Journalistes honoraires

20.06.2025

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Maîtres et élèves réunis avec au 2e rang de gauche à droite : Frédéric Foubert, Jeog Un Seol Senim Seonmudo, Danggong Senim Bara danse, Maître Kimm Hanmudo, Maître Pak Guicheonmun, vénérable Maître Jeong Taekkyon, Maître Kang Pungryudo, Maître Han Hapkiseon. © Frederic Foubert

Maîtres et élèves réunis avec au 2e rang de gauche à droite : Frédéric Foubert, Jeog Un Seol Senim Seonmudo, Danggong Senim Bara danse, Maître Kimm Hanmudo, Maître Pak Guicheonmun, vénérable Maître Jeong Taekkyon, Maître Kang Pungryudo, Maître Han Hapkiseon. © Frederic Foubert



Par Nicole Bergeaud

Derrière l’organisation de cet événement exceptionnel, se trouve Frédéric Foubert, pionnier des arts martiaux coréens en France. A l’origine du tout premier festival consacré aux arts martiaux traditionnels coréens en France, il incarne un véritable trait d’union entre la France et la Corée traditionnelle, alliant engagement physique et quête spirituelle.

Avec Isabelle Delion de l’association Seonmudo France, ils ont su fédérer une équipe de bénévoles sans qui rien n’aurait été possible. De nombreux stagiaires, membres des 23 clubs à travers la France, sont également venus aussi en renfort et ont largement contribué au succès de cet évènement notamment en assurant l’accueil et l’accompagnement des maîtres et leurs assistants qui, pour la plupart, venaient en France pour la première fois.

Affiche du festival des arts martiaux traditionnels coréens de Toulouse. © Festival des arts martiaux traditionnels coréens de Toulouse

Affiche du festival des arts martiaux traditionnels coréens de Toulouse. © Festival des arts martiaux traditionnels coréens de Toulouse


Sept des maîtres les plus renommés, sont venus de Corée à la rencontre du public français pour faire découvrir un pan méconnu mais essentiel du patrimoine martial coréen, des disciplines martiales aussi diverses que rares :

- Seonmudo avec maître Seol Sunim, moine du temple Golgulsa : un art martial bouddhiste combinant méditation zen, yoga, qi gong et techniques martiales.

- Taekkyeon avec maître Jeong Gyeong Hwa, trésor national vivant : art fluide et rythmé alliant grâce et efficacité, inscrit au patrimoine de l’UNESCO.

- Gicheonmun avec maître Pak Sa-Gyu : art ancien du sabre et de l’énergie (gi), empreint d’éthique, de respiration profonde et de concentration.

- HapkiSeon avec maître Han Jung Do : fusion contemporaine du hapkido et de la méditation zen.

- Pungryu-Do avec maître Kang Tae-Won : approche artistique des arts martiaux inspirée de la philosophie coréenne du raffinement et de l’harmonie.

- Hanmudo avec maître Il Young Kimm, fondateur de la discipline : synthèse moderne enracinée dans la tradition, alliant techniques de défense, armes et développement personnel.

Amené par les maîtres coréens, le moine Danggong Senim, maître musicien, a animé les ateliers de danses traditionnelles et guidé les méditations avec sa flûte coréenne en bois, daegum. Très connu en Corée où il forme les moines musiciens, ce fût un invité surprise très apprécié des participants, offrant des moments de grâce et de spiritualité.

Au-delà des performances martiales, ce festival fut une invitation unique à découvrir la philosophie, la spiritualité et les valeurs profondément ancrées dans ces pratiques traditionnelles.

Démonstration de Pungryo-do par maître Kang Tae Won - Frédéric Foubert avec son maître de Seonmudo, le vénérable moine Seol. © Hee Sun Kang

Démonstration de Pungryo-do par maître Kang Tae Won - Frédéric Foubert avec son maître de Seonmudo, le vénérable moine Seol. © Hee Sun Kang


Derrière ce festival, il y a plus qu’une passion pour les arts martiaux : un parcours de vie que Frédéric Foubert, (ami de mon mari, un ancien champion de taekwondo), m’a raconté lors de notre échange. Je n’ai toutefois pas eu la chance d’y assister en personne.

Nicole Bergeaud : Frédéric, peux-tu nous raconter ton parcours de vie et la genèse de ce festival ?

Frédéric Foubert : « J’ai consacré ma vie aux arts martiaux. Mon parcours débute très tôt, dès l’âge de 6 ans, avec le judo et la danse classique, deux disciplines exigeantes qui m’ont forgé physiquement et mentalement. Plus tard, je me suis tourné vers l’athlétisme. À 15 ans, ma véritable aventure a commencé avec le sabre japonais, une première école de maîtrise de soi, précieuse à l’adolescence. Arrivé à l'âge adulte, j'ai suivi des études commerciales en partie pour faire plaisir à mes parents mais à 24 ans, j'ai entrepris un tour du monde pour apprendre dans différentes écoles d'arts martiaux.

