Par la journaliste honoraire de Korea.net Marie-Line El Haddad de France, photos Compte Instagram du festival du film coréen à Paris
Le 31 octobre prochain, la capitale française s’apprête à accueillir le fleuron du cinéma coréen avec son festival du film coréen. Prenant place sur les Champs-Élysées, dans les salles de cinéma Publicis bordant l’Arc de Triomphe, le festival propose au public français de découvrir une sélection de films coréens.
Ce festival, lancé en 2006, en est aujourd’hui à sa 18e édition et propose des contenus de tous genres, et pour tous les publics.
Ainsi, pour les longs métrages, la catégorie Paysage regroupe les films mis en compétition pour le Prix du public, s’ensuit la catégorie Classique, réunissant les films coréens d’il y a 40-50 ans, puis la catégorie Évènement qui présente les blockbusters du moment.
En ce qui concerne la catégorie court métrages, les Shortcuts réunissent la majorité de la sélection, la catégorie Strangecuts réunit les courts métrages à frissons, à l’opposé de la catégorie Shortcuts Kids dédiée aux enfants, dont les courts métrages, savamment choisis, ne présentent aucun dialogue, assurant leur compréhension par les tout-petits.
À quelques semaines de la cérémonie d’ouverture, nous avons eu l'honneur d'avoir par téléphone le chef programmateur du festival, David Tredler, qui a accepté de répondre à nos questions.
Affiche de la 18e édition du festival du film coréen à Paris.
Marie-Line El Haddad : Le festival a commencé en 2006, soit bien avant l’engouement que l’on connait aujourd’hui pour la culture coréenne, pouvez-vous nous parler de ses débuts ?
David Tredler : Le festival a été créé par trois étudiants coréens qui vivaient à Paris et qui souhaitaient faire découvrir le cinéma coréen. C’était un festival à petit format qui a débuté alors que le cinéma coréen était en train d’être découvert en France avec des films tels que
Old Boy et
Memories of Murder.
À l’origine, le festival s’appelait le « festival franco-coréen du film ». Il avait pour but de faire communiquer le cinéma français et le cinéma coréen en projetant des longs-métrages des deux pays.
La première édition s’est tenue dans le quartier latin (centre historique de Paris, ndla) et a continué à déménager jusqu’à poser ses valises il y a dix ans au Publicis sur les Champs-Élysées.
Comment se prépare un évènement comme celui-ci entre la programmation, les invités, l’accueil des spectateurs ?
Le festival se déroulant début novembre, la préparation débute en général dès la fin de l’édition précédente avec la préparation du budget. Le travail sur la programmation démarre véritablement en février/mars après un mois de repos (en rigolant). On commence à visionner des films et à chercher des informations sur les prochaines sorties. Ce travail court jusqu’au milieu de l’été.
C’est une fois que le visionnage est terminé que l’on commence la préparation des textes pour les brochures et catalogues. S’ensuit la recherche de partenaires et de sponsors, qui est, pour dire vrai, un travail que l’on fait tout au long de l’année dès qu’une occasion se présente. Enfin il y a tout le travail de traduction, correction et relecture des films. L’organisation autour des invités se finalise quant à elle pendant l’été, les mois restants sont dédiés aux formalités administratives.
Vous avez parlé du travail de traduction, c’est vous qui préparez les sous-titres en français ?
Tout à fait. On reçoit les copies de films soit intégralement en coréen soit en coréen avec sous-titres anglais. Les sous-titres français ne sont pas fournis par les distributeurs, c'est donc nous qui les ajoutons.
Bien que le festival ait pris de l’ampleur, nous restons un festival fait avec amour, passion et bénévolat. Nos bénévoles sont multitâches, et ce sont eux qui se chargent de la traduction des films, de la correction et de la relecture.
Vous avez mentionné les que les films sont sous-titrés en anglais, le public ciblé est donc un public anglophone ?
Je dirais que 85 % des films que l’on projette au festival ne sont soit jamais projetés en France, soit ne le seront pas. Ce sont toujours des premières, voire exclusivités françaises. Il y a tout de même chaque année deux ou trois films déjà acquis pour la France et c’est l’occasion de leur offrir une belle fenêtre de lancement, ce sont des films qui peuvent être attendus ou qui ne sont pas forcément très connus. Le but premier du festival est de faire découvrir des films qui ne sont pas achetés en France et leur donner l’occasion d’être vus sur grand écran par le public français alors que les occasions de les revoir sur grand écran sont quasi nulles. C’est ce qui nous motive.
