Journalistes honoraires

13.06.2025

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Par Vanessa Marie Pisano

Rencontre en terre volcanique

A l’occasion du 8e Taste Korea 2025 - Île de Jeju, vivre avec la mer, le centre culturel coréen de Paris, nous propose une série d’événements immersifs du 20 mai au 6 septembre 2025, pour nous rapprocher et comprendre le mode de vie insulaire de Jeju. Ses cycles, ses croyances, sa langue et ses femmes d'exceptions, les haenyeo. Des femmes plongeant en apnée, de 10 à 20 mètres de profondeur, pendant 2 minutes 30, en toute saison, et même après 90 ans !

Mardi 20 mai, 19h. Pour ouvrir cette saison sous les embruns de l’île de Jeju, nous commençons avec la soirée Ciné-Club Corée par la projection du film La légende des fleurs de mer (2023) de la réalisatrice Koh Hee-young, pour 93 minutes de voyage en terre de mystères et de courage. Une projection effectuée en présence du représentant de l'île de Jeju, M. Kim Yang-bo, et de la déléguée permanente de la république de Corée auprès de l'UNESCO, Mme Bak Sang-mee. L’île volcanique et tunnels de lave de Jeju sont enregistrés au patrimoine mondial de l'UNESCO, et après dix ans d’efforts, la culture des haenyeo (plongeuses) de l'île de Jeju a été inscrite en 2016 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Kim Yang-bo et Bak Sang-mee (au centre). © Vanessa Marie Pisano

Kim Yang-bo et Bak Sang-mee (au centre). © Vanessa Marie Pisano


La légende des fleurs de mer retrace le parcours et l’amitié de deux femmes : Hyeon Sun-jik, 90 ans, et Cha Ji-ae, 34 ans, jeune plongeuse revenue sur l’île après avoir quitté sa vie sur le continent. La fin et le début d’une carrière, l’avancée initiatique entre les savoirs d’une haenyeo expérimentée (appelée dans le jargon sang-gun baleine) et l’apprentissage d’une plus jeune (bébé sang-gun).

Pendant le film, nous noterons les contrastes saisissants des couleurs, les nuances de bleu de l’océan avec la rugosité des roches volcaniques noires de l’île. Le corps des femmes en combinaisons de plongées noires, reliées par la ligne de vie à leur bouée orange. La neige, le vent, les vagues, parfois le brouillard, plus loin, plus profond, nous comprenons l’exigence et la vie éprouvante que mènent ces femmes, le visage marqué par le sel marin, toujours un sourire aux lèvres. Une vie où seules les plus obstinées réussissent.

Un temps d'échange pour comprendre les coulisses du film

À l’issue de la projection organisée en collaboration avec Jeju Content Agency, la réalisatrice Koh Hee-young et le chef opérateur du film Kim Hyung-sun, nous ont offert une séance de questions réponses sur les conditions de tournage du film et le message de sensibilisation porté par celui-ci. Nous avons pu recueillir les propos grâce à l'animatrice du ciné-club, Mme Han Kyung-Mi et la traductrice, Mme Karine Auclert.

De gauche à droite, Kim Hyung-sun, Karine Auclert, Koh Hee-young et Han Kyung-Mi. © Vanessa Marie Pisano

De gauche à droite, Kim Hyung-sun, Karine Auclert, Koh Hee-young et Han Kyung-Mi. © Vanessa Marie Pisano


La réalisatrice, originaire de l'île, nous confie qu’après son premier film qui a pris sept ans, elle a eu envie d'approfondir ses connaissances et de s'immerger dans le monde des haenyeo pendant deux ans. « En observant les haenyeo faire tout ce qu’elles peuvent pour pêcher les produits de la mer, je devais faire preuve d’autant de volonté qu’elles en me penchant sur les enjeux qui reposent sur l'île de Jeju et ce qu’on peut faire. »

Le film met alors en avant l’amitié entre plongeuses. La réalisatrice, subjugués à la fois par la force des grands-mères, qui se rendent à la mer comme si elles rencontraient leur petit ami, et la découverte d' une plongeuse qui rejoint la communauté après avoir quitté le continent et ainsi observer le changement entre les générations au gré des rythmes lunaires.