À mon retour, il était évident que cette passion allait occuper toute ma vie.

J’ai fait une première rencontre décisive en 1980, celle d’un maître coréen, Lyuh Sung Kho, installé à Toulouse avec qui j’ai débuté le taekwondo que j’enseigne encore aujourd’hui. En 1983, je me rends pour la première fois en Corée. Je ne savais pas encore que ce voyage allait bouleverser ma vie. J’y fais une autre rencontre essentielle, celle de maître Kim Kapsik à Séoul. Il est resté mon maître référent en taekwondo et, au fil des années, est devenu un véritable père spirituel. Il m'a adopté comme un de ses enfants, je l’appelle mon "papa coréen".

En 1992 une autre rencontre fondatrice a eu lieu près de Gyeongju, au temple Golgulsa, celle du moine zen Jeog Un Seol. Héritier d’une lignée de moines-guerriers et élève direct du grand maître Yang-ik, une figure centrale dans la renaissance du seonmudo car, avant lui, il n’existait aucun système codifié. Après avoir collecté dans les petits temples bouddhistes tous les bouts d’enseignement que chacun détenait (Joseon et l’occupation japonaise étaient passés par là…), il a réunifié ces éléments dispersés et en a fait un système d’entraînement complet qu’il a ensuite transmis à ses disciples dont mon maître, Jeog Un Seol. J’ai rencontré ce dernier l’année où il a ouvert l’enseignement du seonmudo aux disciples venus du monde entier. Jusque-là le seonmudo, littéralement "la voie zen des arts martiaux". était réservé aux seuls moines.

Le seonmudo m’est alors apparu comme une révélation. Ce n’est pas un art martial spectaculaire mais une discipline intérieure. Né au cœur du bouddhisme coréen, elle mêle méditation, mouvements dynamiques, techniques respiratoires, et combat. On y trouve une dimension physique, mentale et spirituelle.

J’ai rencontré le seonmudo à 30 ans, au moment où j'allais arrêter le taekwondo notamment à cause des blessures mais aussi des programmes très rigides et de l’esprit un peu militaire. Je me posais beaucoup de questions. Puis, je suis allé à Golgulsa où je rencontre les moines bouddhistes qui m’ont soigné. J’y suis resté plusieurs mois et je suis reparti complètement guéri de mes blessures grâce à leur enseignement. Depuis, j’y retourne chaque année pour continuer à apprendre, pratiquer et me ressourcer. J'y amène aussi mes élèves.

Le temple de Golgulsa et son grand Maître, le moine Seol avec Frédéric Foubert et ses élèves © 2003 Seonmundo).

Le temple de Golgulsa et son grand Maître, le moine Seol avec Frédéric Foubert et ses élèves © 2003 Seonmundo).


Golgulsa, berceau du seonmudo, est au cœur de mon parcours. C’est un lieu unique, un ancien ermitage creusé à flanc de falaise bâti par des moines venant d'Inde au 7e siècle, sous le royaume de Silla. Situé à 20 kilomètres de Gyeongju au bout d’une petite route de campagne au milieu des rizières, c'est aujourd’hui le centre mondial du seonmudo. Le temple a été restauré dans les années 1990 sous l’impulsion du moine Seol et on peut y séjourner grâce au programme Temple Stay.

Aujourd’hui, je continue à enseigner le taekwondo et le seonmudo dans mon école, le centre traditionnel de taekwondo, près de Toulouse. J’y ai ouvert le premier cours de seonmudo en France en 1997. C’est un lieu où ces deux arts martiaux coexistent et se nourrissent l’un l’autre : la rigueur et la puissance du taekwondo, alliées à la fluidité et à la profondeur intérieure du seonmudo. Les deux disciplines sont complémentaires. J’ai adapté une méthode qui permet de pratiquer sans limite d’âge.

Frédéric Foubert et les Maîtres coréens le 31 mai 2025. © Hee Sun Kang

Frédéric Foubert et les Maîtres coréens le 31 mai 2025. © Hee Sun Kang


Depuis des années, je rêvais de faire venir en France les maîtres que j’ai rencontrés en Corée. L’occasion s’est présentée en octobre dernier à Golgulsa quand le grand maître du seonmudo, le moine Seol, m’a demandé d’aider l’association des arts martiaux traditionnels coréens à promouvoir ces arts martiaux en Europe. Ce festival est avant tout une histoire d’amitié avec lui.

