À gauche, couverture du livre « Mes réflexions sur la France » (titre original 프랑스를 생각한다‘자유, 평등, 박애’의 발원지). À droite, l'auteur devant la Maison Internationale de la Cité universitaire à Paris en 1977 durant son premier séjour en France en tant que correspondant du Korea Herald. © M. Sohn Woo-hyun
Par la journaliste honoraire de Korea.net Millie Chiron de France, photos Sohn Woo-hyun
Pour réaliser cet article, j’ai eu l’honneur d’interviewer Monsieur Sohn Woo-hyun, mon professeur d’histoire de la Corée lorsque j’étais étudiante en échange à l’université de Sookmyung. Cet article a été l’occasion de présenter son livre
Mes Réflexions sur la France publié en 2014 et de revenir sur son parcours professionnel très riche.
Millie Chiron : Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours ?
Sohn Woo-hyun : J’ai été journaliste, diplomate, haut fonctionnaire au ministère de la Culture et à la Présidence de la République et professeur invité à l’université au cours de ma carrière professionnelle. En tant que journaliste, j’étais correspondant à Paris du Korea Herald, un quotidien sud-coréen en langue anglaise (1977-1978) et aussi journaliste de l’agence de presse Yonhap. J’ai intégré le ministère de la Culture et de l’information en 1984 et j’ai passé de nombreuses années à l’étranger (Jakarta, Paris, Genève, Ottawa) en tant que conseiller culturel et de presse et aussi ministre des Affaires culturelles et directeur du Centre Culturel Coréen à Paris. À Séoul, J’étais conseiller de presse du président Kim Young-sam et directeur-général du Government Publishing Office. Après avoir quitté la fonction publique, je suis devenu professeur invité à KAIST (Institut Supérieur coréen des Sciences et Technologies), à l’université de Hallym et à l’université de Sookmyung. Actuellement, je suis chroniqueur pour le Daily Impact, un journal en ligne de Séoul et j’écris des tribunes sur les affaires internationales. Depuis décembre 2017, je suis président de l’Association Corée-France*, qui est une communauté de francophiles, en Corée. Cette association réunit des personnes ayant étudié ou séjourné en France.
*Pour en savoir plus sur l’Association Corée-France, retrouvez l’interview réalisée en juillet 2021 avec M. Sohn Woo-hyun :
https://french.korea.net/NewsFocus/HonoraryReporters/view?articleId=200979
Quel lien vous relie à la France ?
Je considère ma rencontre avec la France comme un rendez-vous avec le destin. J’ai débarqué à Paris en 1977 en tant que correspondant de presse. C’était mon premier séjour en France. J’y suis retourné en tant que diplomate deux fois et j’ai passé au total dix ans à Paris. Durant mon séjour, j’ai obtenu un DESS au Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques à Paris. Au terme de mon mandat de ministre des Affaires culturelles à l'ambassade de Corée et directeur du Centre Culturel Coréen à Paris en 2004, j’ai été nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres.
Pouvez-vous nous présenter votre livre ?
Ce livre est le récit de mes dix années passées en France, qui s’étendent sur plusieurs décennies. C’est mon regard sur la France. Je voulais faire part de mes impressions et réflexions, aux lecteurs Coréens, parler de la France, un pays d’une grande culture et un précurseur de la démocratie moderne.
Dans quel contexte avez-vous écrit cet ouvrage ?
En 2010, j’ai eu la chance d’être invité à écrire sur la France pour les lecteurs du « Marco Journal », un journal en ligne rédigé par M. Kim Seung-woong, un ancien confrère et correspondant de presse, chevronné à Paris et à Washington. Ce livre est une compilation d’articles publiés dans ce journal. Sa publication en Octobre 2014, à la veille des célébrations de l’Année Corée-France 2015-2016, est une heureuse coïncidence, qui a été rendue possible grâce à une bourse de la Fondation affiliée au Chosun Ilbo, un quotidien prestigieux à Séoul. J’ai également eu l’honneur d’être nommé membre d’une délégation de hauts fonctionnaires, dirigée par le premier ministre Coréen, au lancement de l’Année Corée-France au palais de Chaillot le 18 Septembre, 2015.
Avec le président François Hollande lors d'une réception au palais de l’Élysée le 18 Septembre 2015, le jour de l'ouverture de l'Année de la Corée en France. © Sohn Woo-hyun
Vous parlez, dans votre livre, des « valeurs de la République ». Pourquoi ce concept vous a-t-il intéressé ? Existe-t-il un concept similaire en Corée ?
Lorsque j’étais en France, j’ai été impressionné par la devise « Liberté, Égalité, Fraternité », inscrite sur les façades de tous les bâtiments publics. Chaque fois j’ai pu rencontrer des fonctionnaires et des diplomates français, ils m’ont remis leur carte de visite sur laquelle était inscrite cette devise de la République française.