Vous dites que les films sélectionnés pour le festival sont des films qui n’ont pas été achetés ou repérés en France ; le cinéma coréen cherche-t-il à conquérir le marché francophone ?
Il y a des marchés du film un peu partout dans le monde, les films sont montrés aux distributeurs français. Il y a des périodes où ceux-ci veulent acheter des films coréens comme en ce moment où la demande est forte. Il y a eu un effet
Parasite et
Squid Game qui font que les films et productions coréennes en général, avec les séries, sont très populaires. On est sur une tendance à la hausse de l’intérêt des distributeurs français pour les films coréens ; mais il reste encore plein de films à découvrir via le festival et uniquement via le festival.
Y a-t-il des films qui ont été achetés suite à leur projection au festival ?
Les prix du public ont rarement été achetés en France mais d’autres films passés au festival oui. Certains distributeurs assistent au festival, me demandent mon avis de programmateur ou tout simplement découvrent un film, l’apprécient et l’achètent par la suite, surtout les représentants de plateformes et distributeurs de DVD.
Il y a eu par exemple
Micro-Habitat,
Merry Christmas Mr. Mo,
Little Forest (sorti sous le nom
Petite Forêt dans les salles en France) qui ont été repérés pendant le festival. On doit être à un ou deux films par an en moyenne achetés après le festival.
Avez-vous ressenti au travers du festival cette vague coréenne que l’on connait actuellement en France ?
On le voit surtout dans les discussions qu’on peut avoir avec les spectateurs. Déjà, nous avons eu une croissance exponentielle sur la fréquentation du festival depuis sa création en 2006.
Parmi les spectateurs, les profils changent également, il y a une diversification du public. Il y a quelques années, c’étaient les cinéphiles qui venaient au festival car passionnés de cinéma coréen. Aujourd’hui on a un public plus diversifié, de personnes qui viennent car ils ont découvert les séries télé ou parce qu’ils ont découvert la Corée de façon plus générale.
Annonce des films de clôture et d'ouverture de la 18e édition du festival du film coréen à Paris.
Les films qui feront l’ouverture et la clôture du festival viennent tout juste d’être annoncés, comment ont été choisis ces films ?
Pour le film d’ouverture, on essaie de prendre un film plutôt attendu par le public, populaire, un film qui dégage une énergie, qui donnera envie au public de revenir pendant toute la semaine du festival. Cette année, en l’occurrence, on a pris le film
Smugglers de Ryoo Seung-wan qui est un de nos cinéastes fétiches au festival. Il fait un cinéma avec de l’action, de l’humour, le public ressort enthousiaste.
Le film de clôture est toujours le film le plus compliqué à choisir au festival car c’est le film qui va laisser la dernière note. Il faut donc trouver ce film qui va susciter la curiosité, l’intérêt et l’attente et c’est là qu’il faut chercher un film à faire découvrir mais qui a suffisamment d’attrait. Pour cette édition, on a le film
A Normal Family de Hur Jin-ho qui est une belle exclusivité car il a fait sa première mondiale au festival de Toronto et ce sera très certainement la 1e projection du film en Europe. C’est un film d’auteur très élégant qui va laisser le public sur une réflexion, qui va l’emmener sur un terrain surprenant, tout en le maintenant scotché à son fauteuil.
Pour les films de la catégorie Paysage qui correspond à la catégorie compétition, comment se passe le vote ?
En ce qui concerne le prix pour les longs métrages, c’est à 100 % le public qui vote pour la catégorie Paysage, c’est le seul prix que l’on remet pour les longs-métrages. C’est là que le travail de visionnage prend tout son sens avec cette sélection de dix ou douze films. Ce sont ces films qui offrent un panorama varié avec des genres, des styles, des couleurs, des émotions différentes. Ce sont des films que l’on va défendre.
Il y a également un prix pour les courts-métrages mais avec un jury professionnel.
Annonce de la catégorie Paysage de la 18e édition du festival du film coréen à Paris.
