Journalistes honoraires

23.09.2021

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Par la Journaliste Honoraire de Korea.net Danielle TARTARUGA de France


Rassemblement des représentants de la section Jeune internationale, au Palais Gyeonbok, Seoul en 2016. ⓒ Ji-Sun Hwang

Rassemblement des représentants de la section Jeune internationale, au Palais Gyeongbokgung, Séoul en 2016. ⓒ Ji-Sun Hwang


1/ Pourriez-vous nous expliquer l’origine du Soo Bahk Do et son histoire ?

L’histoire du Soo Bahk Do est indissociable de la vie d’un homme, le grand-maître Hwang Kee. Il est l’un de ces hommes énergiques qui essayèrent, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de contribuer à leur manière à la reconstruction de la Corée, après 30 ans d’occupation japonaise. Il le fit en créant l’école Moo Duk Kwan, l’une des cinq kwans, ces écoles antérieures à la formation du taekwondo, sans lesquelles il n’aurait sans doute pas existé. Il la fonda le 9 novembre 1945, jour de ses 31 ans. Il faut comprendre qu’à cette époque, le nom de ce que l’on pratiquait importait moins que l’école à laquelle on appartenait, et quel instructeur la dirigeait, si bien que Hwang Kee changea plusieurs fois le nom de l’art qu’il enseignait.


D’abord, Hwa Soo Do (art de la main fleurie, qu’on retrouve dans le nom des guerriers du Royaume de Silla, Hwarang), puis Tang Soo Do, puis en 1960, Soo Bahk Do. A noter que le terme Tang Soo Do était quasi générique, il était pratiqué dans plusieurs kwans (maître Lee Kwan Young, par exemple, explique qu’il a commencé par pratiquer le Tang Soo Do). Après le coup d’Etat militaire de mai 1961, la Corée fut sous un régime autoritaire. C’est à ce moment que chacun des maîtres responsables des kwans furent réunis, avec l’obligation de ne former plus qu’un seul art martial, soutenu par l’Etat et censé représenter l’identité coréenne. Dans les années 50, l’école Moo Duk Kwan était très réputée, elle comptait plus de 5 000 pratiquants, chiffre considérable pour l’époque. Après des négociations qu’il trouva injustes, Hwang Kee décida de rester indépendant, en tant que kwan. Ce fut le début de grandes difficultés pour lui. Outre de véritables persécutions à son encontre, il vit son école se scinder, et une partie de ses instructeurs rejoindre la formation du taekwondo, et l’autre partie mal traitée par les autorités (interdiction d’enseigner, de voyager, etc).


Cela explique que les représentants Moo Duk Kwan les plus actifs à partir du milieu des années 60 furent les soldats américains, formés sur les bases militaires en Corée et qui rentraient chez eux. Le nom “Soo Bahk Do” fut adopté assez tard en Occident, au début des années 90. Il reste plutôt mal connu. C’est une référence à l’art martial coréen Subak, dont il est fait mention dans des ouvrages historiques sur la Corée. Hwang Kee, mis à part sa passion pour les arts martiaux, était un lettré, il voulut enraciner son art dans l’histoire de son pays.


1947 Le Grand-Maître Hwang Kee en démonstration en 1947 ⓒ World Moo Duk Kwan

1947 Le grand-maître Hwang Kee en démonstration en 1947 ⓒ World Moo Duk Kwan



2 / Quelles sont ses particularités par rapport à d’autres arts martiaux ?

Le Grand-Maître actuel, H.C Hwang, fils de Hwang Kee, a l’habitude de parler de l’importance des cinq valeurs Moo Do pour caractériser la pratique du Soo Bahk Do. Ce sont :

- L’histoire (Yeoksa) ,on a vu précédemment à quel point elle est importante pour comprendre qui nous sommes, d’où nous venons.

- La tradition (Jeon Tong), qui est une manière bien particulière de faire vivre les techniques en ne perdant pas de vue leur dimension rituelle.

- La discipline/le respect, sans lesquels l’art martial se confondrait avec un sport, et perdrait son code de conduite. 


- La philosophie (Cheol Hak), qui fait que tout pratiquant doit aussi se soucier de culture, de juste expression, et de perfectionnement de soi, en tant qu’être vivant.

- La technique (Ki sool) sans laquelle il n’y aurait pas l’art martial Soo Bahk Do.

A partir de cette définition, on voit que si la technique est une composante importante, la pratique ne saurait se réduire à une activité du corps. Il s’agit pour l’élève de prendre l’art martial dans ses quatres autres dimensions pour que son entraînement soit effectivement complet.

