Journalistes honoraires

02.03.2023

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Photo1 Hellbound webtoon © 2020 YEON Sangho & CHOI Gyuseok

« Hellbound » © 2020 YEON Sangho & CHOI Gyuseok



Par le Journaliste Honoraire Emilio Naud de France, Photos Rue de l'Echiquier & Choi Kyusok

Vous avez surement dû le voir passer dans les rayons d'une librairie, sur une étagère de bibliothèque ou encore sur une plateforme de webtoons : je parle bien sûr du manhwaga Choi Kyusok. Avec une douzaine d’ouvrages à son actif dont plusieurs publiés en France, il est l’auteur de « Hellbound », « Nouilles Tchajang » ou encore « Intraitable ». Cette dernière série, d’ailleurs, concourait pour le Fauve de la meilleure BD lors du festival d’Angoulême 2023. Pour son éditeur, Nicolas Finet, c'était une démarche logique d'éditer « Intraitable » en France. Ancien directeur de la collection Hanguk chez Casterman, il publie depuis toujours des auteurs coréens et ne se limite à aucun genre ou média, toutes les bonnes bandes dessinés ont leur place dans le catalogue des éditions Rue de l'Echiquier.

Choi Kyusok accepte de nous en dire plus sur ses oeuvres et sa manière de travailler.

Photo2 Choi Kyu Sok, manhwaga © Rue de l'Echiquier

Choi Kyu Sok © Rue de l'Echiquier


- Quelles sont vos impressions sur votre sélection au festival d'Angoulême et sur la publication de vos œuvres en France ?

Quand j’étais en primaire, je suis tombé sur un journal TV qui parlait du festival d’Angoulême. A cette époque en Corée, les manhwas n’étaient pas encore populaires, la BD était considérée comme un livre vulgaire. Mais j’étais captivé par les BD et je rêvais un jour d’avoir un prix dans ce genre de festival. Aujourd'hui le rêve devient presque réalité puisque j’ai été sélectionné.

Mes œuvres ont commencé à être publiées en France dans les années 2000. A ce moment, beaucoup de personnes se sont intéressées à mes travaux, j’étais vraiment heureux. Depuis, j’ai eu beaucoup d’expériences de publications à l’étranger et toutes ne furent pas couronnées de succès, je suis un peu moins ému en ce qui concerne une version étrangère de mes œuvres.

- Parlons d’Intraitable, quelle réaction en Corée sur ce manhwa ? Comment avez-vous fait pour créer le duo de héros ? Avez-vous fait des recherches sur les syndicats ?

Le sujet d’ « Intraitable » est rarement traité dans les BD ou les manhwas, c’était un choix un peu audacieux de ma part. Lors de sa publication en Corée, les critiques et le public se sont intéressés de près à Intraitable. C’était la première fois qu’un représentant de syndicat était le héros d’une histoire. Ça a lancé une sorte de mode sur les sujets parlant des côtés sombres de la société, mais cela n'a pas fait beaucoup de vagues.

En ce qui concerne, nos deux héros, Lee Su In est un mélange de ma propre personnalité et d’une autre personne. Quant à Gu Go Shin, il est la fusion de plusieurs personnes que j’ai rencontrées lors de la conception du manhwa notamment des avocats du travail, des syndics et puis aussi du sociologue américain Saul Alinsky.

- Vos mangas présentent souvent des environnements ou personnages foncièrement mauvais, est-ce du pessimisme ou bien des situations que vous avez déjà vues/expérimentées ?

Je suis quelqu’un de très positif. « Hellbound », c’est un webtoon d’horreur donc il se devait d’être très sombre. Quant à Intraitable, j’ai dû interviewer plus d’une centaine de personnes lors de mes recherches pour ce manhwa. Je m’intéressais aux syndicats et aux mouvements des travailleurs coréens au début des années 2000. C’est vrai que j’ai entendu et vu beaucoup d’histoires d’oppression au travail et après avoir été témoin de ce genre de pratiques, je pense que le manhwa a pris une tournure plus sombre que prévue.

Photo2 Choi Kyu Sok, manhwaga © Rue de l'Echiquier

« Intraitable »  © Rue de l'Echiquier


- Votre impression envers les différentes adaptations audiovisuelles de vos œuvres ? Est-ce que cela vous a accru la popularité de vos œuvres ?