Vous organisez également les « Dimanche en Corée », est-ce que vous pourriez nous en parler ?
Les « Dimanche en Corée » ont été lancés en 2015-2016 pour l’année France-Corée. Il y avait énormément d’évènements coréens en France. Nous avions déjà un évènement dédié à la Corée avec le festival mais nous nous demandions ce que nous pouvions faire malgré tout. Nous avons lancé des projections quasi mensuelles, toujours au Publicis pour essayer d’entretenir la flamme entre notre public et nous et c’est un projet qui perdure depuis.
Cette année, nous avons pu en faire deux ou trois depuis le début de l’année. Il s’agit vraiment de garder le lien avec le public en cours d’année, avec une projection un dimanche matin pendant le mois.
Et comment se fait la sélection de ces films ?
Les « Dimanche en Corée » étant plus fréquent, nous n’avons pas de budget dédié ou autant de temps que pour le festival. Les films projetés ont, pour la plupart, déjà des distributeurs français, et sont donc déjà sous-titrés. Les exclusivités sont rares mais il nous arrive d’en avoir comme pour le film
Kill Bok-Soon dont nous avons organisé l’une des rares projections au monde. C’est un film Netflix sorti au printemps 2023 et que nous avons pu projeter en avant-première. Il s’agissait de la deuxième projection en Europe après le festival de Berlin et l’une des dix projections dans le monde environ.
Mais ce n’est pas sur les « Dimanche en Corée » qu’on aura le gros blockbuster ou le film d’auteur pas encore repéré qui sont laissés, eux, pour le festival.
Parlons un peu de vous, quel a été votre premier contact avec la culture coréenne ?
Pour moi c’était le cinéma, il y a à peu près 20 ans maintenant, au début des années 2000 avec cette vague des premiers films coréens arrivés en France et dans les festivals européens. Ça a commencé avec le cinéma, puis j’ai commencé à m’intéresser à la Corée du Sud en général.
Quel regard portez-vous sur la vague hallyu qui a lieu en ce moment et son impact sur les contenus coréens ? Les contenus ont-ils changé depuis le début des années 2000 ?
Au début des années 2000 c’était du cinéma d’auteur coréen qui arrivait en France, à l’époque on n’entendait pas encore parler tant que ça des séries télé, des émissions télé, de la K-pop. Je pense que c’est le cinéma qui est arrivé en premier de façon plus évidente. Après, j’avoue que je suis resté très focalisé sur le cinéma, je regarde des séries de temps en temps mais assez peu mais c’est bien, c’est une bonne chose. Je regarde toujours les choses de mon œil de programmateur du festival, je vois que les gens s’intéressent à la Corée, que celle-ci se diversifie, change, évolue… Quand à l’époque, j’étais passionné par la Corée c’était un peu « original », aujourd’hui je vois pleins de gens dans mon entourage qui d’un seul coup viennent me parler de la Corée parce qu’ils ont découvert des tubes à la radio, des reportages, une série télé donc voilà, c’est vrai que c’est quelque chose qui se popularise, qui se démocratise et c’est bien.
Est-ce que vous auriez une recommandation d’un film qui représenterait bien pour vous le cinéma coréen ?
Un film c’est toujours compliqué d’autant qu’il y a toujours les grands noms de Bong Joon-Ho, Park Chan-Wook entre autres. Je dirais, pour sortir des sentiers battus de
Parasite,
Memories of Murder,
Old Boy et autres, si je devais mettre en lumière un film moins connu qui était sorti en France en Blu-Ray après son passage au festival, c’est le film
Micro-Habitat, mis en avant au festival il y a cinq ou six ans. C’est un film d’une jeune réalisatrice qui porte sur la Corée d’aujourd’hui. C’est ce genre de film que je veux faire découvrir. Ou encore un autre film qui a eu le prix du public il y a deux ans mais qui n’a malheureusement pas été acheté en France qui s’appelle
A Distinct Place. C’est un film magnifique à voir absolument.
J’ai tendance à donner des recommandations de films moins évidents, plus dans la marge parce qu’on arrive à une époque où tout le monde a vu
Old Boy, tout le monde a vu
Parasite et ces grands classiques. Notre rôle au festival, c’est de faire découvrir d’autres réalisateurs.
* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.
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