Entretiens

02.11.2023

K-pop, K-food, K-dramas... la vague coréenne déferle sur le monde entier. Parmi ceux qui la nourrissent, il y a les « Coréens d'outre-mer » : des ressortissants sud-coréens installés à l'étranger ou des personnes d'origine coréenne possédant une nationalité étrangère. Korea.net et l'agence de presse Yonhap sont partis à la rencontre de ces personnes hybrides ayant une double culture, véritables ponts entre la Corée et leur pays de résidence.


Min Yongchi, musicien de gugak et Coréen ethnique du Japon. © Lee Jun Young / Korea.net

Min Yongchi, musicien de gugak et Coréen d'outre-mer résident au Japon. © Lee Jun Young / Korea.net



Par Koh Hyunjeong pour Korea.net et Kang Seong-cheol pour l’agence de presse Yonhap

Min Yongchi est né à Osaka dans une famille d'origine coréenne qui vit au Japon depuis trois générations. C'est après le collège qu'il s'installe en Corée pour se consacrer à l'étude du gugak, la musique traditionnelle coréenne. Il intègre l'établissement spécialisé dans ce domaine, le lycée national Gugak, et poursuit ses études à l'université nationale de Séoul.

« Le gugak, c'est ce qu'il y a de plus beau. C'est pour montrer cette beauté au monde entier que je me suis intéressé au gugak fusion », confie-t-il lors de son interview accordée à Korea.net et Yonhap News, le 1er novembre.

Ce passionné de musique traditionnelle coréenne est détenteur de nombreuses récompenses, dont le prix d'or lors du concours mondial de samulnori pour sa performance au janggu (tambour traditionnel), en 1991, alors qu'il était encore étudiant. L'année suivante, il s'est classé troisième au concours 1992 du journal Dong-A Ilbo grâce à sa maîtrise du daegeum (flûte de bambou). Si ces prix auraient pu lui permettre d'intégrer un groupe de gugak dès l'obtention de son diplôme, Min Yongchi a choisi de se lancer en solo afin de laisser libre cours à son imagination et à sa créativité. Il s'est alors investi dans le shinhanak, ou nouvelle musique coréenne, un projet de gugak fusion qu'il a créé en combinant gugak et jazz.

Le musicien de gugak Min Yongchi (troisième à gauche) pose pour une photo le 2 décembre 2015 après le concert « Shinhanak X Trisonic ». © Min Yongchi

Min Yongchi (au centre, en blanc) pose pour une photo après le concert « Shinhanak X Trisonic », le 2 décembre 2015. © Min Yongchi


Comment avez-vous commencé votre carrière musicale ?

Mon père, qui n'a jamais pu réaliser ses rêves de musicien, a élevé ses quatre enfants dans la musique. Moi, j'étais le troisième de la famille. De manière plus ou moins consciente, j'ai donc grandi dans un environnement dans lequel la musique a toujours été présente.

Notre petite maison était remplie de haut-parleurs que mon père collectionnait. Ma sœur aînée s'est spécialisée dans le gayageum (l'instrument à cordes traditionnel), mon frère aîné dans la flûte coréenne et ma sœur cadette dans la danse traditionnelle coréenne. Je ne pense pas que j'aurais eu accès à une telle variété d'arts et de culture dans ma vie quotidienne si j'avais grandi dans une plus grande maison.

Les Coréens du Japon ont tous une double culture, ce qui est à la fois une possibilité et un avantage. J'enseigne actuellement le gugak à des étudiants coréens à l’université pour femmes Ewha et à l’université des arts Chugye. Si j'en ai l'occasion, j'aimerais faire venir en Corée des étudiants coréens du Japon et les former au gugak fusion.

Le Shinhanak est un genre de gugak fusion. Pourquoi l'avez-vous créé ?

Durant ma jeunesse, je me suis essayé à plusieurs styles musicaux : le gugak au lycée et à l'université, et la musique occidentale durant mes années d'école primaire et de collège. Je jouais du tambour pendant les fanfares !

J'aurais pu intégrer un groupe de gugak directement après l'obtention de mon diplôme universitaire, mais j'avais envie de mélanger musiques asiatique et occidentale, ce qui n'aurait pas été possible dans un groupe de gugak. Je me suis donc lancé en solo et j'ai essayé de faire en sorte que les gens d'aujourd'hui puissent facilement ressentir les charmes du gugak en le mélangeant à d'autres styles musicaux. J'ai collaboré avec des chateurs populaires, comme Psy, Shin Hae-chul, Lee Moon-sae, Kang San-eh, DJ DOC ou Panic, ainsi qu'avec les grands noms de la musique classique, tels que le chef d’orchestre Chung Myung-whun, la soprano Jo Sumi et le pianiste Yang Bang Ean.

