K-pop, K-food, K-dramas... la vague coréenne déferle sur le monde entier. Parmi ceux qui la nourrissent, il y a les « Coréens d'outre-mer » : des ressortissants sud-coréens installés à l'étranger ou des personnes d'origine coréenne possédant une nationalité étrangère. Korea.net et l'agence de presse Yonhap sont partis à la rencontre de ces personnes hybrides ayant une double culture, véritables ponts entre la Corée et leur pays de résidence.
Kim Jong Yoon exécute un poomsae durant la Korea Cup 2015 au Singapore Polo Club, en octobre 2015.
Par Cao Thị Hà pour Korea.net et Kang Sung-chul pour l'agence de presse Yonhap, photos Kim Jong Yoon
Kim Jong Yoon est installé à Singapour depuis 2004. Il y dirige la « Ildo Taekwondo Academy », qui rassemble plus d’un millier d’adeptes dans trois clubs. « Le taekwondo était déjà très populaire avant l’arrivée de la K-pop, des K-dramas et de la K-food », selon ce diplômé de l’université Sungkyungwan, qui envisage désormais de s'exporter au Vietnam voisin.
« Mes cours ne se focalisent pas sur les techniques de combat ou la formation d’athlètes capables de rapporter des médailles. Ce que je veux transmettre, ce sont les valeurs d’un sport qui contribue à l’amélioration de la santé physique et mentale », confie celui qui été l’entraîneur de l’équipe de démonstration de taekwondo de Singapour.
Le directeur de l'Ildo Taekwondo Academy a acquis une petite renommée après que l’une de ses élèves, âgée de 79 ans et atteint d’un handicap qui l’empêchait de marcher, a exécuté les gestes du taekwondo avec adresse et précision grâce à ses cours. Korea.net et l’agence de presse Yonhap ont contacté ce féru d’art martial et surtout de culture coréenne.
Kim Jong Yoon présente les objectifs et les orientations de son programme de taekwondo spécial séniors, dans le quartier de Bukit Timah, à Singapour, en août 2023.
Pourquoi avez-vous choisi de devenir professeur de taekwondo ?
Je fais du taekwondo depuis que j’ai cinq ans. Le club que je fréquentais s’appelait « Ildo Taekwondo », d’où le nom de ceux que je dirige maintenant. J’ai déjà enseigné le taekwondo à des enfants lors de mes études au Japon. J'ai aussi donné des cours de religion dans mon église le dimanche, ce qui m’a aidé à connaître la valeur et le plaisir de transmettre des connaissances.
Pourquoi avoir choisi Singapour ? Le taekwondo y est-il populaire ?
Je suis ceinture noire 5e dan et j’ai toujours eu l’envie de promouvoir la valeur du taekwondo, le sport national coréen. J’ai donc ouvert un club à Singapour, pays exceptionnellement international où habitent des personnes originaires du monde entier. Je me concentre néanmoins sur les valeurs et l’esprit du taekwondo, davantage que sur les techniques de combat, ce que peu de clubs de taekwondo choisissent de faire.
Tout comme en Corée du Sud, l’éducation des enfants est un sujet capital dans la vie des familles singapouriennes. Si le niveau des élèves est élevé, peu de choses sont transmises quand il s’agit de confiance en soi ou de façonner son caractère. J’ai donc pensé que le taekwondo pourrait véhiculer ce genre de valeurs. Je crois qu’il y a environ 30 000 pratiquants de taekwondo à Singapour et je sais que de nombreuses institutions publiques organisent des cours localement.
De quoi sont composés vos cours ?
La plupart des jeunes qui prennent des cours de taekwondo aspirent à améliorer leur condition physique ou leurs capacités d’autodéfense. D’autres se projettent champions et veulent briller lors des compétitions. Mais à la Ildo Academy, l’accent est mis sur les valeurs du taekwondo, celles qui permettent de changer son point de vue sur la vie, qu’on soit homme ou femme, jeune ou vieux.
Mon programme commence par briser l’idée reçue selon laquelle le taekwondo serait un sport où l'on ne fait que donner des coups de pieds et inculquer une discipline stricte. Heureusement, la majorité de mes élèves comprennent et adhèrent à ce choix. Je m’assure qu’ils comprennent pourquoi les mouvements sont exécutés de telle ou telle manière et les informe de leurs effets positifs sur le corps. Je crois qu’il est capital de comprendre ceci quand on fait du taekwondo. C’est aussi pour cette raison que beaucoup de séniors sont inscrit dans mes clubs, en particulier la communauté chinoise de Singapour, férue de tai-chi et de wushu.
Y a-t-il une expérience qui vous a particulièrement marqué lors de votre carrière d’enseignant ?
J’ai enseigné à quelqu’un qui n’était pas familier avec le taekwondo, mais qui a fini par l'enseigner dans une école pour handicapés mentaux. Grâce au taekwondo, il permet à ces personnes de surmonter leur handicap et de réussir à communiquer avec le monde. C’est ce que Ildo Academy devrait viser également.
D’après vous, qu’est-ce que l’esprit du taekwondo ?
Un corps sain dans un esprit sain ! À Singapour, beaucoup de foyers ne comptent qu’un seul enfant. Ildo Academy s’efforce donc d’enseigner les cinq valeurs principales afin de les aider à distinguer clairement le rôle des parents de celui des enfants : courtoisie, patience, confiance en soi, harmonie, et partage. Nous enseignons bien sûr quelques techniques de combat, mais aussi et surtout l’importance de la famille et la place de l’individu dans la société.
Lynn Soh (au centre), une des élèves de Kim Jong Yoon (à gauche) pose avec son professeur et d’autres élèves après avoir reçu la ceinture noire 2e dan au club Ildo Academy du quartier de Bukit Timah, à Singapour, en février dernier.
Vous envisagez de vous exporter au Vietnam.
Je crois que les opportunités y sont nombreuses. Beaucoup d’universités vietnamiennes sont déjà dotées de département de langue coréenne. Les athlètes de ce pays sont suffisamment bons pour réaliser des performances admirables lors de compétitions internationales. Mais je regrette cependant que les valeurs et l’esprit du taekwondo n’y soient pas enseignées. C’est à cela que je voudrais contribuer en y ouvrant un club.
Quelles sont les difficultés lorsqu’on enseigne le taekwondo à des non Coréens ?
Il n’est pas facile de faire comprendre la patience et l’esprit du taekwondo. Dans la culture scolaire coréenne, on accorde beaucoup d’importance aux notes, ce qui fait que les élèves ont un état d’esprit très particulier vis-à-vis des compétitions et des classements. Je crois qu’il ne faut pas ignorer le fait qu’il existe des différences culturelles avec la Corée du Sud, qui sont d’ailleurs inévitables quand on enseigne à l'étranger. Il ne faut pas non plus essayer d’imposer l’« esprit coréen ». Malgré tout, je dois avouer qu’il est très gratifiant de voir que tous mes élèves me font confiance, et ce malgré nos différences.
Quel est votre objectif ultime ?
Ildo Academy vise à utiliser le taekwondo comme moyen de communication avec le monde. Nous voulons aider les jeunes à reconnaître l’amour de leur parents, à ressentir l’importance de la famille, à améliorer leur confiance en soi et à devenir des adultes responsables. Tout cela en contribuant à diffuser le taekwondo dans le monde entier.
shinn11@korea.kr