Journalistes honoraires

15.07.2024

Voir cet article dans une autre langue
  • 한국어
  • English
  • 日本語
  • 中文
  • العربية
  • Español
  • Français
  • Deutsch
  • Pусский
  • Tiếng Việt
  • Indonesian
Par Stéphanie Müller, journaliste honoraire de Korea.net

Il y a un an, je faisais mon entrée en tant que journaliste honoraire pour Korea.net. Simultanément, j'installais mon atelier au sein du collectif le Lac C, un lieu d'occupation transitoire, et terminais ma première année de cours de langue à l’Institut coréen de Bordeaux. Quelques semaines plus tard, je faisais la connaissance de Kim Jeong Hwan, du cabinet d’architecture Atelier Metaa, qui venait tout juste de s’installer à l’étage du dessus. Cet enchaînement d’événements a été déterminant à bien des égards pour mon appréciation et mon initiation à la culture coréenne.

Découvrir le fonctionnement d’un jeune cabinet d’architecture, un domaine totalement inconnu pour moi, mais étrangement familier avec ses concours et appels à projets, a été une expérience enrichissante. Ma rencontre avec Metaa a également marqué le début de ma fascination pour la maison Hanok. Jusqu’alors, je n'avais pas vraiment exploré l'architecture coréenne.

L’Atelier Metaa participe régulièrement à des projets en Corée, et l'un d'eux a particulièrement retenu mon attention. En 2022, il participe au concours pour la construction d’un musée dans la ville de Yeongcheon. Je suis une artiste, les musées sont ma seconde maison, j’aime leur atmosphère et les découvertes qu’on peut y faire. Ce projet représente pour moi une opportunité unique de voir comment l'architecture contemporaine peut s'intégrer dans le riche tissu culturel coréen.

Tout d’abord laissez-moi vous présenter brièvement ce jeune et dynamique cabinet d’architecture multiculturel !

De gauche à droite, Clément Meynard, Thomas Labarthe, Sergey Guichard et Kim Jeong Hwan. © Atelier Metaa

De gauche à droite, Clément Meynard, Thomas Labarthe, Sergey Guichard et Kim Jeong Hwan. © Atelier Metaa


Atelier Metaa a été fondé en 2021 par Sergey Guichard, Kim Jeong Hwan, Thomas Labarthe et Clément Meynard. Il installe ses bureaux au Lac C, à deux pas du parc des expositions de Bordeaux. Quatre architectes, trois nationalités (française, kazakhe et coréenne) et une philosophie d'intégration harmonieuse entre les constructions et leur environnement naturel et culturel.

Avec une approche centrée sur la durabilité et le respect des traditions locales, l'atelier s'est distingué par des projets variés qui allient modernité et respect du patrimoine. Leurs créations se caractérisent par une recherche constante de l'harmonie entre l’homme et la nature où la réflexion sur les usages et la compréhension des lieux sont primordiales.

Atelier metaa se distingue non seulement par son professionnalisme mais aussi par un grand sens de l'humour et de la convivialité. En tant que membre du collectif du Lac C, je fais quotidiennement l'expérience de leur esprit taquin dans la salle de repos, rendant notre environnement de travail aussi agréable qu’inspirant.

Le projet du musée de la ville de Yeongcheon

Les musées stimulent la curiosité intellectuelle et inspirent la créativité, tout en offrant un espace de réflexion et de contemplation. Ils préservent et mettent en valeur des œuvres et des artefacts, créant des liens tangibles avec le passé et les différentes cultures. Chaque visite est une nouvelle expérience d’apprentissage et de découverte.

Dessin du musée. © Atelier Metaa

Dessin du musée. © Atelier Metaa


Le projet du musée de la ville de Yeongcheon est né de la volonté de la municipalité de créer un espace dédié à la préservation et à la valorisation de l'histoire locale. En collaboration avec GongYu Architects, Atelier Metaa a conçu un bâtiment qui reflète l'identité culturelle de Yeongcheon tout en répondant aux besoins contemporains de la communauté. Le musée est conçu pour être un lieu de rencontre et d'échange, intégrant des espaces d'exposition, des bureaux, un café et un observatoire.

Le design du musée est inspiré par la topographie naturelle du site, avec des volumes qui semblent émerger du sol comme des blocs de pierre. Cette approche architecturale permet une intégration harmonieuse du bâtiment dans son environnement. Une bande de béton relie les différents espaces du musée, créant une continuité visuelle et fonctionnelle.