Mais c’est surtout la présidentielle en 2002 qui m’a éclairé quant à la signification de cette devise. Cette élection s’est soldée par un duel entre Jacque Chirac et Jean-Marie Le Pen, une première où un candidat de l’extrême droite s’est présenté au deuxième tour. Le climat social était très tendu. Et les ténors du Parti Socialiste tels que Jacques Lang ont appelé à voter Chirac pour « défendre les valeurs de la République ». Ainsi Chirac a pu remporter l’élection avec 82.21 % des voix, un score inédit, bénéficiant d'un « front républicain » face au candidat du Front National. Cette expérience m’a donné une idée claire de la France, une révélation que dans ce pays, pionnier de la démocratie moderne, il y a des valeurs qui transcendent la politique partisane. Et je pense que c’est l’identité même de la République française.
En Corée du Sud, nous n’avons pas une telle devise nationale. Néanmoins, « Liberté » est le mot-clé récurrent des discours de M. Yoon Suk Yeol, le président coréen, qui croit fortement en les vertus de la démocratie libérale.
Avec Michel Jobert, ancien ministre des Affaires étrangères, après une interview dans son bureau à Paris, en 1977. © Sohn Woo-hyun
Quel(s) message(s) avez-vous souhaité transmettre à travers ce livre ?
Charles de Gaulle a dit, « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France ». Je voulais transmettre à mes lecteurs une France que je connais à travers mes séjours. Une France de « Liberté, Égalité, Fraternité », et de tolérance, malgré les tentations du repli sur soi-même. Une France défendue par Émile Zola, les Dreyfusards et les grands hommes que nous honorons au Panthéon. Et une France qui se renouvelle toujours.
Que pouvons-nous retenir des relations France-Corée à travers l’histoire ?
L’histoire des relations franco-coréennes, qui remonte au 19e siècle, coïncide avec l’histoire moderne de la Corée. Les premiers contacts entre la Corée et la France se sont noués dès 1835 déjà par le biais de missionnaires français. Ces missionnaires, les premiers occidentaux à débarquer en Corée avec une mission, ont montré au peuple Coréen qu’il y avait un autre monde que la Chine et le confucianisme. La Corée était alors surnommée le « royaume ermite » du fait de son isolationnisme farouche. Plusieurs prêtres français ont été massacrés lors d’une persécution des catholiques en 1866. En 1886, à la suite du traité d'amitié, de commerce, et de navigation, les premières relations diplomatiques entre les deux pays sont établies.
Pendant la guerre de Corée (1950-1953), la France et la Corée du sud étaient des frères d’armes, qui ont combattu pour la liberté et les valeurs démocratiques, cela a ouvert la voie à un avenir prospère de ce pays. Donc c’est une amitié, qui a été scellée par les sacrifices des missionnaires et des soldats français qui ont versé leur sang sur le sol coréen. Aujourd’hui, la Corée s’est transformée en une démocratie vivante et une puissance économique d’Asie. Grâce à cette transformation, la Corée et la France se réjouissent d’un partenariat global du 21ème siècle lancé en 2004.
Selon vous, quel est l’avenir des relations France-Corée ?
Les relations franco-coréennes sont excellentes dans tous les domaines. Nos deux pays sont liés par une amitié ancienne, fondée sur des valeurs communes de liberté et de démocratie.
L’Année Corée-France 2015-2016, qui a permis de célébrer le 130ème anniversaire des relations bilatérales, a donné une forte impulsion à la compréhension mutuelle et aux coopérations concrètes entre nos deux pays, dans tous les domaines.
L’avenir des relations Corée-France est d’autant plus prometteur, car il y a un dialogue continu entre nos dirigeants. Le président Yoon Suk Yeol et le président Emmanuel Macron, élus au même moment, se sont entretenus en juin 2022 en marge du sommet de l’OTAN à Madrid. Le ministre Coréen des Affaires étrangères Park Jin a reçu à Séoul le mois dernier son homologue française Catherine Colonna pour discuter des relations bilatérales, de la coopération dans la région Indo-Pacifique ainsi que de la situation géopolitique dans la péninsule coréenne et dans le monde.
Déjeuner avec M. Park Jin (quatrième à droite), ministre coréen des Affaires étrangères, organisé conjointement par l'Association Corée-France, la Chambre de Commerce et d'Industrie franco-coréenne et la Chambre de Commerce et d'Industrie coréano-allemande le 12 juillet 2022. © Sohn Woo-hyun
Votre livre a été publié en 2014. Depuis, votre regard sur la France a-t-il changé ?
Pour l’essentiel, mon regard sur la France n’a pas changé. Bien qu’il y ait une inquiétante croissance des partisans de l’extrême droite, que je considère comme un courant rétrograde, j’ai toujours confiance en la conscience collective de la France, la patrie de la Révolution et des droits de l’homme.
Prévoyez-vous d’écrire une suite à cet ouvrage ?
Je continue à écrire sur la France, y compris sur les grandes actualités telles que le Bicentenaire de Napoléon, un héritage controversé et la réforme des retraites. Puis au moment opportun, j’envisagerai de publier une suite à cet ouvrage.
Je remercie vivement Monsieur Sohn Woo-hyun de m’avoir accordé cette interview pour présenter son livre et son parcours.
Interview réalisée avec Sohn Woo-hyun le lundi 15 mai 2023 via e-mail.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
etoilejr@korea.kr