Un groupe d’étudiants originaires de 11 pays visite la Corée dans le cadre d’un programme spécial destinés aux futurs diplômés en études coréennes. Il s’agit du programme Museum Network Fellowship 2014 qui a été conçu par d'éminents spécialistes coréens de la culture et des arts. Créé à l'initiative du Musée National de Corée, il fête, cette année, son troisième anniversaire. Ce voyage qui a débuté le 30 juin s’achèvera dans deux semaines.
Représentant onze pays du monde entier, 15 étudiants dont les études portent sur la Corée ou l’Asie de l’Est assistent aux conférences proposées par le Musée National de Corée (photos: Jeon Han).
Les étudiants sont accueillis par un véritable florilège d’histoire et de culture coréenne, les thèmes abordés, à savoir les arts contemporains, l’art et la sculpture bouddhiste, l’histoire, l’archéologie, la peinture et la poterie, étant d’une grande richesse. Outre les conférences thématiques, les étudiants se voient offrir la possibilité de découvrir les principaux sites historiques du pays, tels que le Temple Bulsuksa et la Grotte Seokguram à Gyeongju, ainsi que les musées et galeries qui font la fierté de la Corée, comme le Musée National de Corée, le Musée National de Gyeongju et le Musée National d’Art Moderne et Contemporain du Palais Deoksugung.
Les 15 étudiants choisis pour participer à ce programme de bourse d’étude sont pour la plupart des étudiants en Master ou des doctorants dont les nationalités comme les domaines de spécialité sont variés, à l’image des établissements universitaires dans lesquels ils étudient. Ainsi viennent-ils d’Allemagne, de Slovaquie, d’Inde, de Suisse, de Grande Bretagne,du Japon, des Etats-Unis et de Chine, tandis qu’ils étudiant à l’Université d’Helsinki en Finland, l’université Waseba au Japon, l’Université allemande d’ Heidelberg, l’Université britannique d’Oxford et les prestigieuses universités américaine de Princeton, Yale, Colombia et UCLA.
A travers ce programme de bourse, le NMK entend offrir aux futurs chercheurs un meilleur accès à la culture coréenne. Ainsi, Korea.net a rencontré jeunes étudiants à l’avenir des plus prometteurs et a recueilli leurs impressions sur la Corée. Andrew Logie, un doctorant âgé de 32 ans originaire du Royaume-Uni, est actuellement en 4ème année de thèse à la Faculté des Etudes d’Asie Orientale de l’Université d’Helsinki. Alice Sophia Powers, 29 ans, poursuit sa seconde année d’une thèse consacrée à l’art indien moderne et contemporain à l’UCLA. Enfin, Ornella De Nigris, âgée de 32 ans étudie l’art chinois contemporain à l’Université Sapienza à Rome.
(A partir du haut) Andrew Logie, Alice Sophia Powers et Ornella De Nigris (photos: Jeon Han)
Qu’est-ce qui vous attire le plus dans la culture coréenne? - Andrew : je me suis toujours intéressé à la culture de l’Asie de l’Est, en particulier l’histoire chinoise et japonaise, et tout naturellement mon attention a glissé vers la Corée. L’historiographie est ma spécialité, notamment la période couvrant les 18, 19 et 20ème siècle.
On assiste en effet au 18è siècle à la naissance de l'école de pensée Silhak (實學), un mouvement de réforme sociale mettant l’accent sur l'étude du réel. Par ailleurs, un nouveau groupe d’intellectuels appelés Bukhak (北學派) qui portaient une grande attention au savoir occidental s'est fait connaître. Je m’intéresse surtout à deux penseurs de la fin de la Dynastie Joseon, Yu Deuk-gong (柳得恭, 1748-1807), l’auteur du texte Balhaego (渤海考), un livre d’histoire consacré à la civilisation Balhae, et Lee Jong-hui (李種徽, 1731-1797), qui a écrit Dongsa (東史), c’est-à-dire Histoire de l’Asie de l’Est. J’étudie maintenant la façon dont la pensée intellectuelle s’est diffusée au 20ème siècle.
- Alice : mes recherches sont principalement axées sur l’art indien contemporain, mais j’étudie aussi la peinture d’Asie de l’Est. Comme Andrew, je ne connaissais, au début, que la culture chinoise et japonaise. Quand j’ai découvert la peinture coréenne, j’ai été stupéfaite par sa beauté. Pour ma part, c’est l’artiste Choi Buk (崔北, 1712-1760) de la Dynastie Joseon qui a plus particulièrement attiré mon attention. Sa façon de travailler relève de la performance. Il ne s'agit pas seulement ce que la toile laisse à voir, car sa peinture révèle, en fait, toute son identité. Je le considère comme une personnalité atypique capable d’exprimer, dans ses toiles, sa personnalité dans toute sa complexité.
