Journalistes honoraires

06.11.2023

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Par la journaliste honoraire de Korea.net Danielle Tartaruga de France


Bastian Meiresonne est spécialiste du cinéma asiatique, rédacteur de presse (Coyote Mag) et cosignataire d’une dizaine d'ouvrages, je l’avais déjà interviewé à l’occasion du BIFF 2021 (Busan International Film Festival) puisqu’il avait été membre du jury. Il est également consultant, directeur artistique et programmateur de films asiatiques pour plusieurs festivals de cinéma. Il vient de consacrer deux ans à l’écriture d’un ouvrage très complet puisqu’il s’agit de la première monographie au monde dédiée au cinéma coréen ! J’ai souhaité qu’il nous parle de son travail de recherche et nous présente cet ouvrage exceptionnel ! Un beau livre édité par les Editions E/P/A !

Bastian Meiresonne présentant son ouvrage « Hallyuwood-Le cinéma coréen ». (Crédit Photo : Bastian Meiresonne)

Bastian Meiresonne présentant son ouvrage « Hallyuwood - le cinéma coréen ». © Bastian Meiresonne


Danielle Tartargua : Pourquoi avoir écrit ce livre ?

Bastian Meiresonne : Tout est parti de l’initiative de Georges Arsenijevic, conseiller du Centre Culturel Coréen de Paris. Il m’a plusieurs fois offert l’occasion de donner des conférences sur le cinéma coréen au cours des dernières années et il m’a incité à approfondir mes recherches pour les réunir dans un livre. C’est grâce à lui, que j’ai été mis en contact avec mon éditeur, les Editions E/P/A (groupe Hachette).

Il m’avait prévenu, que le chemin serait ardu et difficile, mais qu’une fois le projet achevé, je pourrais en être fier. Ses prédictions se sont avérées tout à fait justes, l’écriture s’est effectuée dans « la joie et la bonne douleur ». (Rires).

Couverture du livre « Hallyuwood-Le cinéma coréen ». (Crédit photo : Editions E/P/A)

Couverture du livre « Hallyuwood - le cinéma coréen ». © Editions E/P/A


La vague Hallyu qui déferle actuellement a-t-elle aussi été décisive pour vous lancer dans ce projet titanesque ? D’ailleurs, le titre même de cette monographie y fait référence.

Le succès de la vague hallyu a été certainement décisive pour me lancer dans ce projet –principalement par l’intérêt soutenu du public français pour le cinéma coréen ces deux dernières décennies comme le prouve les succès consécutifs d’Ivre de Femmes et de Peinture (Im Kwon-taek, 2002), Printemps, Eté, Automne, Hiver... et Printemps (Kim Ki-duk, 2003), Old Boy (Park Chan-wook, 2003), The Host (Bong Joon-ho, 2006), The Chaser (Na Hong-jin, 2008), J'ai rencontré le Diable (Kim Jee-woon, 2010), Poetry (Lee Chang-dong, 2010), Snowpiercer – Le Transperceneige (Bong Joon-ho, 2013), Mademoiselle (Park Chan-wook, 2016), Dernier Train pour Busan (Yeon Sang-ho, 2016) et Burning (Lee Chang-dong, 2018), Parasite (Bong Joon-ho, 2019) et Decision to Leave (Park Chan-wook, 2022)…Et sans oublier les succès mondiaux des k-dramas, comme Kingdom (13 eps., 2019/20), Squid Game (9 eps., Hwang Dong-hyuk, 2021), All of Us Are Dead (12 eps., Lee Jae-kyoo, 2022) ou The Glory (16 eps., Ahn Gil-ho, 2022).

Ensuite, j’ai réalisé, que la plupart des fans, mais aussi auteurs et critiques examinaient le cinéma coréen simplement à travers le prisme des films des 25 dernières années, influencés par le phénomène hallyu ; or, en explorant davantage, j’ai découvert un riche patrimoine culturel souvent négligé, pourtant à la source des courants et genres, populaires actuellement. Il existe, par exemple, des raisons précises pour l’émergence soudaine des films d’horreur ou des polars noirs dans les années 2000 et 2010 ; ces genres ne sont pas réellement nouveaux lorsqu’on les replace dans l’histoire du cinéma coréen… J’ai donc entrepris d’approfondir les origines du cinéma coréen pour mieux expliquer le cinéma coréen contemporain.