Le Grand-Maître Hwang Kee et ses élèves au do-jang central en 1957 ⓒ World Moo Duk Kwan

Le grand-maître Hwang Kee et ses élèves au do-jang central en 1957 ⓒ World Moo Duk Kwan



3 / Vous êtes française et maître de Soo Bahk Do en France, un art martial coréen, pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?

En 1995, j’arrivai à Paris pour poursuivre mes études de philosophie, et plutôt qu’un sport, je me suis dit qu’une pratique physique avec un ancrage culturel et philosophique affirmé pouvait avoir son intérêt. La suite est affaire de hasard : pourquoi un art coréen, et pourquoi le Soo Bahk Do ? Ma rencontre avec le Soo Bahk Do provient de ma rencontre avec maître Choi Eui-Sun, qui enseignait à Paris à cette époque. Un jeune maître très impressionnant et intimidant, ayant beaucoup d’humour, désireux de partager la culture coréenne dans sa globalité, en même temps qu’il vivait personnellement une expérience riche, je pense, de la culture française.

J’ai suivi son enseignement pendant quatre ans, jusqu’à son départ pour les USA en 1999, où il s’est marié. Concrètement, je n’étais pas encore 1er dan lorsque maître Choi a quitté la France, et j’ai continué à m’entraîner avec quelques anciens élèves français entre la Belgique et la Grèce. Un peu plus tard, conformément à la recommandation du grand-maître de notre organisation H.C Hwang, j’ai repris contact avec maître Choi et j’ai voyagé aux USA (2006-2012), puis en Chine, et en Corée, où il est retourné. J’ai passé mon 4ème dan en 2010 en Corée, et mon 5ème Dan en 2015.

En 2006, nous avons entrepris des démarches pour faire reconnaître le Soo Bahk Do par la FFTDA. Le Soo Bahk Do étant devenu discipline associée, j’ai pu passer le brevet d’Etat 1° degré.


Maître Choi Eui-Sun et son élève Elodie Mollet, bois de Vincennes, 2011 ⓒ Marc Mangin

Maître Choi Eui-Sun et son élève Elodie Mollet, bois de Vincennes, 2011 ⓒ Marc Mangin


4 / Pourriez-vous nous préciser quelles sont les structures officielles de la discipline en France ? Où se situe le siège de Soo Bahk Do ?

La structure officielle est la Fédération France Soo Bahk Do, affiliée à la Fédération mondiale World Moo Duk Kwan et seule fédération en France reconnue par elle. La Fédération organise des stages techniques, des stages découvertes et des passages de grades (gup et dan). Elle organise aussi des compétitions, sous différents formats.

Pour le moment, le Soo Bahk Do est concentré à Paris : on peut pratiquer dans le 10ème arrondissement au sein de l’association Shiwol (adolescents et adultes) et dans le 5ème arrondissement. Un do-jang devrait ouvrir dans la région de Strasbourg dans l’année, si les conditions sanitaires le permettent.

Maître Elodie Mollet, Méditerranée, 2020 ⓒ Elodie Mollet

Maître Elodie Mollet, Méditerranée, 2020 ⓒ Elodie Mollet



5 / A qui s’adresse le Soo Bahk Do ? Comment est-il pratiqué ? Pourriez-vous nous en expliquer les principes ? Y a-t-il des bienfaits pour le corps et l’esprit ? Permet-il de développer de nouvelles capacités et si oui lesquelles ? Peut-on pratiquer à tout âge ?

Le Soo Bahk Do s’adresse à tous. Nos plus jeunes élèves sont en petite section de maternelle (3 ans), notre aînée a 59 ans, elle a commencé cette année.

Evidemment, en commençant à des âges de la vie si différents, les raisons de la pratique sont elles-mêmes bien différentes ; cependant, il y a tout de même un socle commun : entre 3 et 6 ans, on entraîne les capacités motrices générales de l’enfant (équilibre, coordination, souplesse, agilité, sens de l’anticipation) ; en même temps, on demande à l’enfant d’être capable de se canaliser par rapport aux autres, de se con-centrer (se centrer en soi) pour effectuer des mouvements du corps : parmi ces mouvements, il y a les techniques élémentaires de Soo Bahk Do, mains et pieds (Kicho).

A un âge plus avancé, un débutant trouvera une pratique qui lui permet de renforcer et d’assouplir globalement son corps progressivement, relativement à ses capacités. On affine la perception interne des mouvements. On exerce aussi équilibre, coordination, agilité et sens de l’anticipation mais dans une logique plus martiale. Enfin, on prend confiance tout naturellement en soi puisqu’en exerçant son corps, on exerce aussi son esprit.