Compte Instagram d'Atelier Metaa

© Compte Instagram d'Atelier Metaa


Le parc paysager autour du musée joue un rôle crucial en reliant le village médical à la ville de Yeongcheon. Cet espace offre des chemins et des zones de détente, encourageant les interactions sociales et l'usage communautaire. Le musée devient ainsi un point focal de la vie urbaine, facilitant la rencontre entre les habitants et les visiteurs.

Perspective 3D du musée. © Atelier Metaa

Perspective 3D du musée. © Compte Instagram d'Atelier Metaa


Stéphanie Müller : Quel point de départ de réflexion ou quelle philosophie architecturale a guidé la conception de ce musée ? Comment le design du musée s'intègre-t-il dans le paysage environnant et l'histoire locale ?

Thomas Labarthe : Construire un musée, c'est matérialiser un morceau d'histoire en construisant un morceau de ville. Ce type de sujet est passionnant pour un architecte car l'espace doit être composé de manière à permettre de connecter les visiteurs à une œuvre culturelle et territoriale singulière. De la même manière que le contenu d'un musée d'histoire regroupe des œuvres et un savoir intimement lié au passé d'un peuple et d'un territoire, nous avons souhaité réaliser une architecture ancrée dans son contexte. Cette conviction de devoir trouver un ancrage dans le site nous a amenés à étudier de manière très précise les mouvements du sol du cœur paysager dans lequel s'insère le projet afin de créer, ligne par ligne, altimétrie par altimétrie, une architecture tellurique émergeant au plus profond du site et renfermant en son cœur la richesse culturelle et collective du savoir. Ce nouveau dispositif que nous avons souhaité architectural et paysager, devient ainsi un nouveau parc public, articulation entre le niveau de la route d'accès et le niveau du village médical, dessiné de manière à devenir à la fois une expérience unique pour les visiteurs et une nouvelle connexion structurante dans la vie des habitants.

Pouvez-vous expliquer comment la lumière naturelle et les vues sur le paysage ont influencé la conception des espaces intérieurs ?

Sergey Guichard : La lumière est une matière nécessaire à la création architecturale. L'ensemble du projet doit être sculpté avec précision pour permettre ou empêcher la lumière de s'introduire dans chacun des espaces. Le projet a été conçu de manière à créer de grandes ouvertures et des cadrages sur le grand paysage dans les espaces de déambulation et les espaces d'accueil du public. Dans ces lieux où paysage et architecture se rencontrent, la lumière entre largement. Les rayons dessinent les ombres des arbres dans les espaces intérieurs et la course du soleil les anime.

Dans les salles d'exposition en pierre émergeant des profondeurs du site, la lumière est traitée avec une grande délicatesse. Elle doit être accompagnée par des lanterneaux ou des ouvertures contrôlées afin qu'elle puisse glisser le long des parois vers les œuvres tout en conservant la certaine profondeur de la pénombre.

© Atelier Metaa

© Compte Instagram d'Atelier Metaa


Qu'est-ce qui vous a le plus inspiré dans la réalisation du musée de la ville de Yeongcheon, et comment cette inspiration a-t-elle influencé votre approche créative et votre vision du projet ?

Clément Meynard : Notre première inspiration dans la conception de ce musée a été le site en lui-même. Pour agir avec justesse dans ce lieu, nous avons dû étudier sa topographie, ses connexions avec le reste du village ainsi que l'ensemble des structures qui se tissent entre elles pour aboutir à ce paysage complexe.

Le projet apparaît ensuite comme un dispositif capable de composer avec l'ensemble pour créer une architecture intégrée avec justesse dans son contexte.

Des grandes horizontales en béton, et en pierre soulignent les lignes paysagères structurantes préexistantes : l'altimétrie du village médical, de la route d'accès ou encore du mont sur lequel s'adosse le projet. La grande boite blanche et abstraite s'installe à l'intersection de toutes ces lignes et se dresse comme un repère dans le paysage.

Kim Jeong Hwan, en tant qu'architecte coréen, comment vos expériences personnelles et votre compréhension de la culture et de l'histoire locale de Yeongcheon ont-elles influencé votre approche du design du musée, et que pensez-vous que cela apporte au projet dans un contexte local et international ?

