Par la journaliste honoraire de Korea.net Nathalie Fisz de France
Entrée du musée Guimet et de l'exposition. © Nathalie Fisz
Les amateurs d’art et de belles collections du monde et des arts d’Asie savent que le musée national des arts asiatiques - Guimet situé à Paris, près de la station de métro Iéna saura répondre à leurs attentes, historiques, esthétiques et visuelles.
En 2020, j’ai apprécié la richesse et la beauté de la collection de tissus, et de hanboks de Mme Lee Young-hee, considérée à juste titre par les Sud-Coréens comme l’une des plus grandes créatrices de mode. Le musée rappelle dans une publication récente que Lee Chungwoo, la fille de celle-ci, a fait une donation exceptionnelle du fonds de textile de sa maman.
Grâce au centre culturel coréen, j’ai assisté à un spectacle de chant et de danse, interprété par la troupe du Centre national de Gugak de Busan.
Rappelons un peu d’histoires sur le musée, et sur des personnes qui ont œuvré pour qu’aujourd’hui nous puissions profiter de ces collections.
Le 2 juin dernier, le musée a célébré l’anniversaire de son fondateur, l’industriel lyonnais, Émile Guimet (1836-1918), passionné d’anthropologie et d’archéologie. Son projet consistait d’abord à créer un musée des religions de l’Égypte, de l’antiquité classique et des pays d’Asie. Puis Émile Guimet a présenté les objets rapportés de Corée, par Charles Varat, (1842-1893) Parisien et explorateur. En 1888, Charles Varat se rend en Corée, en mission pour le compte du ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. Soutenu par Victor Collin de Plancy, premier diplomate français à la cour de Séoul, et le gouvernement coréen, Varat veut faire connaître à Paris l’identité de la Corée. L’histoire du musée est passionnante, et mériterait un article qui lui serait entièrement consacré. Les collections coréennes ont été redéployées en 2001, pour la rénovation générale du musée. Des collections ont été complétées par de nouvelles acquisitions ou des donations (collection Lee Ufan, dons Itami Jun, collections de Joseph et Roberta Carroll).
Pour mon humble part, c’est l’artiste coréen Park Dong-soo qui m’a donné une nouvelle occasion de me rendre au musée Guimet. En avril dernier, il m’a adressé un message, suivi d’un email me proposant d’assister au vernissage de son exposition intitulée « cette place-là ».
En route pour l'exposition. © Nathalie Fisz
Or, quelle chance, on peut profiter de cette exposition jusqu’au 18 septembre prochain. Découvrons cet artiste très attaché à la France, et les œuvres qu’il a créées et exposées.
Né en Corée où il réside actuellement, il a un lien fort avec la France
Park Dong-Soo est né en 1964 à Seosan, une petite ville du Chungcheong du Sud. Il a étudié au lycée Jaehyun de Séoul. Jeune homme, on le retrouve en France dès 1990, à Paris. Park Dong-Soo a étudié les Arts Plastiques à l’école des Beaux-Arts de Versailles, et à l’Université Paris VIII-Vincennes, en région parisienne.
La licence « mention Arts Plastiques » associe la théorie et la pratique, elle propose plusieurs disciplines telles que le graphisme, la médiation culturelle, la mise en exposition, l'enseignement de l’art, la critique de l’art, l'esthétique, l'histoire et la théorie de l’art, etc. On ressent l’attachement de Park Dong-Soo à la création artistique française. Parmi ses publications sur Facebook, il a partagé une photographie de 1991 où il a écrit : « année 1991, dessinant à l'Académie de la Grande Chaumière, Paris ».
L'Académie de la Grande Chaumière est un vivier artistique. C’est une académie d'art située à Paris au 14, rue de la Grande Chaumière (75006), non loin du jardin du Luxembourg. Park Dong-Soo a baigné dans ce lieu de création prestigieux.
Jugez par vous-même ! L’académie avait initialement ses locaux au quai des Orfèvres. Les peintres Delacroix, Manet, Picasso et Cézanne participèrent à sa création. Puis, des artistes comme Garouste ou Rezvani ont réalisé l'esquisse de leurs œuvres, en ces lieux qui à l'origine étaient de petits bâtiments en bois entourés de jardins et aujourd'hui presque inchangés. Des artistes français ou étrangers, comme Chagall, Giacometi, Foujita, Lempicka, Fernand Léger, Louise Bourgeois, Joan Miró, Zao Wou-Ki, Chaïm Soutine, sont venus pratiquer leur art. Camille Claudel a fréquenté les cours de sculpture.
