactive à l'entraînement et en match ». Même chose pour Kevin Le Roux, comme il le rapportait au journal Le Monde en 2015 après son aventure d'un an en Corée du Sud : « La majorité de l'équipe ne parlait pas anglais, alors je parlais surtout avec le capitaine et passeur de l'équipe, qui lui parlait un peu anglais. Sinon pour les entraînements, j'avais à chaque fois le quatrième coach de l'équipe qui faisait office de traducteur ». Dans la vie de tous les jours, cette barrière linguistique ce fait aussi ressentir et Ryu Eun-hee en a fait les frais après s'être fait voler ses affaires dans un café de la capitale : comment se faire comprendre des policiers pour déposer une plainte ? Frédérique Mendy, footballeur de Jeju et d'Ulsan entre 2016 et 2017, rapporte sa mésaventure à SoFoot après une balade dans Ulsan : « [...] les routes ne sont pas indiquées en anglais. Un jour, je voulais faire le connaisseur, je suis allé dans le centre-ville. Mais je n’arrivais plus à retrouver la route pour rentrer chez moi. C’était impossible de rentrer ! Je tournais en rond en fait, et j’ai réveillé le traducteur, puis donné le téléphone à quelqu’un pour que le traducteur lui indique la route ! Il lui a expliqué et le mec a marqué l’adresse dans le GPS – qui était aussi en coréen. Quand je me suis perdu, il était 21h. Je suis rentré chez moi quatre heures plus tard ! Il n'y avait même pas trente kilomètres de route. »
Yun Il-lok Ⓒ Compte Facebook de Montpellier Hérault Sport Club
La seule solution est alors d'apprendre la langue de son nouveau pays. Mais là également, ce n'est pas toujours aisé, comme nous le rapportait Mathias Coureur récemment : « C'était vraiment compliqué. J'ai appris quelques mots, les mots basiques et courtois « bonjour, merci, bon appétit » . Yun Il-lok, footballeur du club de Montpellier a profité du confinement consécutif à la pandémie de la covid-19 pour tenter d'apprendre le français avec quelques progrès, comme il le souligne sur le site de son club : « Même si, pour parler, ce n'est pas encore évident, je comprends de mieux en mieux ». Jung Jo-gook (footballeur à Auxerre et Nancy) faisait une priorité de l'apprentissage du français pour s'adapter au plus vite, comme il l'indiquait à l'Est Républicain : « J’ai pris quelques cours de français après ma signature à Auxerre [...] mais c’était difficile parce qu’il n’y avait pas de sud-Coréens pour m’aider. J’ai encore beaucoup de choses à apprendre pour comprendre toute une conversation et pour parler moi-même. Je pense que je vais plus vite progresser à Nancy. Je vais recommencer les cours deux à trois fois par semaine. J’espère que je pourrai m’exprimer en français le plus tôt possible, je sais que c’est important pour être totalement adapté à la vie d’ici ».
Kwon Chang-Hoon Ⓒ Compte Facebook de Kwon Chang-Hoon – DFCO
Le choc culturel
Outre la langue, l'autre difficulté pour un Coréen en France ou un Français en Corée du Sud, est bien évidemment la découverte de la nouvelle culture et de ses spécificités. Ce qui permet d'apprécier ou non son pays d'accueil. Kwon Chang-hoon, footballeur à Dijon entre 2017 et 2019, s'est facilement habitué à la culture française comme il le déclarait à SoFoot, tout en relavant ce qu'il appréciait par rapport à la Corée du Sud : « Par exemple en France, j'aime bien le fait que les gens dans la rue te saluent même si tu ne les connais pas. En Corée du Sud, la vie est trop stressante, les gens d'un même immeuble ne se saluent pas naturellement, il y a une distance. En France, vous n'avez pas cette distance, cela a été une très bonne surprise pour moi. Les gens sont très ouverts ici, conviviaux, c'est une bonne chose. Quand je vais au restaurant, je vois que les gens sont très respectueux les uns avec les autres. En Corée du Sud, tout est très formalisé. ». Ryu Hun-hee, pour sa part, a mis plus de temps à s'adapter, sa vie ayant beaucoup changé entre la Corée du Sud, où elle vivait en collocation, et la France où elle vivait seule. Pour Vice, elle rappelle aussi ce qu'elle trouvait surprenant dans sa vie parisienne : « Comme la grève ! Une situation pareille dans le métro à Séoul, ce serait inimaginable. Séoul est encore plus grand que Paris, des millions de voyageurs empruntent les transports chaque jour pour aller travailler. Un seul jour de grève comme celle qui dure depuis plus d'un mois ici et ce serait un chaos absolu. Tout le monde pleurerait ! Mais vous, vous prenez des vélos, des trottinettes, et vous vous débrouillez comme ça. L'autre truc hallucinant, c'est les magasins fermés le dimanche. Chez nous, ils sont ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. La première fois que je suis descendue faire les courses un dimanche, je n'ai pas compris. ».
