Par la journaliste honoraire de Korea.net Eléonore Bassop de France, vidéo chaîne officielle du JIFF
« Au mois de mai, fais ce qu’il te plaît » dit le dicton. Moi, ce qui me plaisait, c’était de retourner en Corée du Sud. C’est chose faite ! En plusieurs articles, je vous propose de revenir sur quelques attractions touristiques notables, sur des événements qui ont jalonné mon voyage et sur les temps forts de mon incroyable séjour qui m’aura mené à Séoul, Jeonju, Gwangju et Damyang.
Étape 1 : Jeonju
À plus de trois heures de Séoul en autocar, Jeonju est connue pour être une ville d’histoire et de culture.
Une place forte durant Joseon
Ville prospère dès l’époque des trois Royaumes (Baekje, Silla et Goryo), Jeonju est la capitale de la province du Jeolla du Nord. En 1413, ce bastion des fondateurs du royaume de Joseon (1392-1910) est désigné pour protéger l’une des trois copies des annales royales. Pendant la guerre d’Imji (1592-1598), les copies, disséminées à Chunju et à Seonju, sont incendiées par l’envahisseur japonais. Seule la copie conservée à Jeonju parviendra jusqu’à nous, elle est gardée dans l'ancienne académie confucéenne de la ville.
Le sanctuaire de Gyeonggijeon, au cœur du Hanok village, village de maisons traditionnelles, est un lieu touristique où déambulent les visiteurs vêtus du hanbok (le costume traditionnel). Il satisfera la curiosité des férus d’histoire de la dynastie Joseon, avec son hall principal et son musée des portraits royaux. Mais le véritable trésor de Gyeonggijeon est le portrait du roi Taejo (1335-1408), le souverain fondateur de la dynastie Joseon.
L’autre pan important de l’histoire de la région du Jeolla est à découvrir au Donghak Revolution Memorial Hall. Ce musée est consacré à l’histoire de la révolution paysanne du Donghak qui s’est déroulée entre 1894 et 1895.
Tout commence avec Choe Je-u (1824-1894), un noble désargenté qui en 1860 crée le Donghak, le savoir oriental, une religion qui veut façonner une société nouvelle débarrassée de la corruption des élites, de l’influence occidentale et dans laquelle l’égalité des peuples est une réalité.
Les hausses d’impôts constantes, les injustices subies par le peuple, les trahisons des élites et l’ingérence étrangère néfaste dans les affaires publiques, conduiront les partisans de Donghak à réclamer une réforme sociale qui leur sera violemment refusée par le gouvernement.
Des manifestations seront organisées par les adeptes du Donghak auxquelles se joindra la paysannerie. La rébellion de ces deux groupes parvint à vaincre les troupes gouvernementales. Prenant pour prétexte d’apporter une aide au gouvernement coréen, les armées de Chine et du Japon interviendront dans le conflit et finiront par s’affronter pour la tutelle de la péninsule de Corée. Les rebelles de Donghak déposeront les armes pour désamorcer les tensions ; néanmoins, la première guerre sino-japonaise (1894-1895) avait commencé. Quant aux chefs du soulèvement, ils furent arrêtés et exécutés.
Jeon Bong-jun, leader de la révolution paysanne du Donghak, déclara lors de son arrestation :
« Autrefois, le ciel et la terre étaient de mon côté, mais même un héros n'est pas une exception lorsque la chance vient à manquer. Qu'y a-t-il de mal à aimer son peuple et à suivre le droit chemin ? Qui comprendrait ma sincère dévotion pour mon pays ? »
Autres curiosités
La cathédrale catholique de Jeondong, est une autre de ces attractions touristiques qui rappelle l’histoire de Jeonju. De style roman et byzantin, elle a été construite en briques rouges, entre 1908 et 1914, pendant l’occupation japonaise (1910-1945), sur les lieux de l’exécution des chrétiens sous l’ère Joseon au 18e siècle.
L’imposante porte de Pungnammum qui fait face à la cathédrale de Jeondong, est le seul vestige du fort de Jeonju, construit en 1338. Reconstruite en 1734 durant Joseon, endommagée à maintes reprises, c’est une source d’information importante pour les historiens.