Maîtres Diaz et Salinas, 2019 ⓒ Elodie Mollet

Maîtres Diaz et Salinas, 2019 ⓒ Elodie Mollet



6 / Quel est l’événement le plus marquant en France dans cette discipline, depuis ces dix dernières années ?

Les trois événements récents les plus marquants à mes yeux :

- La venue d’une équipe coréenne en 2012, pour le festival « Korean Connexion » et la préparation de la démonstration commune : Maître Kim Yoo Eop, Kim Wook-Soo et Esther Kim (les deux derniers s’étant mariés quelque temps plus tard suite à leur rencontre à Paris).

- Le stage européen animé par maître Choi Eui-Sun, (mon maître), 8ème dan en 2017.

- Le séminaire « Women in Moo Duk Kwan », en avril 2019, et son expérience de la non-mixité le temps d’un week-end avec des élèves venues d’Angleterre et de Belgique. Ce beau week-end a donné lieu quelques mois plus tard à la création d’une page internationales FB dédiée aux féminines, avec la collaboration d’éditrices de 15 pays différents, et depuis le printemps, la programmation de séances en ligne : depuis avril, nous avons eu des séances avec les USA, Mexico, en août, avec une instructrice philippine puis chilienne ; ce sera mon tour au mois d’octobre.

- Les festivals des arts martiaux coréens organisés par Laurent Trochet en région parisienne et Daniel Formichi à Montpellier sont toujours de beaux moments de convivialité.

Le Grand-Maître actuel de l'école Moo Duk Kwan, H.C Hwang, avec les élèves du Ko Dan Ja shimsa (examen pour les maîtres) Octobre 2017, en Corée ⓒ Ian Mc Duffie SBN

Le grand-maître actuel de l'école Moo Duk Kwan, H.C Hwang, avec les élèves du Ko Dan Ja shimsa (examen pour les maîtres) Octobre 2017, en Corée ⓒ Ian Mc Duffie SBN



7 / Avez-vous des projets pour le développement du Soo Bahk Do en France et en Europe ?

Nous avons la chance d’avoir une fédération européenne active et soudée autour d’un comité technique (TAC) regroupant maîtres Diego Salinas (Espagne), Stathis Ntaflos (Grèce), Xavier Dufour (Belgique) et moi-même pour la France. Nous travaillons ensemble depuis plus de dix ans, et cette proximité nous permet d’organiser stages, formations et compétitions à l’échelle européenne. La dernière manifestation que nous avons animée a eu lieu en février 2020 en Angleterre. Nous devions accueillir en mai 2020 un championnat européen en Belgique et un stage du grand-maître commun aux élèves de Tang Soo Do, taekwondo et de Soo Bahk Do « Moo Duk Kwan ». Malheureusement, ce stage a dû être remis à une date ultérieure du fait de la pandémie.

8/ Si vous aviez un souhait particulier, quel serait-il ?

Nous souhaitons que le Soo Bahk Do se développe en France, notamment en province, avec l’ouverture prochaine de plusieurs clubs. La fédération France Soo Bahk Do est là pour guider les nouveaux enseignants, les soutenir, et répondre à leurs besoins et interrogations. D’autre part, la commission des arts martiaux coréens qui est en train de se structurer au sein de la FFTDA est une belle démarche, pleine de promesses. Souhaitons-lui de réussir à fédérer nos pratiques coréennes.

9/ Quel conseil pourriez-vous donner à quelqu’un qui souhaite commencer dans cette discipline ?

Il faut se donner du temps pour rentrer dans la pratique et permettre au corps de se laisser structurer par les techniques de Soo Bahk Do. En Occident, nous avons tendance à attendre des résultats à court terme. Il y en a, bien sûr, mais c’est seulement au bout d’un certain temps qu’on accède réellement à ce qu’il peut y avoir d’art dans l’art martial.

Liens vers les sites et médias sociaux / Fédération France Soo Bahk Do
Sur Facebook : https://www.facebook.com/fedefrancesoobahkdo
site Association Shiwol : http://www.shiwol-asso.eu/
sur Instagram : https://www.instagram.com/shiwolsoobahkdo/?hl=fr



* Cet article est rédigé par un journaliste honoraire de Korea.net. Notre groupe des journalistes honoraires est partout dans le monde, pour partager sa passion de la Corée du Sud à travers Korea.net.

etoilejr@korea.kr

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