Entretiens

24.06.2020

Lee Hyun-won, nommée en 1953 sous-lieutenant, a participé à la guerre de Corée après avoir été membre de la première promotion de l'Académie d'infirmerie des forces armées coréennes. Elle pose pour une photo le 16 juin chez elle à Cheongju, dans la province de Chungcheong du Nord, avec un certificat de mérite national qu'elle a reçu du gouvernement. ⓒ Lee Kyoung Mi / Korea.net



Par Lee Kyoung Mi et Jung Joo-ri

C'était le 6 janvier 1951, au milieu de la guerre de Corée (1950-1953). Une jeune fille de 17 ans qui venait d'obtenir son diplôme de l'école de filles de Baewha s'est inscrite dans l'ancienne école d'infirmières des forces armées coréennes (KAFNA), suivant les traces de son père.

Pendant cet hiver particulièrement froid, elle s'est assise sur une seule couverture sur le sol glacial de la salle de classe et a supporté le froid pendant sa formation d'infirmière militaire.

Après avoir été nommée sous-lieutenant, elle a été envoyée sur un champ de bataille rempli de soldats blessés. Ces derniers sont arrivés comme des marées dans le sillage de la retraite du 4 janvier 1951, lorsque les troupes sud-coréennes se sont retirées de Séoul. L'hôpital était rempli de la forte odeur de sang et des gémissements interminables de douleur des soldats blessés. Mais elle n'a pas eu le temps d'avoir peur ou de se complaire dans la sentimentalité de l'abnégation ; elle a simplement fait de son mieux pour remplir son devoir.

Lee Hyun-won, lieutenante de réserve, est la membre de la première promotion de la KAFNA. Elle a soigné des soldats blessés pendant la guerre de Corée à une époque où les infirmières étaient en pénurie absolue. Le 6 juin, elle a été reconnue tardivement pour ses services avec un certificat de mérite national du président Moon Jae-in.

Lee a accordé une interview à Korea.net le 16 juin chez elle à Cheongju, dans la province de Chungcheong du Nord. La dame âgée de 86 ans s'est exprimée clairement en racontant les histoires de l'époque.

Lee a été reconnue tardivement comme une personne de mérite, car elle n'avait jamais parlé à personne - pas même à sa propre famille - de son rôle pendant la guerre. « Je pensais que la participation à une guerre ne concerne que des soldats qui se battent sur le champ de bataille », a-t-elle confié. « Je ne pensais pas que les choses que j'ai faites seraient reconnues, et je suis tellement reconnaissante », a-t-elle ajouté.

Lorsqu'on lui a dit que la Corée d'aujourd'hui est ce qu'elle est grâce aux soldats qui ont combattu, elle a dit : « Ceux qui ont vraiment combattu ou qui ont travaillé si dur dans les hôpitaux sont ceux qui méritent vraiment d'être reconnus, pas moi ».

Elle a également exhorté les gens à se souvenir et à retrouver ceux qui se sont battus pour le pays mais ne sont pas encore reconnus.

Le ministère des Patriotes et Affaires des vétérans de la Corée (MPVA) reconnaît ceux qui ont cherché à protéger le pays, y compris les infirmières, les étudiants soldats adolescents, les unités de guérilla et les ouvriers, comme des « héros qui ont combattu à la guerre ». Depuis 2014, le MPVA recherche les vétérans de guerre qui ne figurent pas sur les registres pour les reconnaître et les remercier de leur sacrifice et de leur dévouement.

C'est grâce aux efforts actifs du ministère que Lee a reçu son certificat tardif. Des documents sur les femmes vétéranes de la guerre de Corée ont montré que les deux premières promotions de la KAFNA ont participé à la guerre. Le ministère a également passé en revue la liste des diplômés de l'académie pour trouver des vétérans non enregistrés, et a finalement découvert le rôle de Lee dans la guerre.

Dans son discours du jour commémoratif du 6 juin, le président Moon a déclaré : « Récompenser le patriotisme des personnes de mérite national et des familles endeuillées est l'une des missions politiques les plus importantes du gouvernement coréen ».

« La liberté et la prospérité dont nous jouissons aujourd'hui reposent sur le dévouement et le sacrifice de nos ancêtres patriotes tombés au combat et de ceux qui ont tout donné au pays dans la fleur de l'âge », a-t-il ajouté.

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Le 6 janvier 1951, l'Académie d'infirmerie des forces armées coréennes a créé le premier programme d'études du pays pour les infirmières militaires. La première promotion a été nommée sous-lieutenants. La photo ci-dessus montre des officiers infirmiers soignant les blessés dans un train. ⓒ Académie d'infirmerie des forces armées coréennes


Lee a accompli sa première mission dans un hôpital militaire de Busan. Elle a ensuite servi sur l'île de Jeju et à Masan, dans la province de Gyeongsang du Sud, et elle a été libérée du service en 1957.

« Ceux qui ont perdu un doigt ou une jambe n'étaient vraiment rien. Au début, il était difficile de ne voir que ces soldats. Mais les humains sont inexplicables. Au bout d'un certain temps, je me suis habituée et je me suis sentie comme une moins que rien. De tels souvenirs horribles se sont progressivement effacés maintenant. Je n'arrive pas à croire que cela fait déjà 70 ans », dit elle.

Sur ce dont elle se souvient le plus, elle a mentionné un soldat amputé des quatre membres. Il ne lui restait plus que la tête et le tronc, mais il n'arrêtait pas de crier que ses orteils le démangeaient. Elle a dit qu'elle n'avait jamais oublié ce soldat, qui ne pouvait pas se brosser les dents, se laver le visage, aller aux toilettes ou faire quoi que ce soit sans aide d'une autre personne.

Le dévouement de Lee envers son pays a également été influencé par son milieu familial. Son grand-père maternel était Yi Sang-seol (1870-1917), qui a été envoyé par le roi Gojong (1852-1919) en 1907 à La Haye, aux Pays-Bas, pour informer le monde de l'injustice derrière le traité d'Eulsam par lequel le Japon a privé la Corée de sa souveraineté diplomatique en novembre 1905.

Elle est également l'arrière-petite-fille de Lee Nam-gyu (1855-1907), un patriote qui a lutté contre l'influence japonaise à la fin de la dynastie Joseon. Elle a grandi en regardant son arrière-grand-père et son grand-père refuser jusqu'à la fin d'utiliser un nom japonais ou de respecter le décret japonais obligeant les Coréens à avoir les cheveux courts. Le patriotisme lui est donc venu naturellement.

Lee Hyun-won a parlé des infirmières militaires de KAFNA qui se sont rendues à Daegu en mars, lorsque la ville a été touchée par le nouveau coronavirus (Covid-19). « La crise sanitaire actuelle et la guerre de Corée sont toutes deux des crises nationales. Ces officiers infirmiers qui luttent contre le virus à Daegu m'ont fait réfléchir à beaucoup de choses. Je suis très fière d'eux », a-t-elle déclaré.

Sur la récente dégradation des relations intercoréennes, elle a déclaré : « j'espère que les deux parties cesseront de se battre et parviendront à une réunification pacifique dans laquelle tout le monde sera traité sur un pied d'égalité ».


Lee Hyun-won (à droite), lieutenante de réserve qui a servi pendant la guerre de Corée, s'entretient le 6 juin avec le président Moon Jae-in et la Première dame Kim Jung-sook, après avoir rendu hommage à la tombe du colonel Kim Pil-dal au cimetière national de Daejeon. ⓒ Hyoja-dong Studio


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