Affiche à l'extérieur du théâtre © Titiane Burot
Par les journalistes honoraires de Korea.net Titiane Burot et Caroline Brami
Une nouvelle comédie musicale mettant en vedette Émile Zola a débuté début juin. Se déroulant du 11 juin au 1er septembre 2024 dans le quartier de Hyewha à Séoul, cette pièce de 100 minutes voit deux comédiens incarner Émile et Claude, offrant une interprétation remarquable autour du mystère d'une nuit où la vérité sur Émile Zola éclatera lors de la rencontre des deux personnages.
Pour rappel, Émile Zola (2 avril 1840 - 29 septembre 1902) était un écrivain décoré de la Légion d'honneur, la plus haute distinction de la culture et de l'art français. Lors de l'incarcération de l'officier juif de l'armée française, Alfred Dreyfus, sous de fausses accusations d'espionnage, Zola a risqué ses réalisations littéraires, son honneur et sa vie pour défendre l'innocence de Dreyfus. En janvier 1898, après la publication de
J'accuse… ! dans le journal L'Aurore, il a fait face à des critiques incessantes et à des menaces de mort jusqu'à la fin de sa vie.
Le décor à l’extérieur de la salle. © Caroline Brami
L’équipe d’
Émile J’accuse..! nous offre un retour en 1902 où l’on assiste à la dernière nuit d’Émile Zola réécrite et imaginée pour l’occasion. L’intrigue prend place dans la maison de l’écrivain. Sur scène, un décor fourni et pensé dans les moindres détails nous transporte instantanément dans le Paris du début du siècle dernier. On peut y voir des livres par centaines, qui recouvrent les murs et s’empilent au sol, des photos de la famille Zola, de la tour Eiffel… Le feu dans l’âtre de la cheminée, ainsi qu’une lumière tamisée apportent la touche finale pour recréer l’atmosphère automnale de ce début de soirée du 29 septembre 1902.
Au centre de la scène, parmi des dizaines d’articles de journaux épinglés sur un grand panneau, se détache le portrait d’Alfred Dreyfus. Le contexte est posé,
J’accuse… ! va être au centre des discussions de cette nuit, quatre ans après sa publication en 1898. Dans cette lettre directement adressée au président de la République de l’époque, Félix Faure, et publiée à la une du journal L’Aurore, Émile Zola clame l’innocence du capitaine Dreyfus, injustement accusé de trahison en 1894, et révèle ainsi pour la première fois au grand public les détails de l’affaire. La prise de partie de l’écrivain entraina un procès et une condamnation. Cependant, malgré le fait que sa carrière fût entachée et qu’il subissait des menaces, Émile Zola mentionna à plusieurs reprises qu’il n’avait aucun regret.
Après une introduction du personnage de Zola sur scène en chanson, l’action démarre par l’arrivée d’un jeune homme, prénommé Claude. Il rend visite à l’écrivain dans le but de lui apporter une peinture représentant un paysage d’Aix-en-Provence, ville où Zola grandit et rencontra son ami Paul Cézanne. Cette peinture donne prétexte à un magnifique duo à la fois enjoué et nostalgique, Claude étant également originaire de la cité provençale.
Malgré cette parenthèse joyeuse, le ton musical de la pièce reste très sérieux voire même un peu pesant, en adéquation avec le contexte. Mais la justesse des voix qui magnifient des mélodies pourtant simples, font leur effet. La nuit se déroule en alternant des moments de dialogues entre Claude et Émile, des airs et quelques péripéties justement dosées. Le scénario, primé au salon de la création artistique et de la culture de la Corée en 2022, met en scène des conversations mouvementées entre les deux protagonistes qui expriment des sentiments contradictoires autour de
J’accuse...! et on se laisse surprendre par les rebondissements. Le tout est entrecoupé d’interludes interprétés au piano qui ponctuent parfaitement le déroulement de la pièce et y apporte une légèreté qui nous rappelle que oui, nous assistons bien à une comédie musicale. Même si la pièce souffre de petites longueurs dues à la mise en scène, les airs redonnent à chaque fois un souffle nouveau et raccrochent l’attention du spectateur.
Sur scène, seulement deux comédiens. On est très loin des comédies musicales fourmillant de figurants qui s’animent dans de grands tableaux dansés. Ici, très peu de danse mais on est vite entraîné par l’atmosphère romancée du début XXe avec l'aide des décors et surtout par la présence scénique des comédiens. Grâce au peu de personnage, Émile et Claude bénéficient de plus de profondeur.
Émile Zola est interprété à tour de rôle par les comédiens Park Young-soo, Park Yoo-deok et Jeong Dong-hwa. Quant à Claude ce sont les comédiens Gu Jun-mo, Kim In-seong (membre du groupe SF9) et Jung Ji-woo qui se partagent le rôle.
Le casting du jour de la représentation. © Caroline Brami
Lors de la représentation de ce 14 juin, le comédien Park Young-su a su s’approprier le personnage de Zola en lui donnant toute la prestance et le charisme qu’on lui imagine. Je n’ai eu aucun mal à transposer l’écrivain sur scène grâce à son jeu très juste. Sa voix dure mais chaude rend parfaitement justice au personnage. Kim In-seong quant à lui, incarne la fougue de la jeunesse de Claude avec un plaisir certain. Il suit la direction de son aîné sur scène et le duo fonctionne. La technique vocale des deux comédiens est irréprochable et nous fait vite oublier que la musique sort d’une bande son préalablement enregistrée.
Si vous êtes à Séoul, pourquoi ne pas vous accorder un petit voyage dans le temps, direction Paris 1902 et vous replonger dans ce moment historique au contexte politique lourd ? La chanson phare de la pièce, thème d’Émile, vous restera très certainement en mémoire ! Et même si vous ne comprenez pas beaucoup le coréen, l’atmosphère et les airs de la pièce valent le détour !
* Présents partout à travers le monde, les journalistes honoraires de Korea.net ont pour mission de faire connaître et partager leur passion de la Corée et de la culture coréenne au plus grand nombre.
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