Journalistes honoraires

17.03.2021

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Le ministre des Affaires étrangères Yun Byung-se (à gauche) trinquant avec son homologue français le ministre Jean-Marc Ayrault pour célébrer l'ouverture de l'Année de la France en Corée le 23 mars 2016 ⓒ Korea.net DB

Le ministre des Affaires étrangères Yun Byung-se (à gauche) trinquant avec son homologue français le ministre Jean-Marc Ayrault pour célébrer l'ouverture de l'Année de la France en Corée le 23 mars 2016 ⓒ Korea.net DB



Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Pauline Maria de France

La France et la Corée du Sud sont des partenaires de longue date. Peut-être souvent oubliées face aux relations américaines ou encore chinoises, mais nos relations ne vont faire que s’agrandir dans les décennies à venir. Rien que pour nos relations économiques, le commerce franco-coréen avait atteint un nouveau record en 2019 avant d’être ralenti par la crise du Covid. Nous sommes deux pays avec des cultures très puissantes et de très forts soft power. De plus nous avons une vision commune sur nombres des enjeux planétaires (écologie ou encore économique) ce qui ne fait que renforcer nos relations.

La France et la Corée du Sud ont une histoire commune qui n’est pas toute jeune. Celle-ci commence officiellement après le traité d’amitié et de commerce entre la France et la Corée, signé le 4 juin 1886. Auparavant, les relations se limitaient à quelques missionnaires catholiques envoyés par la France dans le but de christianiser le pays. Le premier missionnaire arrive en Corée en 1836, mais par la suite, ils vont connaitre ainsi que les premiers catholiques coréens, de fortes représailles. Neuf missionnaires français y trouvent la mort en 1866. Dans le but de venger ces catholiques, l’amiral Roze organise une expédition armée sur l’île de Ganghwa en octobre de la même année où 297 volumes manuscrits de Uigwe et 43 volumes de livres imprimés sont volés. Ils représentent la première collection de livres coréens en Occident.

À la suite de la signature du traité d’amitié en 1886, la France envoie ses premiers représentants en Corée. La péninsule sort d’un long isolement et reste encore craintive du monde occidental (elle ne traite qu’avec le Japon depuis 1876). Il faudra attendre 1900 et l’exposition universelle pour que la Corée mette en place une légation coréenne en France.

L’exposition universelle et le pavillon coréen installé sur la place du Champ de Mars ont fait découvrir la Corée et donné un premier aperçu de la culture coréenne aux Français. On pouvait y trouver une démonstration de ce qu’était capable la Corée du début XXème : une métallurgie du cuivre très avancée (selon les rapports français), des soieries colorées, porcelaines, les travaux d’ébénisterie, de nombreux bijoux, costumes… On pouvait encore y trouver des reproductions d’appartements royaux, de l’architecture coréenne. Cependant ce pavillon avait été assez ignoré par les Français et seuls les connaisseurs de l’Asie s’y sont apprêtés. Maurice Courant en tire un récit très détaillé dans son livre Souvenir de Séoul, Corée écrit en 1900 dans la partie intitulée « Le Pavillon Coréen au Champ-de-Mars ».

Relations franco-coréennes de 1906 à 1949 sous une Corée colonisée par le Japon

Pendant l’annexion de la Corée par le Japon, les relations diplomatiques entre la France et la Corée ont était mises de côté. La France a alors seulement un simple consulat en Corée. Cependant certains artistes coréens ont fait quelques séjours en France, comme par exemple le peintre Bae Un-seong qui se fait remarquer au Salon d'Automne à Paris. Cependant, la France n’a pas disparu des problématiques coréennes pendant cette période. Un gouvernement en exil de la Corée s'installe dans le quartier français de Shanghai entre le 13 avril 1919 et le 15 août 1948.

À paris, un comité du gouvernement provisoire de la république est créé après la conférence de la paix qui s’est tenue en 2019 en France. Cette conférence amena de nombreux pays colonisés à venir dans la capitale française, dont la Corée en espérant pouvoir profiter de ce traité (or seuls quelques pays européens en profiteront). Ce comité s’installe au 38, Rue Châteaudun dans le 9ème arrondissement ; ils avaient peu de moyens financiers mais ont pu publier une revue mensuelle intitulée « la Corée libre ». Entre 1920 et 1921, treize numéros ont été publiés. Ce comité va aussi chercher à promouvoir auprès des Occidentaux, le mouvement indépendantiste lors de conférences internationales.

En 1921, des personnalités françaises influentes fondent l’association « Amis de la Corée » pour espérer affaiblir la position du Japon. Cette association va aider à la venue en France d’ouvriers coréens coincés en Sibérie. Seo Yeong-hae fonde l’Agence korea. C’est un relais du gouvernement provisoire coréen. Il fut nommé ambassadeur provisoire de Corée en 1945. Il est l’un des plus actifs indépendantistes coréens présents en France.

