Journalistes honoraires

12.03.2024

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Le groupe TAGG en pleine prestation sur la scène du Seoul Africa Festival 2023 au Banpo Hangang Park.

Le groupe TAGG en pleine prestation sur la scène du Seoul Africa Festival 2023 au Banpo Hangang Park.



Par la journaliste honoraire de Korea.net Manuela Attouh du Cameroun, photos African Dance Company TAGG

Le 21 octobre 2023, le Banpo Hangang Park a abrité la sixième édition du Seoul Africa Festival. Au regard des activités au programme sur la page officielle de l'événement, il s'est agi là, pour moi, de l'événement à ne rater sous aucun prétexte. Passionnée de danse, il me tardait surtout de découvrir les groupes annoncés.

A mon arrivée sur les lieux aux alentours de midi, les abords de la célèbre rivière Han grouillaient déjà de monde. Des Africains, bien sûr, mais aussi des ressortissants d’autres pays. Tous étaient enthousiastes à l'idée 'd'entreprendre un voyage' en Afrique, tout en étant au pays du Matin clair, de découvrir ou de redécouvrir les divers moyens d'expression de la culture africaine. Ceux-ci, entre autres, allaient de l’art du dessin TingaTinga de Tanzanie, au jeu traditionnel congolais Nzango, en passant par le tambour Djembe ouest-africain.

Parade de tambours au Seoul Africa Festival 2023 menée par Djembecola, groupe de percussionnistes sur Séoul spécialisé dans différents types de musique basés sur la musique Mandingue ouest-africaine.

Parade de tambours au Seoul Africa Festival 2023 menée par Djembecola, groupe de percussionnistes sur Séoul spécialisé dans différents types de musique basés sur la musique Mandingue ouest-africaine.


S'agissant particulièrement de la danse, la performance qui m’a le plus marqué est celle donnée par TAGG, un groupe majoritairement composé de Coréens. Si cette composition a, de prime abord, piqué ma curiosité, le show exécuté par la suite a véritablement été surprenant. En effet, sur les rythmes enlevés de l’Amapiano, du Coupé-Décalé, du Yankadi-Makru, et du Jarafoli, le groupe a fait trembler la scène, les gradins avec. Autant vous dire que j’en suis devenue fan.

Le groupe TAGG faisant trembler la scène du Seoul Africa Festival 2023 sur les rythmes enlevés africains.

Le groupe TAGG faisant trembler la scène du Seoul Africa Festival 2023 sur les rythmes enlevés africains.


Pour moi, le clou du spectacle reste incontestablement la chorégraphie exécutée sur le titre Fight Like a Girl, tiré du film éponyme sorti en salle le 3 septembre 2023 au CGV de Yeonnam. Inspirée de deux danses des épées originaires l’une de Corée, et l’autre du Bénin, cette chorégraphie en reflétait la fusion. Quant à la tenue des danseurs, elle y faisait également allusion. En effet, confectionnée avec un pagne africain, elle était conçue d'après le costume du Jinju Geommu, une danse de l'épée traditionnelle coréenne désignée comme patrimoine culturel immatériel national en 1967.

Première du film « Fight Like a Girl » le 3 septembre 2023 au CGV de Yeonnam.

Première du film « Fight Like a Girl » le 3 septembre 2023 au CGV de Yeonnam.


A la fin de cette prestation, comme toute fan qui se respecte, j'ai tenu à rencontrer les membres du groupe. Cette rencontre s'est soldée par une invitation à participer à un cours de danse dans leur studio d’entraînement. En plus du plaisir certain que me procurerait cette expérience, il me tardait surtout de plonger dans l’univers de ces Coréens qui avaient fait le choix de la danse africaine, afin de comprendre leurs motivations.

Danseurs du groupe TAGG arborant un pagne africain conçu d'après le costume du Jinju Geommu, exécutant la danse de l'épée d'inspiration coréenne et béninoise, tirée du film « Fight Like a Girl ».

Danseurs du groupe TAGG arborant un pagne africain conçu d'après le costume du Jinju Geommu, exécutant la danse de l'épée d'inspiration coréenne et béninoise, tirée du film « Fight Like a Girl ».


C’est ainsi que le 12 novembre 2023, je me suis rendue au studio situé à Séoul. A ma grande surprise, le groupe des apprenants était beaucoup plus diversifié que je l’imaginais. Originaires d'Amérique, d’Argentine, du Canada, de Corée, de France, du Gabon et du Vietnam, ils étaient aussi de tous les âges. Des enfants, des adolescents, mais aussi des adultes et autres séniors. Ne dit-on pas qu’il n’y a pas d'âge pour s’amuser ?

Séance d'étirements avant le cours de danse proprement dit.

Séance d'étirements avant le cours de danse proprement dit.


