Kotopopi. © Kotopopi
Par la journaliste honoraire de Korea.net Adriana Rabe de France, photos Kotopopi
Arianna, plus connue sous le nom de Kotopopi, est une scénariste italienne. Elle a étudié le japonais, le chinois et le management à l'université. Après plusieurs années de carrière en entreprise, elle se lance en tant qu’indépendante en 2013. Depuis 2018, elle écrit des séries à plein temps et collabore avec de talentueux dessinateurs pour ses créations. En 2022, avec un groupe de créateurs, elle lance une enquête à destination de la Ligue des auteurs professionnels. L’objectif est de faire un état des lieux de l’industrie afin de comprendre les besoins des créateurs et ainsi améliorer leurs conditions de travail.
J’ai eu le plaisir d’échanger avec Kotopopi au cours d’un entretien vidéo. C'est dans un français parfait qu'elle a répondu à mes questions sur sa carrière, ses œuvres et ses projets à venir.
Adriana Rabe : Comment as-tu découvert le webtoon ? Qu’est-ce qui t’a plu dans ce format ?
Kotopopi : J'ai tout d’abord connu le webtoon avec Webtoon US. Je cherchais comment publier mes BD en ligne et, en regardant les recommandations, je suis tombée sur la section Canvas qui te permet d’auto-publier tes créations. C'est là que j'ai commencé à auto-publier mes BD sur ma vie parisienne. J'ai vu que ça ne marchait pas, les Américains n'étant pas trop intéressés par ces histoires parisiennes. J’ai donc créé une autre BD qui s'appelle Millennials et qui parle juste de la vie des milléniaux en général. Ça a très bien marché et c'est comme ça que j'ai pu avoir mes premiers abonnés sur Webtoon et aussi sur Instagram.
Un de chaque, Kotopopi/Milena Ciccarello. © Webtoon France
Est-ce que tu lis des webtoons ? Quelles sont tes séries préférées ?
J'en lis des tonnes ! En ce moment, je lis
Qu'est-ce qui cloche avec la secrétaire Kim ? qui est aussi sorti en K-drama. À l'origine, c'est un webnovel comme beaucoup de séries. D'ailleurs, je me rends compte que la plupart des séries que j'adore sont tirées de webnovel. Les histoires sont vraiment complexes et les personnages sont très riches. Je recommanderais également
Bâtard. C'est très puissant. Et
Everything is fine, une histoire dystopique. C’est assez angoissant. J'aime bien les histoires angoissantes. Je vais aussi donner une recommandation française :
Colossale. Je trouve ça génial. L'écriture est nickel, les personnages sont fantastiques et, naturellement, les dessins aussi. C'est vraiment top !
Penses-tu que le webtoon peut s’imposer de manière durable ?
Oui, comme c’est déjà le cas en Corée. Je pense que ça va arriver chez nous aussi tout simplement parce que nous n'avons pas forcément de librairies à côté de chez nous. Mais nous avons tous un téléphone dans nos poches et souvent la lecture est gratuite. Les personnes vont se rendre compte que c'est juste plus simple. C'est une habitude à prendre. Ça ne veut pas dire que les bouquins vont disparaître. J'ai plus de bouquins que n'importe quel autre objet chez moi. Il faudra vivre avec les webtoons.
Sur combien de webtoons as-tu travaillé ?
Je n'arrive plus à me souvenir sur combien de séries exactement. En ce moment, j'en ai deux en cours : une avec Allskreen d'Ankama et une avec Webtoon US. J'en ai une autre pour laquelle je prépare un bouquin :
Histoires Succulentes. J'ai aussi un projet personnel et j'ai récemment pitché (présenté) des histoires à un éditeur. Et avant ça, j'ai auto-publié sur Canvas. J'ai travaillé sur deux séries pour Webtoon Factory. Il y a aussi une série courte qui a gagné un concours sur Webtoon US en 2020 et qui a été publiée par la suite. J’ai aussi travaillé pour la France avec
Un de chaque et l'Italie avec
Cara Celeste Compagnia.
The Ladder (Brain Anthology), Kotopopi/Kibbitzer. © Webtoon US
Comment trouves-tu l’inspiration pour tes histoires ?
L'actualité, c'est une grosse source parce que je suis passionnée de tout ce qui est intelligence artificielle, tout ce qui est futuriste, même si je n'arrive pas toujours à faire des histoires sur ça. Je les pitche et après on me les renvoie (rires). Quelques éléments sont tirés de ma vie. Des personnages sont, par exemple, inspirés par des personnes que j’ai réellement rencontrées.
Peux-tu me parler de ta journée type de travail ? As-tu une routine ?
