Georg Schmidt, ambassadeur d’Allemagne en République de Corée, lors de son interview avec Korea.net, le 13 février 2024.
Par Yoon Sojung, Yoon Seungjin et Lee Da Som, photos Jeon Han, vidéo Jeon Han et Lee Jun Young
Un développement qui concilie croissance et environnement. Tel serait l'objectif que la Corée et l'Allemagne devraient viser, selon l’ambassadeur d’Allemagne en République de Corée, Georg Schmidt. Korea.net l’a rencontré le 13 février dernier, presque six mois après son entrée en fonction à l’ambassade d’Allemagne, située près de la gare de Séoul, dans le centre de la capitale coréenne.
Korea.net : Les dirigeants coréen et allemand se sont rencontrés à deux reprises l’année dernière afin de discuter des perspectives bilatérales de coopération. Y a-t-il eu des avancées depuis ?
Georg Schmidt : Le gouvernement allemand s’est rendu à deux autres reprises en République de Corée pour discuter de la coopération bilatérale dans le domaine des sciences et des semi-conducteurs. Autres sujets capitaux : le climat et l’hydrogène, qui ont fait l’objet de la conférence Corée-Allemagne l’année dernière. En partenariat avec plus de 200 experts, nos deux pays ont partagé leurs expériences en matière de recherche dans le secteur des technologies de conversion de l’énergie, ainsi que des meilleurs pratiques afin d'appliquer ces technologies dans la société. Les réunions de ce genre, qui reflètent l'engagement de nos deux pays dans la décarbonisation de notre planète, se répèteront à l’avenir. Nous devons également trouver l’équilibre entre garantie de la transition énergétique et maintien de notre compétitivité.
Dans quels domaines l’Allemagne espère-t-elle coopérer avec la Corée ?
Si l’Allemagne fait souvent penser à de grands groupes industriels comme BMW, ce sont en réalité les petites et moyennes entreprises (PME) qui sont le moteur de l’économie allemande. Celles-ci ont de nombreuses perspectives de coopération avec leurs homologues coréennes, la République de Corée étant elle aussi une puissance industrielle.
Les échanges culturels, qui sont la clé de voûte des relations bilatérales, sont également très importants. Si de plus en plus de jeunes Allemands s’intéressent à la langue et à la culture coréennes, les partenariats s’étendent désormais à de nouveaux domaines, comme les screen sports.
Selon vous, où se trouve le secret des échanges culturels coréano-allemands ?
Tous ceux qui s’intéressent à la culture allemande peuvent la découvrir au Goethe Institut de Séoul. Mais désormais, je crois que les échanges culturels s’appliquent différemment et à un champ plus large que dans le passé. Il y a davantage de manières de se rencontrer et de travailler ensemble, ce qui améliore la créativité. C’est le rôle de nos gouvernements d’offrir l’opportunité aux gens de se rencontrer et d’échanger leurs expériences.
L’héritage des mineurs et infirmières envoyés en Allemagne dans les années 1960 constitue également un lien fort entre nos deux pays. À cette époque-là, il n’existait pas autant de moyens de se contacter, comme maintenant. Le courage et la détermination de ces travailleurs qui ont quitté leur pays pour venir en Allemagne demeurent dans de nombreuses mémoires.
Tout en contribuant à la reconstruction de l’Allemagne, ils ont appris une langue qu’ils ne connaissaient pas et envoyé l’argent durement gagné à leur famille afin de soutenir leur pays. Certains de leurs descendants sont restés en Allemagne pendant que d’autres sont retournés en Corée. Ils sont une partie intégrante de la société allemande, mais aussi de la société coréenne.
Le gouvernement coréen compte participer au financement du premier mémorial dédié à la guerre de Corée en Allemagne.
L’année 1950 intervient cinq ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La décision prise à ce moment par le chancelier allemand d’envoyer de l’aide médicale en Corée a reflété l’intention du pays, dans un geste politique de solidarité avec le monde occidental, de soutenir un pays envahi.
L’Allemagne, qui ne possédait pas d’armée, a envoyé des médecins pour construire un hôpital à Busan. Ceux-ci ont formé d'autres médecins sur place, avec qui les échanges se sont poursuivis pendant des années. Un mémorial dédié à l’aide médicale allemande a été inauguré l’année dernière près du mémorial de la guerre de Corée, à Séoul. L’Allemagne en est très reconnaissante. Je souhaite vivement que de nombreuses personnes, Allemandes ou non, sachent que cette aide médicale apportée durant la guerre de Corée est le fondement de notre amitié.
Comment l’Allemagne voit-elle les efforts entrepris par la République de Corée en faveur de la paix dans la péninsule coréenne ?
Les divisions de l’Allemagne et de la péninsule coréenne comprennent des similitudes, mais aussi des différences. La première est que les républiques fédérale et démocratique d’Allemagne n’ont jamais été en guerre. Elles n’étaient pas hostiles l’une envers l’autre et n’ont pas subi de pressions extérieures. Aucune n’a menacée l’autre avec des armes nucléaires. Contrairement aux familles nord-coréennes et sud-coréennes, qui vivent coupées les unes des autres, les familles des deux Allemagnes ont eu des contacts pendant de nombreuses années sans subir de division brutale.
L’Allemagne maintient une politique claire et cohérente qui se définirait par « ne jamais laisser l’autre partie menacer tout en gardant la porte ouverte au dialogue ». C’est ce dialogue qui est important, en plus d’être un élément fondamental de la diplomatie, nécessaire même dans des conditions extrêmes et même quand les deux parties sont en désaccord. La politique du président Yoon Suk Yeol reflète cette volonté de dialogue.
Selon vous, vers où les relations coréano-allemandes devraient-elles s’orienter ?
Les deux pays présentent la particularité d’avoir réussi à se reconstruire après une guerre : on parle de miracle du Rhin et de miracle du Han. Le défi reste à répartir les fruits de cette reconstruction avec le plus grand nombre possible de personnes.
L’autre défi, c’est de trouver l’équilibre entre croissance et environnement. Nous ne devons pas épuiser les ressources de la planète sans en laisser aux générations futures. Travailler ensemble pourrait mener à un deuxième miracle sur le Rhin et à un deuxième miracle sur le Han.
Quels sont vos projets en tant qu’ambassadeur d’Allemagne en République de Corée ?
Cela fait plus de 140 ans que la Corée et l’Allemagne sont des nations amies. Je souhaite stimuler le dialogue bilatéral sur un large éventail de sujets de société, dont la recherche d’un mode de vie durable et respectueux de l’environnement, les questions d’inclusion des minorités et les défis liés aux migrations. Ce que je souhaite aussi, à l’échelle personnelle, c’est vouloir comprendre l’ensemble de la culture et de l’histoire coréennes en interagissant avec des personnes de tous horizons et de tous âges, non seulement à Séoul, mais dans toutes les régions de Corée, afin que nous puissions comprendre et partager nos expériences.
Georg Schmidt, ambassadeur d’Allemagne en République de Corée, lors de son interview avec Korea.net, le 13 février 2024.