Journalistes honoraires

25.06.2020

Voir cet article dans une autre langue
  • 한국어
  • English
  • 日本語
  • 中文
  • العربية
  • Español
  • Français
  • Deutsch
  • Pусский
  • Tiếng Việt
  • Indonesian

Photo 1

ⓒ Michel OZWALD



Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France

C’est pour ne jamais oublier, et également pour garder l’espoir d’une réconciliation, que la Corée et les pays concernés par ce conflit, commémorent régulièrement ces tragiques événements, et cette année particulièrement, car c’est le 70ème anniversaire du début de cette guerre qui dura de 1950 à 1953.

Dans le cadre de ces commémorations, j’ai souhaité interviewer Monsieur Michel OZWALD, un des derniers vétérans français de la guerre de Corée.

photo 2

ⓒ Michel OZWALD



- Bonjour Monsieur Oswald, ou plutôt Colonel Oswald. Vous êtes un des derniers vétérans de la terrible guerre de Corée et vous n’aviez que 18 ans je crois, lorsque vous avez intégré les forces alliées onusiennes, qui se battaient aux côtés de la Corée du Sud, racontez-nous les circonstances de cet engagement.

Bonjour Madame, Je n’avais pas d’opinion politique. Je suis un enfant de l’assistance publique. Pour échapper à la dure vie qui nous était imposée jusqu’à l’âge de 21 ans, âge de la majorité à l’époque, je me suis engagé pour l’Indochine. On m’a envoyé au Maroc. J’ai été admis aux pelotons d’élèves gradés et à l’issue de la période, j’ai obtenu le grade de sergent. Puis j’ai été dirigé vers le camp de Fréjus. Là, j’ai été déclaré volontaire pour servir en Corée : il fallait relever les combattants du bataillon de l’ONU et les volontaires manquaient. J’avais donc 19 ans.

- Être plongé si jeune dans une guerre si terrible a dû vous faire mûrir rapidement. Les traits de caractère changent forcément. Aussi, en quoi cette guerre a-t-elle transformé votre avenir ?

Etant donné mon malheureux passé, mon séjour en Corée m’a radicalement transformé. J’ai constaté que j’étais enfin un homme comme les autres et cela m’a permis de m’épanouir. J’ai découvert que la mort rodait en permanence autour des êtres humains. J’ai donc vécu pleinement, cependant la vision des centaines de cadavres pourris est longtemps restée dans mon cerveau.

- Il y avait 16 pays engagés dans les forces interalliées des Nations Unies durant cette guerre, avez-vous gardé des contacts avec des anciens combattants d'autres pays ? Ou avec des combattants sud-coréens ?

Non ou si peu. Au combat nous n’étions pas souvent dans les mêmes secteurs. Plus tard, nous avons pu rencontrer certains anciens, particulièrement les Belges. Quant aux Coréens, nous en rencontrons quelques-uns au cours de cérémonies annuelles soit en France, soit en Corée. Nos retrouvailles sont toujours des moments de bonheur.

- Avez-vous eu des contacts avec la population civile durant cette douloureuse période ? Quels souvenirs gardez-vous du peuple coréen ?

Non ! Pour la raison principale que les zones de combat étaient interdites à la population car trop dangereuses. Malgré tout, nous pouvions en rencontrer quelquefois, rarement, lorsque l’on nous accordait une permission d’une journée à Séoul…

La population coréenne vivait dans une extrême misère. Cependant elle manifestait une grande gentillesse à notre égard.

photo 3

ⓒ Michel OZWALD



- Que vous inspire la Corée du Sud actuelle ? Êtes-vous retourné en Corée ?

Depuis la fin de la guerre, je suis retourné en Corée plusieurs fois. Ce pays est accueillant et il n’oublie pas les combattants qui l'ont aidé à cette époque.

La Corée actuelle est un pays qui avance rapidement et qui a opté pour la manière de vie américaine tout en gardant les bases de son originalité, sa culture.

- Allez-vous commémorer cet événement prochainement en France ? Combien reste-t-il d'anciens combattants ?

En France, nous avons créé une association d’anciens combattants dont le siège est à Saint Mandé (banlieue parisienne). Nous nous rassemblons chaque année, en octobre. Après l’assemblée générale, vers 18 heures nous allons raviver la flamme sous l’arc de triomphe, dans un recueillement émotionnel. Cette cérémonie revêt une attention particulière pour les touristes qui sont souvent ignorants de notre existence. Notre association a une particularité : alors que presque toutes les associations d’anciens combattants disparaissent en raison des décès de leurs membres, la nôtre subsiste grâce aux descendants de ses membres : parents, fils, petits-enfants, amis, qui adhèrent.

Il reste actuellement 53 survivants du bataillon français de l’ONU.

- La Corée du Sud a énormément de reconnaissance envers tous les anciens combattants des forces alliées onusiennes, ils sont régulièrement cités lors de discours de commémoration. Je crois qu’au début du printemps, alors que la pandémie liée au Covid-19 prenait un tournant dramatique dans tout l’Est de la France, vous avez été assez surpris en recevant un courrier de la part de l’Ambassadeur de la République de Corée, Monsieur Jong-moon CHOI, pouvez-vous nous en dire davantage ?

L’initiative du gouvernement coréen qui nous a fait parvenir des masques de protection au début de la période de confinement nous a subjugués ! A l’autre bout du monde, après 70 ans de la guerre de Corée, ce pays n’a pas oublié ces hommes qui ont risqué leur vie pour lui !