Après que je signe la vente des droits, je ne me soucie pas des différents aspects de la production. Je les laisse réinterpréter mon œuvre sur leur média et je pense que chaque format a ses avantages et ses inconvénients. Ce que j'aime avec les dramas, c'est qu'ils réunissent tout le monde. Et puis cela a boosté les ventes de mes œuvres.

- Pourquoi avez-vous choisi de collaborer sur « Hellbound » ?

Pour tout vous dire, Yeong Sang Ho est un très bon ami à moi, nous avons écrit le scénario ensemble pour le webtoon. Il s’est chargé de me conseiller, et puis comme vous le savez, il a adapté Hellbound sur le petit écran. Le drama a été produit par Netflix.

- Parlez-nous de votre façon de dessiner ? Quels défis pour vous avec le format webtoon ? Cela va-t-il vous pousser à utiliser la couleur ?

Il n’y a pas de changements majeurs sur ma façon de dessiner que ce soit un manhwa ou un webtoon. C’est vraiment la mise en page qui diffère. Dans un manhwa il faut que celle-ci soit chiadée, avec des cases de tailles et formes différentes. Pour le webtoon, la mise en page est plus limitée, le format écran de téléphone ne permet pas de créer de trop grandes illustrations, mais il faut quand même faire ressentir l’émotion des personnages.

Je me suis rapidement habitué aux nouvelles technologies, pour Intraitable, j’ai travaillé surtout sur Photoshop, mais pour d’autres séries, j’ai privilégié ClipStudio.

Si je devais faire un webtoon tout en couleurs, ce serait un processus plus long et difficile. J’ai auparavant dessiné des histoires courtes en couleur mais jamais de séries longues. Je suis un adepte du noir et blanc. En revanche pour les webtoons, je travaille la couleur sur les bannières de l’application ou bien les images marketing qui vont attirer les lecteurs. Mais un webtoon tout en couleurs ? J’ai peur que ça fatigue les yeux des lecteurs.

Photo4 Choi Kyusok dessine son webtoon © CHOI Gyuseok

Choi Kyusok dessine son webtoon © CHOI Gyuseok


- Vous avez publié de nombreux ouvrages en France, qui n'ont pas forcément toujours eu le succès escompté, qu'est ce qui change la donne actuellement ? Est-ce que le webtoon peut selon vous ressusciter le manhwa ? Pensez-vous que la BD coréenne peut rattraper son retard sur le manga japonais ?

Le manhwa a presque disparu aujourd’hui contrairement au manga japonais qui fait toujours fureur. C’est vrai que le webtoon est ultra populaire ces derniers temps. Mais j’ai des doutes sur la pérennité des auteurs coréens à être les tops artistes sur les plateformes de webcomics. De nombreux auteurs américains, japonais ou même européens émergent sur ces plateformes. Leurs webtoons dépasseront-ils un jour les webtoons coréens eux-mêmes ? La Corée a vraiment lancé le mouvement, cependant en restera-t-elle le leader ?

Photo5 Choi Kyusok dans son atelier © CHOI Gyuseok

Choi Kyusok dans son atelier © CHOI Gyuseok


- Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je suis en train de concevoir la saison 2 de « Hellbound » qui va débuter cette année en Corée. Mais je n’ai pas de plans après 2024, je me sens vieux (rires). Travailler sur une série n’est pas de tout repos, cela demande vraiment trop de travail, je veux rester en bonne santé. Il faudrait que je trouve un système avec des assistants par exemple avec qui je pourrai déléguer certaines tâches pour que ce travail puisse être durable.

- Un dernier mot pour la fin ?

J’ai eu beaucoup de chances récemment de me rendre en France, j’ai été invité à plusieurs reprises, mais je suis vraiment trop occupé, et puis les vols vers le France sont vraiment très longs, à cause, des combats en Ukraine. Dès que j'ai le temps, je viendrai voir mes fans en France. Et puis les longues soirées d’été en France me manquent, lorsque le soleil se couche très tard.

Bibliographie selective :

Intraitable (6 tomes, Rue de l'Echiquier) Hellbound (2 tomes, Kbooks) L'amour est une protéine (one shot, Casterman) Nouilles Tchajang (one shot, Kana) Le Marécage (one shot, Casterman)



* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr