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07.03.2024

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Vanessa Pisano de France

A l’occasion de la préparation de son prochain ouvrage sous les éditions Hachette, Jake, auteur de The Korean Dream et entrepreneur, se livre dans une interview authentique à Séoul. Nous organisons cette rencontre le 2 juin 2023 dans un des nombreux cafés pleins de charme dont la capitale coréenne a le secret. Jake, 37 ans cette année, vit depuis huit ans en Corée, est l’une des personnes qui fait référence dans le domaine de la K-culture au sens large. Passionné et investi, il se consacre pleinement à la création de contenus de qualité sur ses différents médias. Regroupant toutes les informations nécessaires pour préparer un voyage, une expatriation ou simplement en apprendre plus sur ce pays qui n’a de cesse de conquérir les cœurs.

Vanessa Pisano : Bonjour Jake, merci de consacrer du temps à cet échange pour en apprendre plus sur toi, tes projets, ta vision. Pour commencer, veux-tu nous présenter le parcours qui t’a conduit en Corée ?

Jake - The Korean Dream : Tout a commencé en 2001 avec une chaîne coréenne que je captais : Arirang TV, qui diffusait des clips de musique, des émissions, etc. J’ai immédiatement adoré la sonorité de la langue. Ce qui m’a marqué à l’époque c’est le concert de Bi Rain, super star en Asie, qui s’est produit au Madison Garden à New York en 2006. Ce concert fut un succès, rares étaient les artistes masculins qui représentaient les asiatiques dans le monde. La Hallyu commençait en Asie principalement et arrivera plus tard en Europe. Pendant plus de 10 ans, au travers de la musique, films, séries mon intérêt pour la Corée grandissait. Après mon diplôme d’informaticien dans une école d’ingénieur j’ai commencé les cours d’ initiation cours de coréen au centre culturel de Paris. En 2013 je décide de partir en touriste visiter la République de Corée pour la première fois. C’était en hiver par -16 degrés ! J’ai adoré l'accueil, la modernité, la sécurité ! Alors je me suis promis de revenir ici. À mon retour en France j’ai cherché un job pour revenir en Corée, sans succès. La vie me conduira à New York en VIE (contrat en volontariat international entreprises) pendant un an et demi. Séjour riche de rencontres et d’enseignements. À l’issue, j’ai fait le choix de partir à l’aventure en PVT en Corée, sans connaissance et pourtant huit ans plus tard j’y suis toujours résident.

« En 2013, c’était déjà le futur de la France du présent » © Jake The Korean Dream

« La Corée en 2013, c’était déjà le futur de la France du présent ». © Jake The Korean Dream


Comment es-tu devenu jeune expatrié ?

Je suis arrivé en Corée à 28 ans. Auparavant, j’avais déjà voyagé dans une vingtaine de pays. J’aime arriver dans un lieu où je ne connais personne et découvrir par moi-même, les lieux, la culture, les locaux. Ce qui m’a conduit trois mois en Chine, un mois en Colombie par exemple. C’est en République de Corée que je me suis senti le plus à l'aise, comme chez moi. Tout est fait pour être agréable, je le ressens toujours même après huit ans.

Comment vis-tu cette bascule de pays ?

« Ce n’est pas parce qu’on naît dans un pays qu’on doit finir dans celui-là ». Il peut exister une autre culture qui te correspond plus dans un autre pays. Pour ma part, malheureusement il y a des choses que je n'apprécie pas en France, exemple, l’administration qui est très lente, la mentalité de certaines personnes qui manque de dynamisme et donne l'impression de ne pas vouloir aller de l'avant, créant une ambiance générale au ventre mou. Aux USA j’ai eu le sentiment que tout était possible. Dès 26 ans, il est possible d’avoir son entreprise. Ici (en Corée) c’est dynamique, il y a toujours quelque chose à faire, les gens sont actifs, en quête de donner du sens à leur vie.

Comment trouves-tu ton point d’équilibre entre les cultures ?

Je suis d’origine chinoise du Cambodge, mes parents ont fui la guerre de 1970. Je suis né à la Courneuve. À travers toutes les destinations, à chaque fois j’essaie de prendre le meilleur de chaque culture. Ce qui me plait je l'absorbe et sinon je le laisse. Les vieilles cultures restent et se maintiennent. Je fais avec ce que j’estime être bon pour moi, créant une mosaïque avec différentes couleurs et vibrations. Je me définis comme un mix de tout ce que j’ai vécu, des personnes que j’ai rencontrées, de ce qui m’inspire : comme un citoyen du monde, ce que nous sommes tous aujourd’hui quelque part, avec tous les médias à notre disposition.

Quels ont été tes débuts sur place et comment as-tu appréhendé la langue ?

J’ai travaillé pendant quatre ans pour une start-up coréenne et dès mon arrivée j’ai lancé mon blog où je donne des conseils pratiques aux français. J'aborde tous les thèmes sur la Corée. Sur YouTube je présente mes parcours du pays à vélo, des interviews, micro-trottoir ou encore des tests de nourriture française aux Coréens. Depuis quatre ans, je me suis concentré sur mon activité en ligne et en présentiel, puisque je propose des cours d'initiation au coréen et des tours guidés sur Séoul. Je me diversifie. Pour la partie linguistique, j’ai suivi des cours du soir de coréen durant six mois pendant une heure et demie au centre culturel coréen de Paris, pour obtenir les bases. Ce sera la pratique sur place qui m’aidera grandement. Ainsi que les interactions à New York avec la communauté coréenne que j’ai côtoyée. À mon arrivée, ma progression aura été rapide les premiers mois avec l’immersion, le travail et les rencontres.

“C’était mon rêve d’où the Korean Dream” - © The Korean Dream / Hachette Pratique

« C’était mon rêve, d’où the Korean Dream ». © The Korean Dream / Hachette Pratique


Tu fais preuve d’un fort investissement personnel dans ta façon de transmettre. Au-delà du survol, tu vas au cœur des choses. Exit la fantaisie, on ressent une vision humaine et rationnelle dans tes articles. Par rapport aux personnes qui te suivent, ressens-tu une responsabilité de contenu ?

Un grand OUI. La responsabilité est présente par toutes les phrases que je peux dire sur la Corée du Sud. Je transmets une culture qui n’est pas la mienne. Je prête attention aux clichés et stéréotypes. Nombreux sont ceux qui viennent, se filment, ne savent rien (ou très peu) et généralisent une expérience personnelle rencontrée à tout un peuple. Je m’explique : « si quelque chose t’arrive à toi, rien ne dit que ça arrivera à tout le monde ». Cette généralisation à tout un peuple est une erreur selon moi, donnant une image « c’est comme ça ». Non, une culture, une société, un pays, c’est bien plus profond.

Quels sont tes contenus ?

Quand je construis mes sujets, je ne veux plus faire d’articles en mode « à Hongdae c’est la fête », etc. Toutes ces choses banales qui ne m'émerveillent plus. Comme les feux piétons au sol quand tu es sur ton téléphone, le métro, etc. Je pense qu’il existe bien assez de posts et d’informations disponibles. Alors je cherche aujourd’hui à aller plus loin, approfondir la culture, être plus axé sur le plan humain : comme mes reportages sur « les adoptés coréens ».

Extrait © The Korean Dream / Hachette Pratique

Extrait de « The Korean Dream ». © The Korean Dream / Hachette Pratique


Veux-tu nous en dire plus sur cette expérience bouleversante ?

J’ai moi-même été ému quand je l’ai filmée. Ce sujet n’est pas la première chose à laquelle on pense. Après avoir abordé les thèmes de surface, comme le tourisme ou le shopping, au bout de quelques années, on veut voir plus loin. J’aime les histoires de chaque personne, il y a beaucoup d'entrepreneurs ici, d’artistes, artisans, musiciens. Ils ont tous quelque chose à nous transmettre.

Comme toi aujourd’hui. Te définis-tu comme un influenceur ?

Le mot influenceur, je ne l’aime pas. En quoi j'influence ? Influencer c’est quoi aujourd’hui ? Utiliser une présence en ligne pour guider les gens dans leur façon de consommer, d’agir, de penser. Je me définis comme un entrepreneur et surtout un auteur. Essayant plutôt de partager mon expérience, d'encourager les personnes à venir en touriste en premier pour découvrir le pays et se faire leur propre idée, avant de projeter de venir y habiter.

Hongdae, Namsan, tout ça, c’est vu et revu. Je veux pouvoir interviewer des expats, des entrepreneurs pour représenter ceux qui ont réussi. C'est illustrer le Korean Dream ! Peut-être que je me fais vieux ! (Rires.) De nos jours, le contenu des courtes vidéos inutiles de certaines plateformes servent juste à « se montrer ». Ce n’est que du vent. Les gens apprécient, je le comprends toutefois ça ne m'intéresse pas. Quand je crée, j’essaie de donner une valeur ajoutée à celui qui va regarder. Malheureusement, on scrolle des heures pour de l’inutile. Selon moi, voici deux fossés. Le premier est que les sujets profonds font moins de vues, et le second est de penser que plus tu fournis du travail pour réaliser ta vidéo, plus elle sera vue. Non… ça ne marche pas comme ça. À l’heure actuelle, la polémique fait réagir et crée des millions de vues. C’est très souvent du spectacle. Car tout miser sur le contenu pour en faire ma source de revenus reviendrait à faire ce qui est tendance et ne plus être moi-même. Or je me suis toujours promis de « faire ce qui me plait et non ce qui plait », d’ailleurs l’inverse se verrait sur le résultat ! Mes abonnés me remercient pour ce que je transmets, cela durera dans le temps, car il y a une valeur dans le sens où ça servira toujours a contrario des tendances. Voilà ce qui m’encourage à continuer dans cette voie.