Quant au titre de mon ouvrage, j’ai beaucoup souri intérieurement en optant finalement pour celui de « Hallyuwood ». Il risque de mécontenter les cinéphiles et vrais fans du cinéma coréen, qui diront que ce terme est « faux » ou du moins « mal choisi » ! La définition exacte du terme « hallyu », associé à la Corée, est la propagation mondiale de sa culture pop coréenne globale depuis la fin des années 1990, ce qui n’englobe donc pas seulement ses films, mais également la K-pop (musique), les K-dramas (séries télévisées) et tout autre produit lié à sa culture ; or mon livre traite uniquement de cinéma – et pas seulement celui des deux dernières décennies, mais depuis ses origines au début du XXe siècle.

Le titre « Hallyuwood » est en fait un clin d'œil pour à la fois « tromper les fausses (premières) impressions » et levées de boucliers trop spontanées à mon goût à notre époque, et ouvrir au contenu du livre. Le mot « Hallyu » doit être pris dans sa traduction littérale de « vague » et non pas dans le sens popularisé à l’échelle mondiale au cours des seules deux dernières décennies. Le « phénomène hallyu » évoque « un déferlement » (mondial de produits culturels coréens), alors qu'une vague est un phénomène naturel, dont seule la crête est visible à l'œil nu, mais dont il ne faudrait pas oublier sa partie « invisible » sous la surface, de l’ensemble de mouvements qui lui donnent naissance et force motrice. Ainsi, mon livre Hallyuwood traite à la fois de la partie visible du cinéma coréen, mais également de sa facette immergée, en explorant ses origines et ses formidables éléments de base.

Concernant le suffixe « -wood », il peut paraître « réducteur », dans le sens de résumer les multiples influences étrangères passées et présentes du cinéma coréen à la seule industrie cinématographique hollywoodienne. Or, le terme « influence étrangère » doit être compris dans le sens « d’inspiration », car l’une des principales caractéristiques du cinéma coréen est d’avoir su mêler habilement toutes ses influences culturelles dans la construction de sa propre identité artistique, comme en témoignent ses récents succès.

Hallyuwood invite donc à voir au-delà du cinéma coréen de ses deux dernières décennies, en partant à l’exploration de sa partie immergée pour connaître les origines et les raisons de sa popularité actuelle.

le sommaire du livre « Hallyuwood-Le cinéma coréen ». (Crédit photo : Editions E/P/A)

Le sommaire du livre « Hallyuwood - le cinéma coréen ». © Editions E/P/A


le sommaire du livre « Hallyuwood-Le cinéma coréen ». (Crédit photo : Editions E/P/A)

Le sommaire du livre « Hallyuwood - le cinéma coréen ». © Editions E/P/A


Dans la phase d’écriture, quelles ont été les difficultés mémorables auxquelles vous avez été confronté durant ces deux ans de travail ?

L’exercice de l’écriture ! Cette longue période de repli, ces mois sans contact avec le monde extérieur pour me dédier entièrement au sujet. Les heures passées à buter sur une phrase simple, à chercher désespérément une meilleure formulation. Toutes les périodes de doute et d’interrogations à se demander si l’on a vraiment saisi le sujet, recueilli toutes les informations, et analysé chaque élément d’une thématique. C’était dur, mais en même temps, j’ai adoré passer tout ce temps sur ce projet. (Rires).

L’autre difficulté était la romanisation des noms coréens. Contrairement à une idée répandue, les caractères coréens ne sont pas des idéogrammes, mais des syllabes composées de consonnes et de voyelles. Le système de transcription le plus couramment utilisé au XXe siècle est le « McCune-Reischauer », mais il est imparfait, car il ne permet pas de marquer certaines distinctions importantes. En collaboration avec un ami, Fabien Schneider, nous avons passé beaucoup de temps à discuter, en particulier des noms d'anciens cinéastes, pour lesquels nous avons parfois identifié jusqu'à 17 façons possibles de retranscrire leurs noms. Nous nous sommes également penchés sur le cas de certains réalisateurs connus sous des noms dans leurs anciennes transcriptions : faut-il réadapter leurs noms pour respecter une parfaite uniformisation ou – au contraire – garder leur appellation classique ? Et c’est sans parler de la tendance actuelle de certaines personnalités d’adopter de manières inédites d'écrire leurs noms comme écrire le prénom sans plus de trait d’union ou le faire passer avant le nom de famille. Nous avons fait de notre mieux pour tenter de standardiser les noms de plus de 500 personnalités mentionnées – mais je ne puis garantir l'absence totale d'erreurs ou de coquilles, n’hésitez surtout pas à m’en faire part, si vous en trouvez ! (Rires).