Kim Hyung-sun, chef opérateur en charge de la photographie et du poster, a dû relever deux défis : montrer au mieux le rythme lunaire et le regard d’amour sur la mer de la vieille haenyeo, malgré les contraintes techniques de nuit et les lumières des bateaux de pêches pour la scène finale. Sa principale difficulté aura été de filmer la mer selon le regard des haenyeos et non le sien, afin de rendre l’image la plus sincère, sans artifice.

Kim Hyung-sun (à gauche) et Koh Hee-young. © Vanessa Marie Pisano

Kim Hyung-sun (à gauche) et Koh Hee-young. © Vanessa Marie Pisano


Un film, un message au monde

La légende des fleurs de mer, met l’accent sur 3 disparitions progressives qui frappent l’île de Jeju : les plongeuses, la pureté de la mer et le dialecte de Jeju (100 % parlé par la grand mere, 80 % de la réalisatrice)

Le déclin des plongeuses est notable. Dans les années 70, on en comptait près de 20 000, contre 4 500 en 2016 et à peine 3 000 actuellement.

La réalisatrice nous confie qu’il est fait beaucoup de médiation et d'investissements pour les conserver, une école pour les former a même été ouverte. Néanmoins, elle s’interroge : cela a-t-il du sens d’attirer les nouvelles haenyeo ? La mer est de plus en plus polluée et les fruits de mer ont plus de difficulté pour trouver un lieu où se poser. Voulant ainsi faire entendre au monde, que cette plongeuse doyenne de 100 ans cette année, se juge responsable de la disparition des fruits de mer de part leur pêche. Quelle ironie.

La réalisatrice nous partage ses craintes pour l’avenir de l’île, la prolifération des cafés, signifie plus de tourisme et c’est donc tout l’équilibre de vie de Jeju-do par la santé de la mer, la vie des haenyeos et leur rythme de travail qui sont mis en danger.

La projection du film a suscité différents émois selon où elle s’est réalisée. Tout d’abord les femmes plongeuses qui ont visionné le film pour la première fois ont vivement réagi, de manière touchante. Mme Ko Hee-young et Mr Kim Hyung-sun nous précisent que les femmes de Jeju sont très pudiques sur leur métier et ne le valorisent pas, car pour elle c’est pauvre métier, c’est pour cela qu’elles refusaient avec beaucoup d'ardeur d’être photographiées. Pourtant avec ce film, elles ont pris conscience de l’importance de leur métier, de la fierté de ce travail, ne pensant pas à la dureté que représente leur activité. Maintenant qu’elle sont plus connues à l’international, elles commencent à se rendre compte de l’importance de leur activité.

La projection en Corée, à l’occasion du 27e festival international du film de Busan en 2022, était axée sur la prévention de l’état actuel des fonds marins autour de Jeju. La mer et les océans sont liés, la disparition des haenyeo représente une alerte lancée, que la mer n’est pas éternelle. Le choc de voir la dégradation des fonds marins sur six années de tournage a permis le lancement de mouvements de préservation. Mme Ko Hee-young nous précise qu’il y a des choses que nous pouvons faire seul et d'autres que nous devons faire tous ensemble via cette citation.

« Je souhaite que ce film soit le commencement d’un mouvement mondial, que tout le monde s’unisse pour la protection de la mer, c’est triste de voir ces femmes si impressionnantes disparaître. Je souhaite que ce message porteur de la protection de l'environnement arrivera au plus grand nombre. »

Le centre culturel coréen de Paris, 20 rue la Boétie. © Vanessa Marie Pisano

Le centre culturel coréen de Paris, 20 rue la Boétie. © Vanessa Marie Pisano


Je dédie mes remerciements au centre culturel coréen pour cette projection ainsi qu’à Mme Sung Eun pour son accueil.

Retrouvez l’intégralité du programme Taste Korea spécial Jeju sur le site du centre culturel coréen de Paris.


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

caudouin©korea.kr