Les couvertures des trois livres présentés dans cet article. © Decrescenzo Éditeurs et Éditions Picquier
Par Gaëlle Magnier
Voilà quelques années que la littérature dite « cosy » se développe un peu partout dans le monde. Entendez par ce mot des récits doux et bienveillants qui s’appuient sur les blessures émotionnelles que peuvent ressentir les lecteurs et les lectrices pour mieux les aider à guérir. Ou au moins, prendre le chemin de la guérison. Pas étonnant que ce genre littéraire se soit développé dans un monde de plus en plus exigeant qui lutte contre les guerres, les épidémies, les changements climatiques, les crises économiques. Ce genre a inspiré de nombreux auteurs et autrices à travers les continents, c’est aussi le cas en Corée. J’ai lu quelques-uns de ces romans et, chaque fois, j’en suis sortie apaisée. Les auteurs et autrices coréens ont une façon particulièrement bienveillante de s’attarder sur les maux sans les nier, leur donner de l’importance, pour mieux les guérir. Le « feel good » coréen s’est rapidement fait une place dans ma bibliothèque personnelle, laisse-moi partager avec toi trois de ces romans qui ont su apaiser mon cœur.
Pour soigner la solitude intérieure : L’odeur des clémentines grillées de Lee Doo Woo
Quand la jeune artiste Haewon retourne chez sa tante dans le petit village de sa famille, elle est en pleine crise existentielle. Elle quitte un travail d’enseignante en art à Séoul qui ne lui convient pas et tente de recoller des morceaux d’un passé dont elle n’a pas toutes les pièces.
Là-bas, elle retrouve des amis du lycée et se rapproche de l’un d’entre eux. Eun Seop tient la librairie Goodnight, mais doit aussi surveiller et gérer la patinoire durant l’hiver. Il l’engage à la librairie pour l’aider.
De cette façon, Haewon va devoir s’adapter à une nouvelle vie. Elle découvre des secrets sur son passé, des non-dits qui la forcent à revoir ses fondamentaux. Au fond d’elle, de nouveaux sentiments vont s’éveiller. Elle comprendra qui elle est et comment elle en est arrivée où elle est aujourd’hui.
Soutenue par les membres du club de lecture de la librairie qui deviennent aussi des amis, elle trouve une autre voie pour s’épanouir.
Entre amitiés et sentiments, ce roman nous enveloppe de douceur. Sans s’éloigner des douleurs de la vie, l’autrice prend le lecteur, la lectrice par la main pour le, la rassurer. Elle nous montre que, même face à nos problèmes, nous ne sommes pas seuls. Si on lui laisse une chance, la vie est plus douce que ce que l’on peut croire. C’est ce que j’ai ressenti à cette lecture. Comme assise au coin du feu, des marrons chauds à grignoter, l’odeur des clémentines non loin. L’histoire se déroule en hiver, le narrateur raconte une histoire de froid et de glace, pourtant c’est de la chaleur qui se dégage de cet instant.
Pour soigner la perte d’espoir en l’humanité : Le vagabond de Séoul de Kim Ho Yeon
Madame Yeom ne part pas en voyage très souvent, mais lorsqu’elle s’en va, elle prépare sa pochette avec soin. Ce jour-là, quand elle le perd à la gare de Séoul, c’est la panique. Il y avait presque toute sa vie à l’intérieur. Au moment où elle se demande quoi faire, elle reçoit un appel d’un numéro inconnu. Au bout du fil, une voix tout aussi inconnue se fait entendre. On a retrouvé sa pochette.
Rebroussant chemin dès qu’elle le peut, Madame Yeom retourne à la gare de Séoul pour récupérer son bien auprès du sans-abri qui lui a téléphoné. Un lien étrange se tisse alors entre ces deux personnages qui n’ont pas grand-chose en commun. L’absence de préjugés d’un côté, la gentillesse, la simplicité et l’écoute de l’autre, la vie du vagabond va changer la vie de Madame Yeom.
J’ai ressenti beaucoup d’empathie à la lecture de ce roman. L’humain est au cœur de l’histoire. Les personnages sont décrits avec leurs qualités et leurs défauts ce qui les rend d’autant plus réalistes. On pourrait croiser Dokgo et les employés de la supérette de Madame Yeom au coin de la rue tant ces qualités et défauts sont bien mis en avant. L’être humain est décortiqué avec ses forces et ses faiblesses. Les aléas de la vie piétinent vite les individus et ce qu’il faut de courage et d’abnégation pour surmonter ça est incroyable. Mais Madame Yeom, la propriétaire de la supérette ouverte 24/7 est là pour montrer l’exemple. Sa main tendue suffit à Dokgo pour se retrouver et se réinventer. À force de bienveillance et d’écoute des clients, le nouvel employé de nuit retrouve la force de faire face à un passé qui l’avait anéanti.
Le fond du gouffre ne l’est pas forcément. Il suffit d’une écoute, d’un sourire ou simplement d’un plateau-repas pour que la lumière éclaire enfin le bout du tunnel.
Le vagabond de Séoul est comme un pansement : quand on perd espoir en la capacité de l’humain à être doux, ce roman vient rappeler que si, c’est encore possible, même en cas de crise.
Pour soigner la lassitude du quotidien : Bienvenue à la librairie Hyunam de Hwang Bo Reum
Yeong Ju vient d’ouvrir sa petite librairie dans le quartier de Hyunam. Après des années à travailler dans une entreprise, elle a décidé de démissionner. Perdue dans un métier auquel elle ne trouve plus de sens, elle saute le pas.
Dans ce lieu, elle essaie de s’épanouir, même si, là non plus, ce n’est pas facile. Le secteur d’activité est en crise, les porte-monnaie subissent l’économie, pourtant elle n’abandonne pas. Grâce à des clients réguliers qui la soutiennent, elle fait tout pour que sa librairie devienne un lieu de partage et d’échange, un lieu convivial où les gens se retrouvent pour être ensemble.
Dans son roman, l’autrice aborde des thématiques d’actualités dans nos sociétés, aussi bien coréenne que française. Elle propose une réflexion intéressante sur la question du travail qui a tendance à opposer les anciennes générations aux plus jeunes. Elle prend aussi le temps de soulever le sujet du bonheur lié au travail, lié à la société, lié aux choix de vie que nous faisons. Autant de discussions sociétales qui transcendent les frontières et qui devront trouver des réponses dans un avenir pas si lointain.
Bien sûr, l’autrice nous parle de livres, d’écriture, de méditation et glisse son amour pour le café qui a une jolie place dans cette histoire. En opposition à l’injonction au travail et à la productivité constante, l’autrice invite ses lecteurs à faire une pause et à réfléchir. Une pause, comme elle, comme ses personnages principaux et secondaires, comme le nom de la librairie « Hyu », qui signifie « repos » en coréen.
Avec ces trois titres, et bien d’autres, la littérature « feel good » coréenne est en plein essor pour le bonheur des lecteurs du monde entier. Même si l’on espère un jour n’avoir plus de cœurs meurtris à guérir, en attendant, nous pouvons compter sur les soins apportés par la douceur et la bienveillance des auteurs et autrices coréens.
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