- Ornella: Mon intérêt s’est porté de la langue chinoise à l’histoire de l’art d’Asie orientale. Ma thèse porte sur les musées d’art contemporain, notamment sur la manière dont ces institutions ont mis en oeuvre le prêt et l’échange d’oeuvres d’art. C’est dans ce cadre que j’ai développé un intérêt tout particulier pour la Corée, notamment la Biennale de Gwangju. J’étudie l’influence exercée par des événements majeurs, tels que les Biennales et Triennales, en Asie orientale.
Que pensez-vous de la Corée? - Andrew : j’ai effectué de courts séjours en Corée et j’ai étudié la langue et l’histoire coréennes. En me fondant sur mon expérience et sur les recherches que j’avais menées jusqu’alors, je me suis rendu compte que l'histoire et la culture coréenne avaient été profondément marquées par deux traditions qui se sont développées à la même période. Or, il s'agissait d'un phénomène majeur sous la Dynastie Joseon laquelle séparait clairement la classe supérieure des Yanban et le menu peuple des pyeongmin. Par ailleurs, le système d’écriture opposait également la tradition aristocratique et à la tradition populaire. En effet, le peuple utilisait le Hangeul, le système d’écriture coréen, tandis que la noblesse se servait des caractères chinois classiques. Or, ces éléments appartenant la culture traditionnelle, auxquels se sont ajoutées de nombreuses autres influences provenant de la culture chinoise, continuent d’inspirer la culture moderne.
Je n’ai pas une connaissance très approfondie des caractères chinois classiques. Je m’efforce de lire les anciens livres d’histoire comme le Samgukyusa et le Jewangungi. Ainsi, ai-je d’abord commencé par lire la version chinoise, puis la traduction en coréen pour m’assurer que mon interprétation était correcte. Par ailleurs, la numérisation des Annales de la Dynastie Joseon, mise en ligne sur Internet, s’avère très précieuse. C’est vraiment très utile de pouvoir consulter le service en ligne intégré, disponible à l’adresse suivante : www.koreanhistory.or.kr.
Quels sont vos projets? - Andrew: comme je l’ai évoqué, je m’intéresse à Yu Deuk-gong. Il était à la fois historien et poète romantique, amoureux de la nature. De nombreux poèmes sont dédiés au voyage, à la contemplation de la nature et aux scènes historiques qu’il avait imaginée. Il se serait aussi intéressé à l’archéologie, c’est ce dont témoigne son livre. Yu fait partie intégrante de ma recherche et je poursuivrais dans cette direction.
- Alice: Je vais élargir mon champ de recherche aux peintures de la Dynastie Joseon à l’art coréen contemporain. Tout d’abord, ils sont plus vivants. Puis, il me serait difficile, sans maîtriser parfaitement la littérature coréenne, d’apporter une réelle contribution scientifique sur des oeuvres plus anciennes.
- Ornella: Ma recherche porte tout particulièrement sur les activités des conservateurs et les échanges institutionnelles au niveau national. La tendance actuelle est d’organiser des échages et des expositions conjointes sur des oeuvres contemporaines. En concentrant mon étude sur ces thématiques, j’approfondirai mes recherches sur les échanges entre la Corée et l’Italie dans le domaine des arts.
Quelles sont vos attentes quant à ce programme de bourse? - Andrew: Je suis déjà venu ici en tant que simple visiteur. Mais cette fois-ci, c’est très différent. C’est vraiment intéressant de pouvoir voir l’envers du décors, de découvrir les choses de l’intérieur et de rencontrer des conservateurs. C’est une expérience toute nouvelle pour moi. Avoir un contact direct avec les oeuvres d’art est vraiment très important.
- Alice: j’ai été tellement heureuse de visiter la Corée et de découvrir la culture coréenne. Si d’aventure je deviens professeure, mon enseignement portera sur les arts coréens. Ce que je vis actuellement au musée, c'est-à-dire le fait de voir tant d'oeuvres et de programmes d’échange, inspirera la façon dont j’enseignerai.
- Ornella: je voudrais explorer deux perspectives grâce à ce programme de bourse. La première concerne l’éventualité d’expositions conjointes entre l’Italie et la Corée. Ensuite, si je suis nommée conservatrice, je m’efforcerai de présenter l’art coréen au public italien.
Rédaction : Wi Tack-whan et Lee Seung-ah (whan23@korea.kr) pour Korea.net
Version française : Alexia Griveaux Carron