A la fin de la colonisation, la France a été un des premiers pays à reconnaître la République de Corée notamment dû aux travaux des Coréens présents en France lors de la colonisation japonaise. Les relations diplomatiques ont pu alors reprendre plus normalement.

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Lors de la guerre de Corée, les relations diplomatiques ont là aussi été chamboulées. La France a pris part à ce conflit et a envoyé 3 421 soldats aux côtés des nations unies. Cependant, la France était en parallèle, en pleine première guerre d’Indochine (1946-1954), elle n’a pu alors envoyer que peu de soldats. 270 soldats français ont péri lors de cette guerre.

L’année 1956 marque l’arrivée de l’enseignement du coréen dans les universités françaises. À cette époque, seules trois personnes enseignaient la langue coréenne : Charles Haguenauer, Mori et Li Ogg. Le coréen est alors la 17ème langue étrangère enseignée à la Sorbonne. Lors du premier cours donné par Li Ogg, quatre élevés étaient présents. Actuellement plus de 13 universités françaises proposent l’apprentissage du coréen, soit en option ou en cursus diplômant. Chaque année, la langue gagne en popularité et est de plus en plus demandée par des étudiants français.

Avec la signature d’un accord de coopération culturelle et technique en 1968, l’ouverture du centre culturel français à Séoul (maintenant Institut français) et celui coréen à Paris en 1980 est facilité. L’ouverture de ces deux centres culturels est un des points forts des collaborations culturelles franco-coréennes. Le centre culturel français a été un des rares endroits épargnés par la censure lors de la dictature qui a pris fin en 1979. À cette période, de nombreux sud-Coréens profitaient de cet espace de liberté proposé par ce lieu. Ces espaces proposent des cours de langue (avec plus de 400 élèves en langue coréenne rien que pour le centre culturel coréen) mais aussi des ateliers culturels, des films, de rencontres, …

L’ouverture du Lycée français de Séoul en 1985 a permis la création d’un quartier français appelé Seorae Maeul. Le quartier s’est beaucoup développé autour du lycée en attirant les expatriés français qui ont attiré des commerces vendant des produits occidentaux. Ce lycée scolarise environ 450 enfants de la maternelle au lycée. Les lycées français à l’étranger n’accueillent pas seulement des enfants d’immigrés français (même si souvent ils sont majoritaires), c’est le moyen de faire une « diplomatie douce » en accueillant des enfants coréens qui vont par la suite devenir francophones. L’éducation française a encore une bonne renommée et ces lycées ont d’excellents résultats, ce qui permet aux élèves d’entrer dans les meilleures écoles par la suite. Ces enfants vont généralement garder un lien fort avec la France et par la suite développer des liens avec l’hexagone dans le monde professionnel.

En 1986, création de la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-coréenne (FKCCI). Elle permet aux entreprises françaises de se développer leurs entreprises en Corée en leur offrant un réseau mais aussi un soutien en assurant le suivi de leurs démarches et missions commerciales en Corée. La FKCCI propose de nombreux supports comme par exemple des études de marché et aussi des formations. C’est surtout un important réseau franco-coréen d’hommes et de femmes d’affaires qui se réunissent régulièrement lors d’événements divers. Elle compte actuellement plus de 300 membres et cherche à accroitre sa visibilité. La FKCCI publie tous les trois mois la revue « Corée affaire » en français et coréen, on trouve de nombreux dossiers consacrés à l’économie coréenne ou à l’actualité de la chambre de commerce. Elle se place 4ème dans le pays derrière la chambre japonaise, celle des Etats-Unis et de l’Allemagne.

François Mitterrand effectue la première visite d'un président français en Corée en 1993.

La visite du président Roh Moo-hyun à Paris en 2004, donne naissance à un partenariat global entre la France et la Corée du Sud. Il a été signé pour renforcer la coopération économique de nos deux pays. Un des projets principaux de cet accord visait à augmenter la valeur du commerce bilatéral à dix milliards de dollars. À l’époque du contrat, les échanges représentaient cinq milliards de dollars. Ces échanges vont être facilités par la suite avec l’accord de libre-échange entre l’union européenne et la Corée du Sud, il a été signé en 2011.

Le train à grande vitesse KTX construit par Alstom en Corée est mis en service en 2005. Il est à l’origine d’une promesse faite pour le président français. Si la Corée du Sud choisissait Alstom pour construire le KTX, la France rendrait les livres volés ; le train a été construit, mais seul un livre est rentré dans son pays d’origine.

Lors du G20 à Séoul en 2010, l’ancien président Nicolas Sarkozy a restitué les volumes des Uigwe volés par la France. Ils étaient au cœur de nombreux débats entre nos deux pays depuis qu’ils ont été redécouverts stockés dans la partie chinoise de la BNF. Cette restitution met fin à un important obstacle qui mettait en péril les relations diplomatiques franco-coréennes.

C’est à cette même période qu’un accord pour le visa vacance travail (PVT) est signé, ce visa permet de partir pendant un an pour découvrir le pays et accéder à des petits jobs. La France est le premier pays européen à signer cet accord avec la Corée du Sud.