Pour Frédéric Mendy, le plus compliqué fut la nourriture : « Au départ, la nourriture est difficile à digérer. Ils mangent épicé. Moi, je déteste le piment ! Au quotidien, c’est beaucoup de légumes. Et à chaque fois qu’ils mangent, il y a de la soupe. » Au sujet de la nourriture, c'est Jung Jo-gook qui a visiblement trouvé la bonne formule lors de son passage en France entre 2010 et 2012 : mélanger les deux gastronomies. C'est ce qu'il témoignait à L'Est Républicain : « Je ne suis pas difficile et j’aime beaucoup de choses de la cuisine française, j’ai déjà mangé par exemple des escargots et des cuisses de grenouilles ! Mais chez moi, je continue la nourriture sud-coréenne depuis que je suis en France. On achète des produits en grosse quantité dans des magasins spécialisés à Paris, la famille nous en envoie aussi, Le vin ? Je ne bois pas beaucoup d’alcool mais j’ai bien sûr goûté le Chablis à Auxerre ! »
Kevin Le Roux Ⓒ Compte Facebook de LZ Sport Pro
Le travail, facteur d'adaptation primordial
Autre différence majeure qui touche bien évidemment les sportifs, les modes de travail qui sont difficiles à digérer, notamment pour les Français. Le volleyeur Kevin Le Roux comparait son quotidien sud-coréen à l'armée : « On se levait tous les jours à 7h30 du matin, même le lendemain des matchs. On avait deux à trois entraînements par jour et un seul jour de repos par mois, c’était un peu comme à l’armée, je n’avais jamais connu ça avant. […] En Europe, en général, c’est quand même plus tranquille. Après les matchs, on a souvent une journée de repos. En Corée, il fallait à chaque fois se lever pour faire un tour dehors, puis après prendre un petit-déjeuner à 8 heures du matin, avec un entraînement et une pesée tous les matins. C’était super dur, si tu n’aimes pas bosser, il ne vaut mieux pas aller là-bas. ». Une différence notable par rapport à l'Europe que constatait également le footballeur Mathias Coureur : « Les entraînements étaient de 2h30 parfois. En France et en Europe, c'est 1h15. Intense mais 1h15. Là-bas c'est 2h30, parfois intense où tu termines très fatigué, parfois 2h30 pas spécialement intenses mais longues. Puis il y a aussi cette recherche de la précision extrême. On faisait beaucoup de répétition. » Des discours qui nous feraient presque penser que le travail en France est une partie de plaisir par rapport à la Corée du Sud.
Mais malgré toutes ces différences, tous ont eu une expérience inoubliable de leur passage en Corée du Sud ou en France. Une expérience qu'ils ne regrettent pas et qui leur a permis de travailler certains aspects pour la suite de leur carrière. De leurs aveux, Mathias Coureur et Kevin Le Roux ont progressé mentalement alors que Ryu Eun-hee a progressé sur le plan physique et technique. De quoi encourager nombreux sportifs, ou tout autre travailleur, à franchir le pas si l'opportunité se présente.
**Source
Interview de Ryu Eun-hee pour Vice :
https://www.vice.com/fr/article/bvgz9z/ryu-eun-hee-une-handballeuse-coreenne-a-paname
Interview de Kevin Le Roux au Monde :
https://www.lemonde.fr/volley/article/2015/05/31/en-coree-du-sud-le-volley-c-etait-un-peu-comme-a-l-armee-nbsp_4644216_1616668.html
Interview de Kwon Chang-hoon à SoFoot :
https://www.sofoot.com/kwon-chang-hoon-en-coree-du-sud-on-vit-comme-si-la-menace-n-existait-pas-454970.html
Interview de Fredéric Mendy à SoFoot :
https://www.sofoot.com/ce-qui-me-plait-c-est-le-barbecue-coreen-342719.html
Interview de Yun Il-lok pour le site du club de Montpellier :
https://www.mhscfoot.com/articles/2020-2021/equipe-pro/il-lok-yun-de-decouvertes-en-decouvertes
Interview de Jung Jo-gook à l'Est Republicain :
https://www.estrepublicain.fr/sport/2011/10/06/jo-gook-c-est-lui
Interview de Mathias Coureur pour Korea.net :
https://m.korea.net/french/NewsFocus/HonoraryReporters/view?articleId=193235&page=1
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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