Personnellement j’ai pris l’initiative d’en informer le journal régional de la région dans laquelle je réside. Rapidement tous les médias du pays et même de l’étranger ont repris et développé le sujet.

Vidéo lors sur une chaîne télévision nationale, lors de la réception des masques : https://youtu.be/zah9GJZF5cg


- Pour conclure cet entretien, qu’auriez-vous envie de nous dire ? Quel message souhaiteriez-vous passer, aux jeunes particulièrement ?


Aux jeunes je dis : n’oubliez jamais que la liberté a un prix. Soyez prêts !

Merci Monsieur OZWALD de m’avoir accordé du temps et d’avoir gentiment accepté de répondre à mes questions.



Photo 4 Korean War Veteran’s visiting Korea July 26, 2016 Seoul National Cemetery, ⓒKorea.net DB

Les vétérans de la guerre de Corée lors de leur visite au cimetière national de Séoul, le 26 juin 2016. ⓒ Korea.net DB



SE RAPPELER : la guerre de Corée et l’engagement de la France il y a 70 ans

Une guerre sur fond de « guerre froide » entre deux blocs ! La participation de la France au sein des forces de l’ONU.

Le 25 juin 1950 la guerre de Corée éclate, c’est le début d’un terrible déchirement au sein même du pays, une guerre fratricide, extrêmement meurtrière, avec en toile de fond un affrontement entre deux superpuissances, deux blocs, les Etats-Unis et l’URSS. Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne l’invasion venue du Nord et appelle le 7 juillet, à la constitution d’une force interalliée pour repousser l’envahisseur. Parmi les 21 pays qui répondent à l’appel, 16 prennent militairement part au conflit : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la France, le Danemark, la Belgique, la Grèce, le Luxembourg, la Turquie, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, les Philippines et la Colombie.

Le bataillon français de l'ONU est créé le 25 août 1950, il est formé de 1 017 volontaires venus tant de l'active que des réserves et placé sous le commandement du Lieutenant-colonel Monclar. Compte-tenu des relèves et des pertes, c'est un contingent de 3 421 hommes que la France fournit à la Force des Nations unies en Corée (F.N.U.C.) entre 1950 et 1953. Ce bataillon français de l'ONU (BF/ONU) lorsqu’il arrive en Corée, est intégré au 23ème régiment de la deuxième division de l'infanterie américaine. Division qui a la particularité d'avoir été créée sur le sol français en 1917. Il se forgera très vite une réputation d'unité d'élite et saura faire preuve de bravoure lors de batailles décisives.

Après trois ans de conflit, un armistice est signé entre les commandants militaires des deux camps ; il suspend les hostilités sur la ligne de front et met en place un mécanisme de séparation des belligérants. Les Etats-Unis et l’URSS reconnaissent l’existence de deux Corées et une zone démilitarisée (DMZ) est instaurée entre Nord et Sud.

Cette guerre laisse la péninsule exsangue, Séoul qui fut plusieurs fois sur la ligne de front fut détruite à 70 % et Pyeongyang à 80 %, du fait des bombardements massifs sur le Nord. Les pertes matérielles sont estimées à 3 milliards de dollars et surtout le coût humain est considérable : environ 800 000 militaires coréens tués (nordistes et sudistes confondus) presque autant de chinois, 57 000 soldats de l’ONU et on estime à 2 millions les victimes civiles de ce conflit, auxquels il faut ajouter plus de 3 millions de réfugiés.

Un terrible bilan qui ne peut que nous émouvoir encore actuellement !

Le bataillon français perdra quant à lui 268 hommes (dont 24 Coréens), morts aux combats et fera 1 008 blessés ; il aura participé aux combats les plus importants et les plus connus (Wonju, Chipyong-ni, Crèvecoeur, Arrow Head, T.Bone, etc.) et le bataillon aura été la première formation UNC (Commandement des Nations Unies) à avoir intégré les Coréens en unité combattantes. Ils occuperont progressivement l’ensemble des grades et fonctions d’encadrement. Plusieurs seront décorés de la médaille militaire et deux d’entre eux intégreront Saint-Cyr (école militaire renommée).

Il est à noter qu’un Français a une statue en Corée, c’est le médecin commandant Jules Jean-Louis. Celui-ci est mort à l'âge de 34 ans le 8 mai 1951 en sauvant la vie de soldats coréens blessés, il est également venu en aide aux populations civiles lors de combats. Sa statue se dresse à 32 km au nord de Hongcheon.



***********************************************************************************************************
Sources pour la rédaction du résumé :
L’histoire de la Corée – Pascal DAYEZ-BURGEON . TEXTO Ed 2019// La Corée du Sud - Michelin 2018 // Le magazine L’Histoire n° 385 de 2013 « La Corée » // ANSSO (Association Nationale de Soutien à nos Soldats en Opération) // Jean-Marie Thiébaud, "La Présence française en Corée", Paris, éd. Harmattan, 2005.

Si vous souhaitez connaître plus en détail l’histoire de Monsieur Michel OZWALD, je vous invite à lire ses 2 livres : PARCOURS D'UN COMBATTANT, La revanche d'un pupille de l'Assistance publique, Collection : Graveurs de Mémoire et DOULOUREUX CHEMINEMENT Un pupille de l'Assistance publique raconte. (Editions l’Harmattan)

Lien : https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=49719&razSqlClone=1 ***********************************************************************************************************


* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.


etoilejr@korea.kr