Kim Jeong Hwan : J'ai une certaine compréhension de cette ville car j'y ai effectué mon service militaire pendant deux ans. La région de Yeongcheon est peu connue à l'étranger, éclipsée par la renommée de la grande ville voisine, Daegu. Yeongcheon est une ville caractérisée par une agriculture dynamique, des bases militaires et une gare. Elle est également connue pour ses vastes vignobles et vergers de pommes, et pour la production de vin coréen. Outre le musée qui redonne de la valeur au patrimoine culturel historique, j'ai découvert autour du site du concours, l'hôtel de ville de Yeongcheon, un centre sportif polyvalent, une université, un village d'expérimentation de la médecine traditionnelle coréenne, ainsi que d'autres efforts de développement culturel de la ville. Il était significatif de proposer une alternative à la tendance de développement culturel en Corée, souvent centrée sur la capitale et les grandes villes.

En Corée, les projets intitulés « musée historique » ou « quartier historique » ont tendance à se concentrer sur la préservation des sites culturels tels quels. En conséquence, les nouveaux bâtiments sont souvent conçus avec le même design que les anciens, mais sont remplacés par des structures et matériaux modernes pour résoudre les problèmes techniques contemporains, aboutissant à des pastiches architecturaux qui ne sont ni de véritables préservations, ni des innovations.

Notre équipe s'efforce de saisir d'abord les concepts de l'architecture et de la culture coréennes, pour les intégrer subtilement dans nos idées architecturales et urbaines. Premièrement, en tenant compte du feng shui, nous avons disposé le volume du bâtiment de manière à suivre naturellement les contours du terrain montagneux. Pour la conception des structures, nous avons utilisé des éléments rappelant les colonnes et poutres des hanoks traditionnels, tout en harmonisant avec des détails architecturaux modernes.

Influencés par la philosophie de l'architecture coréenne qui trouve la beauté dans les espaces vides, nous avons intégré des zones ouvertes à la fin des déplacements entre les différents programmes, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du musée. Ces espaces vides offrent une sensation de vastitude et comprennent la salle d'exposition, le jardin central, le jardin en terrasse, le toit-jardin et le belvédère. Ils permettent non seulement de se concentrer sur les espaces intérieurs, mais aussi de profiter des paysages extérieurs.

Nous avons également choisi les matériaux de finition et leurs couleurs de manière à s'intégrer harmonieusement dans l'environnement. Notre proposition pour le musée de Yeongcheon reflète bien notre intention de créer une architecture harmonieuse plutôt que prétentieuse.

Bien que votre cabinet n'ait pas remporté le concours pour le musée de Yeongcheon, quelles leçons ou inspirations avez-vous tirées de cette expérience, et comment cela influence-t-il vos futurs projets ? Et pourquoi particulièrement la Corée, sur votre site je compte de nombreux projets sur ce territoire, comme celui de So Bun Forest pour lequel vous êtes par ailleurs finalistes ?

Thomas Labarthe : Yeongcheon s'inscrit dans une lignée de projets que nous avons cherché à réaliser dans les territoires ruraux, afin de compléter notre approche exercée dans les territoires urbains. Cette double approche, urbaine et rurale, est essentielle pour nous permettre de comprendre et de répondre aux spécificités et aux complexités de ces projets. La culture coréenne complexe, avec ses demandes écologiques et culturelles distinctes de celles des grands centres urbains, nous a beaucoup appris. Nous avons ainsi pu affiner notre approche des programmes de muséographie, en prenant en compte des éléments comme la gestion des flux, l'équilibre entre les expositions temporaires et permanentes, le stockage des œuvres et la gestion de la lumière. Cette expérience nous aide maintenant à aborder des projets dans d'autres pays, y compris en France.

Pourquoi la Corée ? Depuis nos études à l'école de Bordeaux, nous avons développé une passion pour la réalisation de projets dans des cultures différentes, comme le continent américain, l'Europe jusqu'en Géorgie, etc. Cette passion pour les territoires éloignés et les cultures variées nous pousse à pratiquer l'architecture en France et ailleurs. Notre intérêt pour la Corée a été renforcé par notre collaboration avec Jeong Hwan et par notre fascination pour la culture coréenne. En répondant à divers projets en Corée, nous avons fini par y développer nos racines et approfondir notre compréhension de ce pays.

Pour plus d'infos

- Le site du cabinet d'architecture Atelier Metaa : https://www.ateliermetaa.com/
- Mon article sur les maisons Hanok : https://honoraryreporters.korea.net/board/detail.do?pageidx=3&board_no=20937&tpln=6&articlecate=1&searchtp=&searchtxt=
- Le site de l'institut coréen de Bordeaux : https://institut-coreen-bordeaux.fr/


* Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin@korea.kr