C’est d’ailleurs sous le prisme de l’amusement que Eunjung Kwon-Lee, la fondatrice de la compagnie, invite ses élèves à aborder son cours de danse. Pour la petite histoire, l'idée d’ouvrir la compagnie lui vient d’un constat. Pour peu qu'ils n'en n'aient pris les cours, certains Coréens évitent de danser, par peur du qu’en-dira-t-on, quand ils dansent. Pour eux, Eunjung Kwon-Lee a fondé cette compagnie pour désacraliser cet art, sous le concept TAGG. Ce mot signifie ‘nid’ en Wolof, l’une des langues parlées au Sénégal, où elle a souvent séjourné. A travers ce concept, Eunjung Kwon-Lee souhaite que ses élèves, autant que son public, chassent ces appréhensions, et se sentent comme dans leur ‘nid’, c’est-à-dire libres et à l'aise pour danser. A plus long terme, elle vise la transmission de ce concept par ses élèves au plus grand nombre, afin d'intégrer la danse dans le quotidien des personnes, et leur montrer qu'il est naturel de danser dans les moments de joie comme ceux de peine, en se laissant simplement entraîner par la musique.

Drapeau de la compagnie de danse TAGG sur lequel peut être reconnu le dessin d'un nid.

Drapeau de la compagnie de danse TAGG sur lequel peut être reconnu le dessin d'un nid.


Alors, dans la première partie du cours qu’elle a animé, Eunjung Kwon-Lee a insisté pour que nous nous détendions et allions au feeling, plutôt que de chercher à reproduire exactement les mouvements enseignés. Ce qui, à mon avis, permet de préserver le naturel du ballet guinéen qu’elle a appris en Guinée-Conakry. Pour cette Coréenne talentueuse, l’aventure africaine débute réellement en 2013, par ce qu’on pourrait qualifier d’incident sonore. Ce jour là, Eunjung Kwon-Lee est sur le point de participer à un atelier pour professionnels de danse jazz organisé dans une académie privée coréenne (hagwon). Soudain commencent à retentir des percussions dans l’une des salles de l'académie, au point qu’elle et presque tous les autres occupants de l'immeuble de quatorze étages où est logé le hagwon affluent vers la salle hypersonore. Ils y découvrent une dizaine de percussionnistes jouant diverses sortes de tambours pour accompagner des danseurs. Pendant que les autres se plaignaient du bruit, Eunjung Kwon-Lee, elle, venait de trouver son bonheur.

Enseignement du ballet guinéen par Eunjung Kwon-Lee, fondatrice de African Dance Company TAGG.

Enseignement du ballet guinéen par Eunjung Kwon-Lee, fondatrice de African Dance Company TAGG.


N’ayant pratiqué auparavant que diverses danses originaires du continent, elle n’avait cessé de nourrir le rêve d’apprendre, un jour, celles authentiquement africaines. C’est ainsi qu’elle renoncera sur le champ au cours de danse jazz, pour lui préférer celui du ballet guinéen. Son nouveau professeur, elle aussi coréenne, avait fait ses classes en Guinée-Conakry. Vite, Eunjung Kwon-Lee rejoint le nouveau groupe cree pae son professeur avec d'autres percussionnistes. Puis en 2016, de retour de son premier voyage au Sénégal, et pouvant désormais voler de ses propres ailes, elle lance sa propre compagnie. Depuis lors, les voyages dans différents pays africains se sont enchaînes chaque année, tantôt pour des formations, tantôt pour des ateliers.

Séance d'étirements de la deuxième partie du cours dirigée par Ahifon Daniel.

Séance d'étirements de la deuxième partie du cours dirigée par Ahifon Daniel.


Dans ce nouveau projet, elle sait pouvoir compter sur Ahifon Daniel, son partenaire sur la scène et dans la vie. C’est grâce à leur passion commune que les deux chorégraphes se rencontrent au Sénégal en 2017, à la faveur d’un atelier international de danse, elle venant de Corée, et lui du Bénin. Né d’une mère ivoirienne et d'un père béninois, Ahifon Daniel danse depuis sa prime enfance. Le talent chez lui est inné. Un don qui ne l'empêchera pas de s’inscrire à un cours de danses traditionnelles et contemporaines dans une compagnie de danse, en parallèle de ses études de droit à l'université. L’appel de la Cour s'étant avéré moins fort que celui de la scène, c’est ce dernier qu’il finira par suivre. Aujourd’hui, Ahifon Daniel est un as des danses populaires d’Afrique qu’il mixe à merveille. J’ai eu le privilège d’en faire l'expérience dans la deuxième partie du cours en studio. Sur le seul morceau “Great Guy” du chanteur nigérian Asake, nous avons associé des ‘footwalk’ sud-africains, aux ‘leg walk’, ‘crossing leg walk’ et ‘butterfly leg walk’ nigérians.

La famille TAGG.

La famille TAGG.


De toute évidence finalement, il ne s'est pas agi pour moi de participer seulement à un cours de danse. Le moment convivial et chaleureux que j’ai vécu avec cette nouvelle famille m'est cher. Du côté des apprenants, étudiants et travailleurs pour la plupart, avec qui j’ai pu échanger, le satisfecit est le même. Le cours de danse avec TAGG a un effet déstressant pour les uns et il constitue pour les autres, un moment d'évasion pendant lequel ils peuvent relâcher la pression, loin des livres et des dossiers, et ce en bonne compagnie.


* Cet article a été rédigé par une journaliste honoraire de Korea.net. Présents partout à travers le monde, nos journalistes honoraires partagent leur passion de la Corée à travers Korea.net.

caudouin@korea.kr