Oui. Je me lève à 8h, je bosse pendant 10h et ma journée est finie. Ça fait cinq ans que je vis comme ça... Ce n'est pas toujours simple. Parfois, entre le moment où tu pitches une histoire à un éditeur et le moment où tu touches ton premier salaire, il peut s’écouler un an et demi. Ça prend entre six et dix mois pour valider un projet donc il faut penser très en avance pour ne pas avoir de trou dans ses revenus. Quand tu arrives à la moitié du contrat, tu commences déjà à stresser parce que tu te dis qu'il faudra déjà penser au prochain contrat.
Est-ce que tu lis les commentaires sur les plateformes ? Est-ce que cela peut influencer la suite de tes histoires ?
Non, aucune influence parce que j'ai écrit toute l'histoire avant même de commencer à travailler sur un épisode. Je tiens à faire savoir aux personnes qui écrivent des commentaires qu'elles n'ont aucun pouvoir d'influence sur les histoires. L'éditeur nous oblige à écrire toute l'histoire avant de commencer à travailler. Ce n'est pas que moi, tout le monde travaille de cette façon. Bien sûr je lis les commentaires mais je réponds seulement si ceux-ci me touchent ou si les lecteurs n'ont vraiment pas compris ce que je voulais dire. J'aime bien lire leurs théories.
Histoires Succulentes, Kotopopi/mocopink. © Webtoon France (Canvas)/Tacotoon
Préfères-tu vivre de tes histoires sur Internet ? Ou est-ce qu'être publiée et vendue serait une finalité pour toi ?
Il est vrai que je préfère la version papier, l'objet en lui-même. J'adore les bouquins. Cependant je lis autant d’histoires sur des bouquins qu'en ligne sur des plateformes. J'aime l'idée que l'histoire connaisse une deuxième vie en forme de bouquin et touche un public qu'autrement elle n'aurait peut-être pas pu toucher. Il y a des personnes qui ne lisent tout simplement pas en ligne. Mais ce n'est pas la finalité ultime. Le fait que mes histoires naissent en version numérique et le restent ne me dérange pas.
Tu as participé à la première édition du World Wide Webtoon Festival à Montreux. Qu'as-tu pensé de cette expérience ? As-tu pu rencontrer tes fans ?
Je n'ai pas pu rencontrer mes fans. Ma série
Un de chaque venait à peine de sortir et il n’y avait pas vraiment de promotion. Mes profils sur les réseaux sociaux s’adressent d’abord à un public anglophone, je publie en anglais. Je n’ai pas de compte en français. Il faut également noter que les fans se déplacent souvent pour voir les dessinateurs. J'étais là-bas surtout pour les journées pro qui ont été vraiment exceptionnelles. J'ai pu rencontrer énormément de personnes qui travaillent dans le secteur. J'ai beaucoup appris. J'ai rencontré de nombreux collègues, chose qui n'arrive pas tous les jours.
Est-ce que tu as des formations à recommander aux personnes qui souhaitent faire comme toi ?
Je ne recommande aucune école pour l'instant. Si vous avez un bon niveau en dessin et de très bonnes idées, vous pouvez essayer de vous auto-publier.
15 minutes of fame, Kotopopi/Ilaria Apostoli. © Ono
Quels sont tes conseils pour les personnes qui voudraient se lancer et se faire une place dans l’univers des webtoons ?
Se lancer, c'est tout. Même si on a l'impression que notre histoire n’est pas assez belle ou que c’est mal dessiné, on peut se retrouver avec dix millions de personnes qui viennent nous lire et nous dire que c'est génial. Ça vaut aussi pour l’inverse : on peut être convaincu d'être le meilleur de l'univers mais, lorsqu’on publie, personne ne nous lit. Il faut juste se lancer et grandir avec son public, avec les lecteurs et leurs retours. Ça, ça permet de dépasser ses limites et de se remettre en question.
Quels sont tes projets pour la suite ?
Produire autant que je peux en espérant toucher une plus large audience et peut-être prendre des vacances, ça serait super. L'année dernière, j'ai osé réserver cinq jours en montagne dans le nord de l’Italie. J'étais sûre que j'arriverais à me reposer cinq jours d'affilée. Et puis, j'ai un contrat qui est arrivé et nous avons commencé à travailler le premier jour de mes vacances. J'ai passé des heures en visioconférence avec mon éditeur et le dessinateur ce jour-là. J'ai seulement eu trois jours de vacances l'année dernière.
Où retrouver Kotopopi ?
Sur son Instagram :
https://www.instagram.com/kotopopi/
Sur son site internet :
https://kotopopi.com/
Sur son Facebook :
https://www.facebook.com/kotopopi/
Interview réalisée avec Kotopopi le lundi 10 avril 2023 via Zoom.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
caudouin@korea.kr