Enfin, nous avons passé beaucoup de temps sur les photos. Mon éditeur, E/P/A Editions, attache beaucoup d’importance à la production d'ouvrages de qualité et abondamment illustrés. La première difficulté résidait dans la recherche de photographies datant des débuts du cinéma en Corée, notamment durant la première moitié du XXe siècle. Heureusement, nous avons bénéficié du soutien de la KOFA (les Archives du Film Coréen), qui a consacré beaucoup de temps à nous orienter vers des photos disponibles.

J’ai rapidement réalisé que pour de nombreux films, même des classiques bien connus, il existe des incertitudes quant aux véritables détenteurs des droits ; en conséquence, personne ne souhaite prendre le risque d'autoriser l’utilisation des photos. De plus, de nombreuses photos, anciennes ou plus récentes, sont entre les mains de personnes demandant des prix d’achat exorbitants. Elles sont conscientes de la popularité du cinéma coréen, ce qui les pousse à devenir opportunistes. Par conséquent, nous avons dû revoir à plusieurs reprises la maquette du livre, afin de réduire le nombre de photos initialement prévues. J’ai dû renoncer à un certain nombre de photos qui me tenaient particulièrement à cœur en raison de leur indisponibilité, de leur mauvaise qualité ou de leur prix trop élevé. Malgré ces difficultés, nous sommes tout de même très fiers du résultat final.

Une page du chapitre sur les origines du cinéma coréen, monographie « Hallyuwood-Le cinéma coréen ». (Crédit photo : Editions E/P/A)

Une page du chapitre sur les origines du cinéma coréen, monographie « Hallyuwood - le cinéma coréen ». © Editions E/P/A


Et quels instants précieux resteront gravés dans votre esprit ?

Ma réponse peut sembler en contradiction avec la précédente – mais au final, chaque instant passé à travailler sur l’ouvrage me reste gravé en mémoire. Bien que j’aie connu des périodes de doute et de désespoir, ma passion pour toutes mes propres découvertes a été constante. J’avais hâte de les synthétiser pour les transmettre au plus grand nombre à travers mon ouvrage.

Et l’émotion la plus précieuse, qui me reste gravée dans mon esprit, c’est le soutien de toutes les personnes à m’aider à aller au bout de ce projet. Toutes les personnes qui m’ont soutenu lors des relectures, pour l’harmonisation des noms et les discussions sur le contenu. Mes proches et mes amis, qui m’ont porté à bout de bras. Mon éditeur, et plus particulièrement Boris Guilbert, qui m’a guidé et soutenu de façon inconditionnelle tout au long du processus.

Hallyuwood est vraiment le résultat d’une expérience collective. Je trouve cela merveilleux !

Bastian Meiresonne au micro lors du Festival Black Movie .( Crédit photo Bastian Meiresonne)

Bastian Meiresonne au micro lors du Festival Black Movie. © Bastian Meiresonne


L’index de noms propres et des films est impressionnant, tout autant que la bibliographie et les centaines de photos de films auxquels vous faites référence, cet ouvrage s’adresse au grand public bien sûr, mais ne s’adresse-t-il pas également aux étudiants en écoles de cinéma ? Qu’en pensez-vous ? La structure même du livre n’a-t-elle pas été pensée à des fins pédagogiques ?

J'ai abordé la conception de ce livre de la même façon que mes présentations sur scène : en transmettant ma passion pour le sujet à travers le partage simple, respectueux, et précis de mes recherches et découvertes personnelles, parfois agrémenté d'une touche d'humour.

Pour captiver à la fois les cinéphiles chevronnés et les spectateurs occasionnels, j'ai structuré mon livre en offrant soit la possibilité d'une lecture linéaire chronologique, soit en explorant des thématiques au gré de ses envies. Par exemple, dans la partie dédiée aux années 1990, il y a un chapitre dédié au cinéma d’horreur coréen en plein renouveau à l’époque, mais pour lequel j’offre une vue d'ensemble, depuis ses origines jusqu'à nos jours. Ainsi, le lecteur ayant lu le livre de manière linéaire trouvera naturel que le cinéma d’horreur coréen soit abordé dans la partie des années 1990, tandis que celui qui aura choisi ce chapitre spécifique pour son thème aura une perspective historique ciblée sans manquer d’informations pour n’avoir pas lu le reste. Cette approche a demandé beaucoup de travail, mais elle est bien plus enrichissante qu’un « dictionnaire » ou « une encyclopédie », qui se contenterait de classer les sujets par ordre alphabétique.

