Par la Journaliste Honoraire de Korea.net CHIRON Millie de France
J’ai rencontré Hanbyeol au Musée de l’Hospice Comtesse, Musée d’Art et d’Histoire de la ville de Lille. Hanbyeol avait déjà visité cet ancien hôpital fondé en 1237 par Jeanne de Flandre et avait publié un article à ce propos. Hanbyeol est revenue spécialement pour me rencontrer. Ensemble nous avons pu admirer le résultat d’une importante campagne de rénovations au Musée de l’Hospice Comtesse. Je l’ai interrogée sur son parcours très riche, sa profession, et sur son attrait pour la France. Nous avons aussi parlé de son blog personnel créé récemment. Suite à cette rencontre, j’ai eu envie de lui dédier, avec son accord, un article sur Korea.net.
JEON Hanbyeol, au Musée de l’Hospice Comtesse de Lille, avril 2022 © Millie CHIRON
Commençons par le parcours de Hanbyeol. Tout d’abord, son intérêt pour la France s’est développé alors qu’elle était lycéenne : « Au lycée, j’avais pris une spécialité en langue française. Nous sommes partis avec ma classe durant deux semaines en France à Nice et à Paris. Ce voyage était très impressionnant pour moi car c’était mon premier voyage à l’étranger. J’ai pu découvrir des musées très connus comme Le Louvre et le Centre Pompidou que je n’aurais jamais cru visiter un jour. Je possédais beaucoup de livres sur l’art et pouvoir admirer ces œuvres en vrai était une expérience formidable. » Ce voyage a été déterminant pour elle, notamment grâce à une rencontre : « A Paris, une amie de mon professeur de lycée a été notre guide, elle était professeure à La Sorbonne. Cette professeure m’a beaucoup marquée par son parcours brillant. Elle était journaliste et avait interviewé de nombreux écrivains et philosophes du 20ème siècle. »
Ce voyage en France s’est donc avéré décisif, Hanbyeol a décidé de partir étudier en France après avoir obtenu son « suneung » équivalent de notre Baccalauréat. Choisir d’aller faire ses études en France n’était pas une décision facile car : « à l’époque il y avait très peu d’informations sur la France, sur les universités et sur les différentes villes. » Sur les conseils de l’un de ses professeurs, elle a décidé de ne pas s’installer à Paris et a privilégié une ville de province. Hanbyeol souhaitait également étudier l’Histoire de l’Art en France, une filière qui n’a pas vraiment d’équivalent en Corée où le parcours est plutôt orienté vers « la philosophie de l’art ». Elle a donc constitué une liste d’universités qui proposaient la filière et a choisi Lyon, Saint-Etienne et Lille car elle ne pouvait formuler que trois vœux à l’époque. Elle a finalement été acceptée à Lille : « Avec seulement trois vœux, j’ai ressenti beaucoup de stress. Les préparations pour mon départ en France ont été très tardives car les démarches à effectuer étaient encore floues. Je ne me rendais pas compte de ce qui allait m’arriver. »
La vie de Hanbyeol n’a pas radicalement changé en arrivant en France : « Je ne suis pas quelqu’un qui me pose beaucoup de questions. » Le choc culturel a surtout concerné l’alimentation très différente et quelques habitudes de vie qui ont pu la surprendre.
L’arrivée dans une université française a été compliquée particulièrement pour la méthodologie à acquérir : « J’ai eu quelques regrets en arrivant à l’université en France ; je n’avais jamais appris à rédiger des dissertations ou des commentaires. Je n’avais pratiqué que très peu l’écrit, j’ai donc eu beaucoup de mal au début. » Hanbyeol a tout de même apprécié l’autonomie de travail à l’université : « Je pouvais me concentrer, travailler avec les autres et les solliciter lorsque j’avais besoin d’aide. J’ai également été agréablement surprise par le nombre d’auditeurs libres, notamment des personnes âgées qui venaient juste pour le plaisir d’étudier et qui m’ont aussi beaucoup aidée, je leur en suis très reconnaissante. En Corée, j’ai remarqué que les personnes âgées venaient beaucoup moins à l’université en tant qu’auditeurs libres. En effet, cette génération a connu la guerre de Corée, l’occupation japonaise, la pauvreté et a donc été privée d’éducation contrairement à la France qui ne possède pas la même histoire. »
C’est donc dans ce cadre qu’elle a validé sa Licence d’Histoire de l’Art. En deuxième et en troisième années de Licence, Hanbyeol a choisi la spécialité sur l’Art Médiéval : « Je trouve que c’est une époque où il y a davantage de palettes de couleurs et de variétés esthétiques. » Après sa Licence, elle a poursuivi ses études en allant jusqu’au Master : « J’ai choisi un Master recherche car j’aimais beaucoup la recherche, même s’il y avait le risque de ne pas entrer tout de suite dans le monde du travail. » Son sujet de recherche pour son mémoire était d’autant plus original qu’il traitait de « La Représentation du miroir dans les scènes religieuses des Anciens Pays-Bas : la peinture et l’enluminure aux XVe et XVIe siècles. » Son travail s’est centré sur l’iconographie, la symbolique et les significations du motif du miroir selon le contexte historique, le miroir étant un motif récurrent dans cette région.