Le Festival International du film de Jeonju (Jeonju International Film Festival, JIFF)
Mais Jeonju, c’est aussi une ville de cinéma depuis la création de son festival en 2000. Cette année, la 24e édition du Festival International du film de Jeonju s’est tenue du 27 avril au 6 mai.
La clôture du festival a été marquée par une conférence de presse et la projection du film Where would you like to go ? de Kim Hee-jung. La cérémonie de remise des Prix avait eu lieu le 3 mai au Centre culturel de l’université nationale de Jeonbuk.
Mais que retenir de l’édition 2023 du JIFF dont le slogan était « Beyond the frame », au-delà du cadre ?
Le film d’ouverture Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne primé au festival de Cannes en 2022 ?
Ce film suit Tori, un jeune garçon et Lokita, une adolescente, qui ont fui l’Afrique et sont arrivés seuls en Belgique. Grâce à leur invincible amitié, les deux jeunes adolescents vont devoir faire face aux conditions difficiles de leur nouvelle vie d'exil.
Avec Tori et Lokita, les frères Dardenne donnent un visage à un phénomène social de notre temps, celui de l’accueil réservé aux mineurs étrangers isolés, réduisant ainsi à néant les discours simplistes.
La projection suivie d’un échange dense avec le public s’est faite en présence des deux réalisateurs belges, dont c’était le premier voyage en Corée du Sud.
D’autres films ont fait une très forte impression sur les festivaliers.
Pixinguinha, an Affectionate Man de Denise Saraceni et Allan Fitterman. Ce drame brésilien, sorti en salles au Brésil en 2021, retrace la vie d’Alfredo da Rocha Vianna Junior (1897-1973) dit Pixinguinha, petit-fils d’esclave, père de la musique populaire brésilienne. Carinhoso, l’une de ses nombreuses compositions, est le second hymne national brésilien a affirmé Carlos Moletta, le producteur du film, venu à Jeonju pour le présenter.
The Hotel du réalisateur chinois Wang Xiaoshuai, film non autorisé en Chine, revient sur la pandémie de la Covid-19. Un groupe de touristes chinois se retrouve confiné dans un hôtel en Thaïlande au début de la pandémie. Confrontés à la difficulté de rentrer chez eux, l’angoisse gagne, les masques tombent. Une jeune femme qui pense vivre ses derniers instants, entame une aventure avec l’un des hommes, marié et d’âge mûr, mais sait-elle qui est cet homme ?
Mora, film coréen de Kim Jin-tae présenté lors du JIFF en avant-première mondiale, suit les tribulations de Sunwoo qui s’apprête à épouser sa petite amie lorsque son père est victime d’une attaque cérébrale. S’ensuit une hospitalisation, mais le père est sans assurance et sans argent. Sunwoo va devoir s’occuper de tout, à quel prix ?
Ces films n’ont pas été primés, mais ils sont particulièrement intéressants parce qu’ils parlent de sujets de notre temps.
Au total, le festival a présenté 247 films de 42 pays. 66 films ont été présentés en avant-première mondiale, 7 films en avant-première internationale, 60 films en avant-première asiatique, 50 films en avant-première coréenne et 38 courts-métrages coréens ont été diffusés en ligne.
Le festival a également organisé de nombreuses manifestations spéciales, master class, conférences, exposition, ciné tour, des spectacles en plein air et des programmes participatifs.
Des invités, membres de festivals internationaux, avaient répondu présents. Ils venaient de Chine, d’Irlande, du Mexique, de France, de Cuba, de Suède, des États-Unis, du Japon, d’Espagne, d’Italie, du Canada.
Les organisateurs du festival se sont félicités de la réussite de cette édition 2023 qui a vu une nette augmentation de la fréquentation du public à toutes les séances et aux événements annexes.
Mon séjour à Jeonju a été largement consacré au JIFF. J’ai tout de même pris le temps de visiter la ville bien que de nombreux sites culturels me restent à découvrir. L’occasion d’y retourner pour y savourer à nouveau les spécialités gastronomiques de la région.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.