Pari réussi puisque les échanges entre les maîtres coréens et les participants français ont été très riches à travers des démonstrations, 16 ateliers, mais aussi des temps de partage, de méditation et de repas conviviaux. Les maîtres coréens eux-mêmes, pour qui c’était une grande première, ont été agréablement surpris par la qualité de l’accueil et l’intérêt sincère manifesté par le public français, quel que soit son âge. De nombreux échanges ont eu lieu entre eux et des participants particulièrement motivés, dont certains envisagent même de se rendre en Corée pour approfondir leur apprentissage.

Festival des arts martiaux traditionnels coréens, démonstrations et ateliers, à droite, Frédéric Foubert avec maître Han Hanmudo. © Hee Sun Kang

Festival des arts martiaux traditionnels coréens, démonstrations et ateliers, à droite, Frédéric Foubert avec maître Han Hanmudo. © Hee Sun Kang


Pourquoi choisir de pratiquer un art martial traditionnel coréen ?

Les Coréens sont au centre de l'Asie. Ils ont bénéficié de toutes les influences et se les sont appropriées. C'est d'une richesse infinie. Quand tu es en Corée, tu as l'impression d'être à la synthèse de tout ce qui peut se faire dans les arts martiaux. Les coréens ont tiré le meilleur des influences chinoises et japonaises. Ils ont cette capacité d'intégrer, d’assimiler et de s’approprier. Ils ont toujours fait la synthèse. Moi qui ai fait beaucoup d'arts martiaux (dont le tai chi avec des grands maîtres…), quand je suis arrivé en Corée, j'ai vraiment eu l’impression d'arriver à un carrefour où je me suis dit, c'est super parce qu’ici tu es au milieu de tout et donc tu es à ta place. Voilà pourquoi j'ai choisi les arts coréens.

Le festival des arts martiaux traditionnels coréens a été une manière de refermer un cercle, d’ouvrir aux autres ce que la Corée m’a offert. Une manière aussi de rendre hommage et remercier ceux qui m’ont guidé et de partager avec le public français une culture encore méconnue dans ses formes les plus authentiques. »

Un pont jeté entre deux mondes, entre plusieurs générations, entre la Corée des Maîtres et la France des passionnés d’arts martiaux. © Frederic Foubert

Un pont jeté entre deux mondes, entre plusieurs générations, entre la Corée des Maîtres et la France des passionnés d’arts martiaux. © Frederic Foubert


Merci beaucoup Frédéric Foubert pour avoir pris le temps de m’accorder cette interview réalisée par téléphone le 16 juin et par échanges de mails au début du mois de juin 2025.

Petit rappel pour ceux qui veulent aller plus loin

Le concept de maître à élève dont on a beaucoup parlé dans cet article, est un pilier fondamental dans les arts martiaux en Corée comme dans toute l’Asie. Le maître n’est pas simplement un instructeur, c’est un modèle, un guide et le gardien de la tradition, de la pureté du style et d’une transmission correcte. Il est profondément respecté par ses élèves et son rôle dépasse largement l'entraînement sportif. Il inspire une voie de vie appelée « do » qui signifie littéralement « la voie » ou « le chemin ». C’est une philosophie de vie, un cheminement personnel. L'entraînement est autant physique que spirituel et moral avec les valeurs fondamentales de respect, de contrôle de soi, de persévérance, d’humilité et de loyauté. Ainsi, on retrouve le « do » à la fin de plusieurs arts martiaux coréens comme le taekwondo (la voie des pieds et des poings) ou le seonmudo, nous rappelant qu’il ne s’agit pas de simples sports de combat, mais de disciplines de vie.

Les arts martiaux coréens ont plus de 2000 ans

Il est généralement admis qu’ils trouvent leur origine à l’époque des trois royaumes Goguryeo, Baekje et Silla qui s’étend du 1er siècle av. JC au 7e siècle apr. JC. Des fresques découvertes dans les tombes royales de Goguryeo représentent déjà des scènes de combat à mains nues ou à cheval, témoignant d’une pratique ancienne. Les dynastie suivantes, Goryeo, Silla et Joseon, ont chacune contribué à l’évolution des arts martiaux en y intégrant leurs valeurs militaires, philosophiques et culturelles. Sur cet héritage très ancien, de nombreuses écoles et styles ont vu le jour et continuent d’émerger encore aujourd’hui, perpétuant et renouvelant cette tradition d’arts martiaux profondément enracinée dans l’identité coréenne.

Liens utiles

https://www.sonmudo.eu/en
https://www.golgulsa.com/golgulsalocation
https://cttescalquens.fr/


Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.

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