© Compte Facebook de La Cinémathèque française | Paris
Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Eléonore Bassop de France
Une rétrospective des films de Hong Sang-soo a eu lieu à la cinémathèque française de Paris du 13 février au 5 mars. L’occasion de (re)voir les films du maître, aller à sa rencontre et de mieux saisir son mode de pensée et de création.
Au total 27 films et une conférence ont été proposés au public parisien dont « La Romancière, le film et le heureux hasard » (2022) projeté le 13 février pour inaugurer cette rétrospective, en présence de Hong Sang-soo, de l’actrice Kim Min-hee, d’un public très nombreux et de quelques personnalités dont M. Lee Il-Yul, Directeur du Centre culturel coréen, partenaire de l’événement.
La cinémathèque française, ce haut lieu du cinéma
Située dans le quartier de Bercy, dans le 12e arrondissement de Paris, la cinémathèque française est le point de référence international du 7e art. Elle est née en 1936 de l’esprit de 4 cinéphiles, le journaliste Paul-Auguste Harlé (1891-1962), le critique de cinéma Jean Mitry (1904-1988), le réalisateur George Franju (1912-1987) et le journaliste Henri Langlois (1914-1977).
C’est dans cette noble institution que sont collectés, restaurés et préservés des films de toutes origines, de toutes époques et de tous formats, mais aussi des matériaux cinématographiques tels que des costumes, des décors, des vestiges du cinématographe, des scénarii, des affiches, des photographies et d’autres documents liés à l’histoire du cinéma. Des projections de films et des expositions y sont régulièrement organisées in situ et hors les murs, tandis que les archives sont ouvertes aux chercheurs du monde entier. La bibliothèque du cinéma et le musée Méliès jouxtent la cinémathèque.
C’est en ce lieu que pendant 3 semaines, on a pu voir le cinéma de Hong Sang-soo, 11 ans après la première rétrospective qui le faisait connaitre du public français.
© Compte Facebook de La Cinémathèque française | Paris
Le cinéma singulier de Hong Sang-soo
Hong Sang-soo est un créateur prolifique qui depuis sa première œuvre « Le jour où le cochon est tombé dans le puits » (1996), a réalisé des films au rythme d’un par an et parfois trois dans la même année.
Définir son travail de création est complexe car derrière la simplicité de la mise en scène, la banalité des personnages et le dénuement des décors, ces films, très appréciés des festivals internationaux et souvent récompensés, poussent le spectateur à s’interroger sans cesse sur les vérités non révélées de ses récits. Son cinéma atypique et surprenant, se distingue et nous égare volontiers. Il inspire de jeunes cinéastes indépendants qui veulent raconter des histoires belles et simples en acquérant une méthode et le sens de la narration.
Analyse de l’œuvre
« La Romancière », le film et le heureux hasard, sorti en salle, en France, le 15 février dernier, souligne un des thèmes de l’œuvre de Hong Sang-soo, celui de la coïncidence. Coïncidence d’une rencontre dans un musée, dans un parc ou chez des amis. La coïncidence se trouve dans maints films du maître coréen et met en perspective les croyances coréennes sur la destinée qui rapprocherait ou éloignerait les êtres.
Il faut noter l’importance de la mémoire et de l’oubli comme forces positives et régénératrices, renforcés par des personnages confrontés à diverses situations. C’est le cas dans « Le jour d’après » (2017), où le protagoniste ne reconnait pas une employée après de multiples quiproquos et dans « Okie’s Movie » (2010) réalisé en court-métrage et construit à rebours. Le récit est défragmenté, les événements sont décrits sans aucune hiérarchisation, chacun des acteurs doit se débrouiller avec ses oublis et sa mémoire.
Les personnages des films de Hong Sang-soo doivent aussi affronter une temporalité déréglée qui semble occulter leur passé. Dans « Un jour sans, un jour avec » (2015), les comédiens sont prisonniers de leur présent, chaque nouvelle rencontre est un (re)commencement et une remise en question. Ce rapport au temps on peut aussi le constater dans « Hill of Freedom » (2014), à partir d’une scène clé, le film va se dérouler en déconstruisant la chronologie de l’histoire.
Les chamboulements fréquents du récit chez Hong Sang-soo égarent et intriguent le public qui attend un récit narratif selon une continuité habituelle.
Enfin, ce qui semble être une figure récurrente des réalisations du cinéaste coréen, ce sont les effets de répétition. On les retrouve dans « Le Pouvoir de la province de Kangwon » (1998), chacun des deux acteurs principaux vivant la même histoire à travers sa propre expérience. « La Vierge mise à nu par ses prétendants » (2000), raconte deux fois la même histoire avec des variantes qui stimulent l’intérêt du public qui cherche des correspondances entre les deux points de vue. Dans « Yourself and Yours » (2016), on assiste à une répétition de casting avec un jeu de dédoublement jamais expliqué.
« Another Country », est un de ses deux films réalisés avec Isabelle Huppert comme actrice principale, il y montre un autre cas de répétition avec des séquences imaginaires. Ce film, découpé en trois parties, revient sur une succession d’événements qui vont finir par faire douter le spectateur de la véracité de l’intrigue qui se déroule sous ses yeux. Il reprend le procédé des séquences imaginaires dans l’une des dernières scènes du film « Hill of Freedom ».
Hong Sang-soo (à gauche) et Kim Min-hee © Compte Facebook de La Cinémathèque française | Paris
Que retenir du cinéma de Hong Sang-soo ?
Les récurrences dans les films de Hong Sang-soo sont désormais dévoilées, des univers parfois burlesques faits de batifolages, d’alcool, de mauvais sexe et peuplés d’anti-héros issus des milieux intellectuels : cinéaste, écrivain, professeur, éditeur, poète, peintre, romancier, libraire.
Une recherche constante du minimalisme caractérisée par une économie de moyens, une mise en scène épurée, des zooms et des recadrages brusques, des plans fixes, une banalité des décors et des personnages.
Les réalisations de Hong Sang-soo, marquées par les films de Robert Bresson, Luis Buñuel et Éric Rohmer, s’adressent à ses contemporains, conscients du monde dans lequel ils évoluent et avertis des artifices du cinéma. Il s’agit de leur proposer de nouveaux horizons cinématographiques qui rejoindront leur quête de sens inaccessible. Hong Sang-soo est de ces réalisateurs qui répondent le mieux aux exigences de ce public avisé.
© Eléonore Bassop
* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
etoilejr@korea.kr