L’année France-Corée

L’année France-Corée a été célébrée en 2016 à l’occasion du 130ème anniversaire des relations franco-coréennes. Cette année-là, 500 événements ont été organisés entre nos deux pays. 5 millions de Coréens ont participé aux événements présentés lors de cette année. Beaucoup de projets ont émergé cette année-là comme par exemple :

• Le président français a annoncé la possibilité de passer le coréen en LV2 ou LV1 pour le BAC (plus seulement en LV3). Cette mesure a pour but de renforcer l’étude de la langue coréenne en France. Les premières sections internationales de coréen en France ont été ouvertes à la rentrée de septembre 2017 (il existait déjà des ateliers ou options dans certains établissements français).

• La Corée rentre dans l’organisation internationale de la francophonie au titre d’état observateur. Environ 50 000 Coréens étudient le français dans des écoles de langues ou des universités coréennes malgré que l’apprentissage du français soit de plus en plus délaissé. Un bureau est consacré à ce sujet au ministère des Affaires étrangères sud-coréen. C’est un moyen de se rapprocher des pays francophones dont fait partie la France, mais surtout des pays africains qui représentent des marchés d’avenir pour la Corée.

• La création d’un réseau Alumni Corée qui a pour objectif de fédérer, informer et animer le réseau des Coréens ayant étudié en France. Ce réseau organise tout au long de l’année des événements pour que ses membres puissent rester en contact. L’artiste sud-coréenne Stella Jang est la marraine du réseau.

• Lancement du réseau de start-up « French Tech Hub Seoul » pour favoriser l’innovation entre nos deux pays. Le but est de mettre en place un « écosystème entrepreneurial ».

Mais l’année France-Corée a été avant tout une année d’échange culturel, c’est la première fois que la Corée du Sud envoyait autant d’œuvres d’art dans un pays étranger. De très nombreuses collaborations artistiques ont été produites à cette occasion. Le principal but a été de mieux faire connaître le pays de l’autre et on peut dire que ça a été le cas pour ceux qui ont pu profiter des événements.

Le « partenariat global franco-coréen pour le 21ème siècle » adopté en 2015 a été reconduit lors du sommet entre la France et la République de Corée du 15 octobre 2018. Nos présidents ont pris lors de cet événement de nouvelles décisions économiques mais aussi sur de nombreux autres sujets dans le but de renforcer nos coopérations. Cela concerne nos échanges sur la lutte contre le réchauffement climatique dans le cadre de l’accord de Paris, une envie d’approfondir la coopération entre l’Union européenne et la République de Corée mais pas seulement. Ils ont pu confirmer les collaborations futures dans les domaines technologiques (recherche et développement, …), coopération spatiale, le développement de doubles cursus franco-coréens, promotion des langues française et coréenne dans l’éducation, … C’est un énorme partenariat qui se veut durable pour fonder une relation pérenne entre nos deux pays.

La déclaration conjointe plus détaillée est retrouvable sur le site diplomatie.gouv.fr :
https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/coree-du-sud/evenements/article/declaration-conjointe-sommet-entre-la-france-et-la-republique-de-coree-du-15

Quelques chiffres :
Aujourd’hui, la France en Corée c’est :
- Le 2ème partenaire européen de la Corée
- 2 lycées et 10 alliances françaises
- 115 restaurants et boulangeries
- 15 usines, 10 centres de recherche et 100 entrepreneurs
- 30 entreprises franco-coréennes
- Le 5ème investisseur étranger (avec 1 749 milliards d’euros investis en 2019 soit une augmentation de 258 % par rapport à 2014)

Listes des accords notables entre la France et la Corée du Sud :
- 28/12/1965 : Accord de coopération culturelle et technique
- 23/12/1971 : Accord portant création d'un collège technique franco-coréen d'enseignement supérieur
- 04/04/1981 : Accord de coopération scientifique et technologique entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Corée
- 04/04/1981 : Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Corée relatif aux usages pacifiques de l'énergie nucléaire
- 22/09/1989 : Modification de l'accord du 11 février 1967 sur la suppression du visa de court séjour
- 02/03/1995 : Convention d'entraide judiciaire en matière pénale
- 06/03/2000 : Accord relatif à la protection des informations militaires classifiées échangées dans le domaine de la coopération militaire et de l'armement
- 27/10/2006 : Accord de coproduction cinématographique entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Corée
- 07/02/2011 : Accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Corée relatif aux manuscrits royaux de la dynastie Joseon.
On compte 25 accords entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Corée signé depuis 1961.

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La France et la Corée sont deux pays partenaires aussi bien dans des domaines économiques que culturels. Aucun aspect n’est négligé, aussi bien la santé, l’éducation, … tout domaine français à une coopération plus ou moins forte avec la Corée du Sud. Notre histoire commune n’est pas près de se terminer, des projets communs de long terme sont déjà mis en place pour le futur. Nous sommes deux pays qui ont beaucoup plus à gagner à être partenaires que concurrents.

* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.


etoilejr@korea.kr