Revenu en Corée en 2008, à Haemi, Park Dong-Soo expose quand il le peut à Paris. Sur Facebook il partage ses publications avec ses amis, dans différents lieux de la capitale. On sent qu’il est heureux de profiter de Paris, quand l’occasion lui est donnée.
Park Dong-Soo pour son exposition à la galerie Minsky. © Compte Facebook de la galerie Minsky
En octobre et novembre 2019, il avait exposé à la galerie Minsky, située rue Vaneau, Paris 7e. La Galerie a été fondée en 1998 par Arlette Souhami. En présentation de l’exposition, il était écrit : « Park Dong-Soo figure parmi les artistes que défend la galerie Minsky depuis 2002. Malgré 12 années d’absence sur la scène artistique française, il paraît alors évident que l’artiste marque son retour à Paris aux côtés de la galerie Minsky ».
Concernant son art, la galerie avait écrit : « L’œuvre de Park Dong-Soo gravite autour de la répétition de la forme circulaire, qu’elle soit inscrite dans un carré tel un médaillon, ou qu’elle soit multipliée et déployée sur la surface de la toile. Alors que chaque pièce propose une certaine vision d’un chaos déréglé, chaque coup de pinceau, à priori aléatoire, résulte en fait d’une spontanéité à la fois mesurée et réfléchie. L’omniprésence du cercle renvoie à la cosmogonie et de la correspondance entre l’infiniment petit à l’infiniment grand, Chaque cercle fait écho à l’individu, mais aussi à l’univers. De ce chaos émanant de ses compositions abstraites, apparaît une collision harmonieuse entre le noir et le blanc où les couleurs viennent parfois s’y heurter. De même que ses compositions révèlent un univers en expansion, l’univers de Park Dong-Soo continue de s’amplifier depuis ces trente dernières années ».
Park Dong-Soo avec MM. Jong-Moon Choi et John Hae Oung. © Park Dong-Soo
À l’occasion du salon Asia Now qui avait eu lieu du 21 au 24 octobre 2021, aux salons Hoche, dans le 8e arrondissement de Paris, Park Dong-Soo avait exposé également. Il s’était réjoui d’avoir reçu la visite de Jong-Moon Choi et John Hae Oung qui étaient à l’époque ambassadeur de la Corée en France et directeur du centre culturel coréen.
Park Dong-Soo avec l'équipe du musée Guimet, dont Mme Lintz, directrice du musée. © Compte Facebook du musée Guimet
2023, laissons « carte blanche » à Park Dong-Soo !
Depuis le 24 mai 2023, le musée Guimet accueille Park Dong-Soo pour sa dix-septième carte blanche. Le musée l’invite à prendre possession de la rotonde du quatrième étage du musée avec une installation intitulée « cette place-là ».
Après le travail, je me suis rendue dans ce cadre prestigieux du musée, rehaussé ce jour-là, par la lumière du soleil couchant. J’allais enfin pouvoir rencontrer l’artiste. J’allais rencontrer celui qui fait naître des formes circulaires, qui érige la matière, et nous offre des subtiles et vibrantes déclinaisons de noir. Pour accéder à l’exposition située dans la rotonde, il fallait emprunter l’une des terrasses qui offre une superbe vue des toits de Paris et de la tour Eiffel.
Park Dong-Soo accueillait chaque visiteur avec gentillesse et attention. Une de ses amies, Huh Eun Sun Sophie qui est artiste également était présente. Comme elle parle couramment français, j’ai pu mieux communiquer avec Park Dong-Soo. Je l’en remercie beaucoup.
Nous visiteurs avons arpenté la rotonde et regardé avec attention les sculptures cubiques de mêmes couleurs installées au centre. Nous avons regardé ses toiles et ses installations.
Park Dong-Soo m'a proposé de me joindre à leur table. Comme ma fille était de passage à Paris quelques jours aussi, je n’ai pas pu malheureusement honorer cette proposition, mais j’ai été très touchée par cette délicate attention.