N'avez-vous pas rencontré de difficultés en tant que Coréen du Japon ?

Je suis quelqu'un qui vit à la frontière entre Corée et Japon, car j'ai une double identité qui ne me range ni dans la case des Coréens ni dans celle des Japonais. Mais je crois que c'est grâce à cette identité que j'ai pu essayer, sans doute plus librement, d'autres genres musicaux. Mes créations semblent avoir suscité l'admiration du public car elles leur apparaissaient originales et inédites.

Min Yongchi, musicien gugak, a joué du janggu du 9 mars 2012 au 12 septembre de la même année à New Plymouth, en Nouvelle-Zélande, dans le cadre du « Monde de la musique et de la danse ». © Min Yongchi

Min Yongchi joue du janggu dans le cadre du festival « World of Music, Arts and Dance » qui s'est tenu à New Plymouth, en Nouvelle-Zélande, du 9 au 12 mars 2012. © Min Yongchi


Vous vous êtes produit sur de nombreuses scènes à travers le monde. 

Pour être honnête, je joue du gugak traditionnel plutôt que du gugak fusion lors de mes concerts en dehors de la Corée. Le public étranger adore le gugak et peut s'immerger pendant des heures dans le Jongmyo Jeryeak (musique rituelle pour les ancêtres royaux au sanctuaire de Jongmyo de la dynastie Joseon) ou le sinawi (musique d'improvisation traditionnelle). Mes représentations s'achèvent en général sous un tonnerre d'applaudissements.

Je crois que les réactions du public aux spectacles de danse ou aux concerts de musique sont bien meilleures que celles provoquées par des chansons à texte, car les paroles ne peuvent malheureusement pas être transmises telles quelles, et ce malgré les sous-titres.

Quel est le concert qui vous a le plus marqué ?

J'ai participé 13 fois au Korean Heritage Camp, de 1996 à 2011, à Denver, dans le Colorado, et j'ai joué du samulnori (danse folklorique exécutée sur les quatre instruments à percussion traditionnels) à chaque fois. Je me souviens encore très bien des enfants qui s'accrochaient à mes jambes et me suppliaient de les mettre dans ma valise pour les emmener en Corée !

Le gugak a le pouvoir de vous rendre fier de vos racines et de votre identité. Chaque fois que je vois des enfants apprécier les sons de la musique traditionnelle coréenne, je suis fier et heureux de jouer du gugak.

Que voudriez-vous dire à votre public ?

J'aimerais qu'ils s'ouvrent à l'art sans idées préconçues et sans préjugés. Les artistes ne sont pas en compétition. Même si nos genres sont différents, nous travaillons ensemble pour créer chaque jour de meilleures œuvres et combler le cœur des gens.

Quels sont vos projets pour les prochaines représentations ?

Je serai au « Arirang Resonating in the World » à Séoul en décembre et au Japon, en avril de l'année prochaine pour le 25e anniversaire du Centre culturel coréen d'Osaka, où je collaborerai avec la troupe créative du Centre national de Gugak au Symphony Hall d'Osaka.

Toute ma vie, j'ai essayé de promouvoir la musique traditionnelle coréenne à travers la musique fusion en collaborant avec d'autres artistes. Mais maintenant que j'ai plus de 50 ans, je pense que le moment est venu pour moi de revenir lentement à la « tradition originale ». Je prévois donc de jouer avec Kim Deok-soo, le maître du samulnori, en octobre prochain à Tokyo, et de partir en tournée à travers quatre villes - Fukuoka, Osaka, Tokyo et Séoul - en novembre pour jouer du gugak sur fond de nô (un style théâtral japonais, ndlt).

J'ai l'intention de diriger le spectacle pour que le public s'imprègne pleinement du charme du gugak. J'espère ainsi sensibiliser le public aux problèmes de droits d'auteur et dynamiser les ventes d'albums physiques afin d'aider et soutenir les musiciens de gugak.

Le musicien gugak Min Yongchi (au milieu) joue du daegeum dans le cadre de Manhangga au Conseil des arts du Japon à Shibuya, Tokyo, le 20 avril 2019. © Min Yongchi

Min Yongchi (au milieu) joue du daegeum dans le cadre du « Manhangga », un concert s'étant déroulé au Conseil des arts du Japon, à Tokyo, le 20 avril 2019. © Min Yongchi


hjkoh@korea.kr