Après avoir obtenu son Master recherche, Hanbyeol a complété sa formation par une année de Master 2 Patrimoine et Musées durant laquelle elle a acquis des notions en médiation culturelle. Ses études vont beaucoup lui servir durant son parcours professionnel. En effet, Hanbyeol est aujourd’hui médiatrice culturelle et explique qu’il y a, au quotidien, « un besoin d’analyser des œuvres ». Ses études lui ont permis d’apprendre « les notions globales sur l’évolution de l’Art européen ». Elle a également développé « un esprit analytique » puisqu’elle a l’habitude de faire des recherches, d’avoir « recours à des sources scientifiques ».
En plus d’être médiatrice culturelle, Hanbyeol a lancé un projet personnel en avril 2021 pendant le confinement. Elle a décidé de créer un blog avec des articles s’adressant à des lecteurs coréens. « L’année 2020 avait été extrêmement difficile pour les médiateurs culturels qui se sont retrouvés éloignés de leurs lieux de travail. Il y a eu une réelle angoisse due au contexte sanitaire. » Lors d’un retour en Corée pendant l’hiver 2021, elle a expliqué toutes ces problématiques à ses proches et en a conclu qu’elle souhaiterait présenter des musées qu’elle connaissait aux coréens. L’objectif de son blog était de faire connaître des petits musées aux coréens qui lorsque l’on parle de la France, pensent surtout aux musées parisiens.
Hanbyeol au MusVerre © Hanbyeol JEON
Hanbyeol a, par exemple, remarqué qu’en France beaucoup de musées « sont construits grâce à des initiatives citoyennes », elle a souhaité parler de cela dans ses articles. Au début du lancement de son blog, l’idée était pour elle de valoriser les musées locaux se situant près de chez elle et de promouvoir le Nord de la France, une région peu visitée des coréens. Au fur et à mesure, Hanbyeol a sélectionné des musées avec des particularités différentes : « J’ai par exemple publié un article sur le MusVerre (musée du verre) où j’ai pu parler de la conservation des activités artisanales au niveau local. Je diversifie mon activité en visitant mémorial, musée du terroir, écomusée, musée de plein air, etc. » Le but des articles de Hanbyeol est de valoriser l’activité culturelle locale et de donner de la visibilité à ces musées auprès du public coréen.
A l’avenir, elle aimerait « étendre ce projet à d’autres régions de France. » Elle prévoit également une importante publication : « un recueil de mes articles sur les musées de la région Hauts-de-France ». Ce projet de publication serait possible car elle travaille en collaboration avec la maison d’édition indépendante « Monthly Magazine Tomato » située à Daejon en Corée du Sud, pour laquelle elle publie des articles en plus de son blog personnel.
Tous ces projets cités ici ont permis à Hanbyeol de « tisser des liens avec les musées pendant la pandémie » alors qu’elle ressentait une « déconnexion » avec le monde de la culture pendant le confinement en France. Les personnels travaillant dans les musées se sont toujours montrés très chaleureux et enthousiastes à l’idée d’apparaître dans ses articles. A travers ses visites, elle s’est rendue compte qu’il était nécessaire : « de recréer des connexions entre les musées et le public étranger. »
Le fait d’écrire des articles, de construire son propos, de réaliser des vidéos qui illustrent ses visites, lui a permis de renouer avec une nouvelle forme de création. Pour Hanbyeol « La médiation culturelle n’a pas de forme fixe », en effet, ses articles permettent une médiation culturelle auprès des lecteurs coréens. Elle espère procurer à ses lecteurs « une sensation de dépaysement ». Elle veut « les inciter à visiter ces lieux » riches culturellement et historiquement.
Je tiens à remercier vivement Hanbyeol d’avoir accepté cette interview pour Korea.net France.
Pour suivre l’activité de Hanbyeol sur son blog et sa chaîne Youtube :
https://blog.naver.com/jhb4098
https://www.postype.com/profile/@heo0v2/series
https://www.youtube.com/channel/UC4ePe9esfj05P1U1u_tGVAA/featured
Pour lire les articles de Hanbyeol sur le Musée de l’Hospice Comtesse de Lille :
Première partie :
https://blog.naver.com/jhb4098/222400555227
https://posty.pe/b2gqz7
Deuxième partie :
https://blog.naver.com/jhb4098/222407764910
https://posty.pe/uk9xjj
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
etoilejr@korea.kr