Park Dong-Soo a adressé ses sincères remerciements à l’historienne et présidente du musée Guimet, Mme Yannick Lintz, ainsi qu’à Mme Claire Bettinelli, conservatrice et chargée de production des expositions et des collections contemporaines, et aussi M. Nicolas Ruyssen, directeur de la communication du musée.
Henri-François Debailleux, qui est journaliste et critique d’art pour le journal Libération et le Journal des Arts), s’est exprimé également. Voici ses mots.
Les sculptures cubiques au centre de la rotonde. © Nathalie Fisz
« “Cette place-là” se compose de deux ensembles qui ne forment qu’un tout : de grandes toiles noires et blanches déploient leurs univers microscopiques sur les cimaises tandis que des sculptures cubiques de mêmes couleurs sont installées au centre, disposées en cercle comme un Big Bang et réparties selon un ordre de taille croissant vers le centre, dans une structure pyramidale, tel un volcan dont l’éruption disperserait sur le sol une multitude de petits morceaux de lave. L’artiste nous donne à voir tout autant la coulée de magma figée du volcan effusif que la projection de roches et de cendres d’un cratère explosif. Les cubes s’apparentent alors à des fossiles. Toutes les formes géométriques rectilignes – toile, faces des cubes – sont le réceptacle de mondes circulaires non figuratifs où grouillent en relief à leur surface, comme dans une vue au microscope, des cellules, du plancton ou des spermatozoïdes. Se déroule alors sous nos yeux l’évolution d’une forme de vie, le développement d’un métabolisme, quelque chose de l’ordre d’une mitose ou d’une cytolyse ».
Les critiques d’art et Henri-François Debailleux nous expliquent encore ceci :
« L’œuvre de Park Dong-Soo s’inscrit dans la continuité du célèbre mouvement monochrome coréen, le Dansaekwa (단색화). Le Dansaekwa signifie "une seule couleur" en coréen. Ce mot a été lancé au début des années 2000 par un critique d’art coréen, Yoon Jin Sup, qui a regroupé sous cette appellation des artistes qui lui paraissaient avoir les mêmes préoccupations artistiques : la monochromie et le rapport à la matière, en particulier au papier. Les toiles et installations de Park Dong-Soo sont noires et blanches, avec quelques touches colorées, recouvertes de peinture acrylique, à l’huile, de crépi, d’encre de Chine, dans une matière tantôt épaisse et dense, tantôt parfaitement lisse.
Créations circulaires exposées dans la rotonde. © Nathalie Fisz
L’artiste crée des coulures et des éclaboussures qui donnent à voir des explosions. Il crée un univers en expansion, mêlant l’infiniment petit à l’infiniment grand. La rotonde du musée Guimet est un planétarium, ou comme un utérus, la matrice originelle de son univers. Park Dong-Soo cherche à évoquer le moment précis où commence la création, ce moment suspendu et mystérieux où l’étincelle se produit ».
Quelques mots encore
C’est ainsi que j’ai pu rejoindre une expérience artistique originale.
En prenant le temps de lâcher prise quelques instants dans la rotonde, on comprend l’intention de l’artiste ; nous poser des questions sur le temps, l’espace, l’énergie et les forces qui régissent notre monde.
Comme l’aurait certainement voulu son fondateur, la richesse du musée Guimet est de proposer à son public aussi bien des expositions à caractère historique, très détaillées, que d’autres formes d’expression artistique, comme cette exposition de Park Dong-Soo, où la quête de soi, et de sa place dans le cosmos, sont au centre de l’intention de l’artiste.
Enfin, pour celles et ceux qui ne pourront pas se rendre au Musée Guimet, réjouissez-vous !
Exposition personnelle de Park Dong-Soo à la Back Slash Gallery. © Park Dong-Soo
Park Dong-Soo sera exposé à la Backslash Gallery de Paris, située au 29 rue Notre-Dame de Nazareth, dans le 3e arrondissement, du 2 septembre au 28 octobre 2023 prochains.
Park Dong-Soo et ses amis de la Backslash Gallery de Paris. © Park Dong-Soo
Liens utiles
La
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La
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La
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* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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