« Je suis têtu et je continuerai à faire ce qui me plait. » © Jake The Korean Dream

« Je suis têtu et je continuerai à faire ce qui me plait. » © Jake The Korean Dream


Quelles sont tes parutions d’auteur ?

J’ai quatre livres à mon actif. Un répertoriant une quarantaine de restaurants sur Séoul (qui devra être mis à jour !), un ebook pour apprendre le coréen, Coréen pour tous, une BD, Un Français en Corée - Apprends le coréen en BD, des posters A4 fiches de vocabulaires. Ainsi qu’un recueil de proverbes intitulé Les histoires de grand-père Moon.

Quid de ton initiation au coréen sur Séoul ?

Les participants programment l’activité le second jour de leur arrivée généralement. Lors de cette session, en plus de tips linguistiques, je partage des conseils sur comment voyager dans le pays, se débrouiller sur place, utiliser certaines applications, etc. Exemple : connaissais-tu le centre d’appel de l'Office national du tourisme coréen ? En composant le 1330*, les voyageurs bénéficient d’une hotline en plusieurs langues pour les aider durant leur séjour.

Lors de ces échanges, quelles sont les appréhensions qui reviennent ?

Ah, les restaurants ! C’est vrai que les menus et peu de serveurs parlent en anglais hors des zones touristiques, du coup les gens ont peur d'y aller. J’ai rencontré une personne qui n'aura pratiquement mangé qu'en supérette ! Par peur de ne pas comprendre les menus, de parler avec les serveurs... Quel dommage de passer à côté de l’expérience traditionnelle. Il y a aussi la peur de la nourriture épicée ! Ou encore cette idée reçue qui dit qu’il faut être plusieurs pour manger pour manger un BBQ ou plat dakgalbi. Dans le cas présent, il s’agit surtout d’un problème de compréhension, (oui certains auront fait l’amère expérience de se voir refuser d’être servi car seul à manger). En fait, ces plats ne se servent pas en portion unique pour une seule personne. Il faut garder à l’esprit qu'entre les banchans (accompagnements) et le gaz à payer, le calcul est pour deux.

Quel serait ton conseil ?

Il suffit de commander en disant « OK pour deux portions ! » Honnêtement, ça reste rentable par rapport à la France, où une brasserie à Paris coûte deux fois plus cher ! (Rires.)

Extrait de « The Korean Dream »© The Korean Dream / Hachette Pratique

Extrait de « The Korean Dream »© The Korean Dream / Hachette Pratique


Actuellement, tu travailles sur un nouveau projet. Comment est-il né, qu’est-ce qui t’as séduit dans cette idée ?

Après la parution des histoires de grand-père Moon, j’ai été contacté par les éditions Hachette. Elles ont souhaité me confier la rédaction d’un ouvrage illustré sur la culture générale coréenne, couvrant les thèmes de l’art, l’histoire, la géographie, les instruments de musique, la poterie ou encore les mythes coréens. Tout a été dessiné par deux illustratrices et validé par une directrice artistique coréenne pour confirmer les codes culturels et l’essence des significations. Le livre est désormais en précommande et sortira le 27 mars, dans les librairies de France, de Belgique et de Suisse. Ce qui m’a séduit dans le projet ? Après la langue et les restaurants, l’offre de compléter ma collection avec un livre sur la culture est une belle opportunité. Autant pour me diversifier que pour ma connaissance personnelle. Je dois étudier chaque sujet avant d’en parler, j’apprends en poterie « plus il y a du fer plus ca devient vert quand tu mets au feu » (Rires.)

Merci Jake. Notre entretien se termine, as-tu un message à transmettre aux personnes, qu’elles te connaissent ou non ?

Soyez patient ! Je suis sur pleins de projets. Merci de me donner chaque jour l’envie de me dépasser. Et aux nouvelles personnes, au plaisir de faire votre connaissance ! Je vous invite à faire un tour sur ma chaîne YouTube et ma page pour en apprendre davantage et de manière approfondie sur la Corée, ses codes, sa culture. À tous, venez visiter la Corée, c’est un beau pays.

Que peut-on te souhaiter pour la suite et comment te vois-tu dans cinq ans ?

Me stabiliser professionnellement et continuer à publier du contenu vidéo qui me plaît plutôt que par nécessité. Vous me retrouverez toujours en République de Corée avec une entreprise qui tourne bien !

Rendez-vous dans cinq ans !

Retrouvez les actualités de Jake sur son site Internet, sa page Instagram ou sa chaîne YouTube.


*Le centre d’appel 1330 de l’Office national du tourisme coréen est un service public venant en aide par téléphone à tous les voyageurs coréens et étrangers. En coréen, anglais, japonais ou chinois, les interlocuteurs vous répondent 24h/24, 7j/7 à toutes les questions d’immigration, sécurité, de soins médicaux. Ils peuvent vous connecter au centre d’appel du Ministère de la Justice (1345), au service des urgences (119) ou autres centres spécialisés. Plus d’informations en suivant ce lien.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr