Le 18 octobre, le navigateur Kim Seung-jin a embarqué sur son yacht de 13 mètres, Arapani, pour un tour du monde à la voile sans assistance, sans escale et à la seule force du vent. Kim a entamé ce voyage en espérant que cela puisse transmettre un message d'espoir à de nombreuses personnes à travers le monde.
Le 24 novembre, il avait déjà parcouru plus de 3 000 kilomètres au sud et à l'est de la Corée et se trouvait en vue de Kosrae, une île des États fédérés de Micronésie, dans son tour du monde d'est en ouest.
Alors qu'il était en mer depuis un peu plus d'un mois, la rédaction de Korea.net a pu s'entretenir avec lui via un téléphone par satellite pour l'interroger sur sa situation actuelle et ses projets. Il a répondu à nos questions d'une voix claire et gaie et semblait encore plus heureux qu'avant son départ.

Le navigateur et aventurier Kim Seung-jin juste avant son départ, le 18 octobre 2014, dans la marina du port de Waemokhang dans la province du Chungcheong du Sud.
Cela fait plus d'un mois maintenant que vous êtes parti et vous avez déjà dépassé le Japon, pénétré l'océan Pacifique et vous approchez désormais des États fédérés de Micronésie. Vous semblez être sur la bonne voie, non ?
Je suis actuellement près de Nauru, célèbre pour ses roches de phosphate, qui est située à environ 161 degrés de longitude Est et je suis à environ 3 degrés par rapport à l'équateur.
Aujourd'hui, je suis tombé dans une zone sans vent et j'ai été coincé au même endroit toute la journée. Cela a donc été une journée très calme et tranquille. J'ai préparé des bindaeddeok [crêpe de haricot mungo] et j'ai plongé dans la mer. J'ai nagé dans une piscine gigantesque qui fait environ 3700 mètres de profondeur.
Comment s'organise votre routine quotidienne ? Et comment dormez-vous ?
Il est très difficile de se laisser aller à un profond sommeil. Je dois toujours vérifier où je vais. La normale, pour moi, c'est de dormir entre 30 minutes et une heure. J'ai dormi pendant environ deux heures maximum, une fois, quand il y n'avait pas de vagues.

Le navigateur Kim Seung-jin sur son bateau, avant qu'il n'entame sa grande aventure.
J'ai à peine pu dormir la nuit dernière. J'ai traversé une zone balayée par une rafale de vent, de la pluie et du tonnerre. Cela a été la partie la plus difficile du voyage jusqu'ici. Normalement, ces zones se traversent en 10 à 20 minutes, mais la nuit dernière, cela a duré environ deux heures. Le vent a atteint une vitesse d'environ 35 nœuds. J'étais exténué.
Comment vivez-vous ce moment de calme, maintenant, après ce combat contre les turbulences ?
Je flotte simplement sur la mer et j'observe les nuages au loin en attendant qu'il en vienne d'autres. J'ai besoin de vent pour faire avancer mon bateau. Il devrait reprendre ce soir. Je dois m'y préparer dès à présent.
Nous avons appris que votre feu de navigation était cassé et que vous voyagez sans feux de rechange. Comment gérez-vous cela
Je voyage tout simplement sans. Ce voyant servait à indiquer ma position aux autres bateaux. Maintenant, quand je suis alerté qu'un autre bateau se trouve autour de moi, j'allume la lumière principale au sommet de mon mât. Depuis plus de dix jours, cependant, je n'ai rien vu aux alentours que les vagues autour de mon bateau.

Le navigateur en solitaire Kim Seung-jin salue le port de Waemokhang en quittant la terre ferme, le 18 octobre 2014.
Qu'est-ce qui vous a poussé à vous lancer le défi d'un tour du monde à la voile en solitaire ?
Personnellement, j'aime les choses qui me rendent heureux et qui m'excitent. Un tel voyage est un vieux rêve que je caresse depuis que j'ai commencé à apprendre à naviguer. Beaucoup de gens m'ont confié qu'en m'observant, ils formaient des rêves et des espoirs. Cela m'a apporté énormément d'énergie.
Contactez-vous souvent votre base ? Quel genre de conseils ou messages encourageants votre équipe vous a-t-elle envoyé ?
Je leur parle quotidiennement pour obtenir des prévisions météorologiques à jour. Grâce à eux, j'ai pu éviter jusqu'ici les grandes zones sans vent. Outre les prévisions météo, ils me communiquent également les messages que les gens qui me suivent ont envoyés. Cela me touche beaucoup. J'ai l'impression de voyager avec eux. C'est vraiment dommage que j'ai pas eu les moyens d'acheter de l'équipement pour les photos et vidéos et que je ne puisse pas leur montrer directement comment je vis en mer. J'aimerais vraiment partager mon histoire avec eux.
On se demande à quoi vous pouvez bien pensez quand vous naviguez chaque jour ?
A beaucoup, beaucoup de choses. Des souvenirs d'il y a longtemps, ma famille, mes amis et mes connaissances. Ce qui finit toujours par me rester à l'esprit, ce sont les gens autour de moi et surtout ma famille. Ils sont comme l'air et l'eau que nous tenons pour acquis.
On imagine que c'est vraiment difficile de naviguer ainsi tout seul. Mais en Corée, il y a aussi beaucoup de gens qui sont inquiets à cause des difficultés qu'ils connaissent sur le plan économique ou concernant l'emploi ou la retraite. Que souhaiteriez-vous leur dire ?
Le monde et la vie peuvent être très différents selon la façon dont on les regarde et comment on y pense. La vie, c'est sûr, a des hauts et des bas. La façon dont on résiste aux mauvaises périodes détermine notre degré de confiance. J'ai connu bien des échecs, moi aussi. J'ai ruiné ma propre entreprise et j'ai été économiquement désespéré. En tant que personne qui a connu l'échec, je tiens à leur dire que le monde vaut la peine de vivre.
Je lève les yeux au ciel et je regarde les étoiles tous les soirs. Nous devons réaliser que c'est une grande chance que d'être né sur la terre, un grand espace d'eau. Je souhaite que les gens profitent de leur vie.
Que voudrez-vous faire en premier lorsque vous descendrez de votre bateau ?
Ici, je ne peux pas prendre mes repas à table, car il y a presque toujours des turbulences. La plupart du temps, je mélange du riz et de la soupe dans un bol muni d'une poignée. Quand je serai de retour à terre, j'aimerais déguster un repas fait maison. Et je voudrais aussi dormir avec ma famille, sous le même toit.
Vous avez prévu de parvenir en Corée en mai prochain. A quel genre d'itinéraire vous attendez-vous pour le reste de votre voyage ?
Jusqu'à présent ce n'est que le début de mon voyage. Dans quelques jours, je vais traverser l'équateur vers le sud, puis aborder le Pacifique Sud où je vais subir la saison des typhons. Je vais ensuite passer le cap Horn, au sud du Chili, qui sera la partie la plus difficile du tracé. Il y a beaucoup à parcourir d'ici à l'arrivée. Il y aura des moments difficiles, mais je suis sûr que je peux y arriver.

Des photos et des poèmes ont été accrochés tout autour du port de Waemokhang pour souhaiter un bon voyage au navigateur Kim Seung-jin qui a quitté la Corée en octobre 2014 et compte boucler un tour du monde en solitaire et sans escales d'ici mai 2015.
Rédaction : Lee Seung-ah (slee27@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Bruno Caietti