Et… Si cet ouvrage peut être utile aux étudiants en écoles de cinéma, j’en serais fier et vraiment ravi ! (Sourire.)

Un ouvrage richement illustré, on y trouve de nombreuses photos de films ( (Crédit photo : Editions E/P/A)

Un ouvrage richement illustré, on y trouve de nombreuses photos de films. © Editions E/P/A


Un ouvrage richement illustré, on y trouve de nombreuses photos de films ( (Crédit photo : Editions E/P/A)

Un ouvrage richement illustré, on y trouve de nombreuses photos de films. © Editions E/P/A


Ce beau livre a dû nécessiter, compte tenu de sa richesse, beaucoup d’abnégation, peut-être même une retraite ? J’imagine en tout cas un travail au calme. Êtes-vous prêt à revenir au contact du public, aux dédicaces, aux festivals et autres évènements à venir ?

Autant, je prends un immense plaisir d’être sur scène pour partager ma passion avec le public, autant je suis plutôt un loup solitaire dans ma vie privée. Ce qui était assez intéressant durant les moments parfois difficiles de l’écriture, c’est le parallèle émotionnel ressenti pendant les périodes de confinement induites par la pandémie de Covid-19 : l’isolation, rester enfermé, sans beaucoup d'interactions sociales. J’ai détesté ressentir à nouveau ce sentiment et j’ai hâte de retrouver le contact direct avec le public. Autant j’étais pressé d’achever l’écriture, autant j’attends maintenant avec impatience les réactions des lecteurs – qu’il s’agisse d’éloges ou de critiques constructives, voire de relevés d’erreurs éventuelles. Mon ouvrage ne peut en aucun cas prétendre être « la référence ultime » – ne serait-ce que depuis la fin de l’écriture au début de cet été, de nouveaux films coréens sont sortis, de nouvelles séries ont été produites, de nouvelles tendances se sont dessinées – j’aspire donc aussi à me remettre à écrire de nouveaux chapitres ou ouvrages dans un avenir proche !

Bastian Meiresonne lors du Festival du Film Coréen de Paris 2022 ( FFCP) après la Masterclass avec I’m Sang-soo. ( Photo prise par une bénévole du FFCP) .

Bastian Meiresonne lors du Festival du Film Coréen de Paris 2022 (FFCP) après la Masterclass avec Im Sang-soo. © Une bénévole du FFCP


Quels sont actuellement les films à l’affiche que vous pouvez nous conseiller ?

J’ai la chance, que mon livre paraisse au moment d’une rétrospective dédiée à Kim Jee-woon, l’un des trois réalisateurs phares de la « génération 386 » aux côtés de Park Chan-wook et Bong Joon-ho. Ces cinéastes ont émergé à la fin des années 1990 et ont propulsé le cinéma coréen sur la scène internationale avec leurs succès respectifs, en 2003, de Deux Sœurs, Old Boy et Memories of Murder.

Cette rétrospective offre l’occasion aux spectateurs français de redécouvrir les premiers films de Kim Jee-woon dans des versions parfaitement remasterisées, ainsi que de profiter de son dernier film, Ça tourne à Séoul (2023). Je ne voudrais pas vous pousser à la consommation de produits culturels de masse, mais on pourra d’autant mieux apprécier cette comédie satirique après avoir lu mon ouvrage, car elle regorge de bon nombre de subtils hommages au cinéma coréen des débuts jusqu'aux années 1970, dont beaucoup d’aspects sont traités dans mon livre… (Rires).

Quels sont vos projets à venir ?

J’avoue avoir un emploi du temps bien rempli actuellement avec la promotion de mon ouvrage par le biais de séances de dédicaces, de conférences et d’accompagnement de projections de films coréens en France et en Suisse.

Par ailleurs, je suis en train de finaliser la programmation de plusieurs événements cinématographiques asiatiques qui auront lieu au premier trimestre 2024, comme le Festival Black Movie en janvier à Genève, le festival Travelling Rennes en février, ainsi que les Rencontres Cinématographiques de Salon de Provence fin mars.

De plus, j’explore l’éventuelle possibilité de créer un documentaire sur l’histoire du cinéma coréen pour la télévision. Bien que rien ne soit encore concret à ce stade, j'ai l’espoir que mon livre puisse servir de base pour une future adaptation télévisée, éventuellement en plusieurs parties. Croisez les doigts pour moi !

Informations complémentaires

Page Facebook de Bastian Meiresonne : Hallyuwood - le cinéma coréen
Lien vers les Editions E/P/A : https://www.editionsepa.fr/


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

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