Extraits du célèbre webtoon de Kim Bo-tong, « D.P Dog's Day », lancé en 2015. « J'ai trouvé qu'un style sombre et froid fonctionnait bien pour raconter une histoire d'abus et de violences dans l'armée, qui n'est pas du tout un sujet approprié pour la caricature », déclare-t-il pour Korea.net. © Compte Instagram de Kim Bo-tong
Par Yoon Seungjin
« Je pense que la vie est ce que l'on en fait. Raconter les émotions que l'on ressent et les épreuves que l'on traverse au cours de cette vie permet de donner vie à une histoire. C'est pour cela que je veux vivre davantage d'expériences ».
Tels sont les mots de l’auteur coréen Kim Bo-tong, connu pour son webtoon à succès
D.P Dog's Day et dont l'histoire se base sur sa propre expérience du service militaire, qui peut rappeler de bons souvenirs aux uns et de véritables cauchemars à d'autres. En Corée du Sud, le service militaire est obligatoire pour tous les hommes valides pendant un an et demi.
Après avoir fait ses débuts avec
AmanZa en 2013, un webtoon qui s'appuie sur le combat de son père contre le cancer, Kim Bo-tong s'est fait connaître du grand public deux ans plus tard avec son deuxième projet, intitulé
D.P Dog's Day. Dans son essai de 2017 intitulé
I'm Not Unhappy Yet, Kim Bo-tong raconte comment il est devenu dessinateur de webtoon alors qu'il se préparait à faire des études de droit après avoir quitté une entreprise prestigieuse. Il a élargi ses horizons au-delà des webtoons en scénarisant les deux saisons de
D.P., l'adaptation en série de son webtoon diffusée sur Netflix, et en réalisant la série originale Whatcha
King of the Desert en décembre 2022.
Voici des extraits de l'entretien de Korea.net avec Kim Bo-tong.
Le dessinateur de webtoon Kim Bo-tong pose avec un masque de tigre blanc qui rappelle sa société de production de contenu, Studio Tiger. © Compte Instagram de Kim Bo-tong
Comment êtes-vous devenu dessinateur de webtoon ?
J'ai quitté mon emploi parce que je ne pouvais plus m'adapter à la vie en entreprise. Après avoir réfléchi à ce que je voulais faire de ma vie, j'ai décidé de me lancer dans des études de droit. Après avoir été recalé à l'examen d'entrée, quelqu'un m'a suggéré de dessiner des webtoons. Je suis donc devenu dessinateur par hasard. J'ai « survécu » dans ce domaine pendant une dizaine d'années, car je m'efforçais de dessiner avec l'état d'esprit typique d'un employé de bureau qui doit « livrer », ou rendre des comptes à quelqu'un, plutôt qu'avec la perspective d'un artiste qui « crée » quelque chose.
D.P Dog's Day est particulièrement populaire auprès des lecteurs asiatiques. Pourquoi ?
Je pense que c'est parce que de nombreux pays asiatiques imposent un service militaire obligatoire à leur population, ou à cause des normes sociales rigides qui valorisent la hiérarchie et le bien de la communauté au détriment des libertés individuelles. Mon travail a dû parler aux gens issus de cultures qui entretiennent le même genre de vices, comme les abus dans l'armée.
L'acteur Jung Jae-in dans une scène de la saison 2 de D.P., diffusée depuis le 28 juillet 2023 sur Netflix. La série adaptée du webtoon de Kim Bo-tong s'est classée cinquième des séries non anglophones les plus vues de la plateforme trois jours seulement après sa sortie. © Compte Facebook de Netflix
Pouvez-vous expliquer aux lecteurs qui ne connaissent pas le système militaire sud-coréen ce qu'est le « D.P. » ?
L'armée sud-coréenne réquisitionne presque tous les hommes sud-coréens dans leur vingtaine afin de servir ses forces pendant une durée déterminée. Comme dans toute société ou organisation, il arrive que des problèmes surviennent au sein de l'armée sud-coréenne. La désertion est l'un d'entre eux. Notre pays étant toujours techniquement en guerre avec la Corée du Nord, la désertion est considérée comme une infraction grave. Une équipe spéciale de soldats, intitulée « Deserter Pursuit », est chargée de traquer ces déserteurs, un peu comme ceux qui poursuivent les réplicants dans le film
Blade Runner, sorti en 1982.
La saison 2 de l'adaptation Netflix de votre webtoon est sortie le 28 juillet. Que pensez-vous de la série ?
J'avoue m'être senti très coupable de tout le travail effectué par l'équipe de production. Il faut dire que le métier d'auteur consiste essentiellement à s'asseoir à un bureau et à transformer des fantasmes en mots, ce qui permet de rester assez insensible au travail que les autres peuvent faire quand ils l'adaptent. Mais ce n'est pas pour autant que l'on est obligé d'écrire des histoires qui soient faciles à adapter. Au final, mon sentiment de culpabilité est toujours là. Mais depuis que j'ai réalisé
King of the Desert l'année dernière, je me remets beaucoup en question.
Le premier webtoon de Kim Bo-tong, AmanZa (2013), se base sur la lutte qu'a menée son père pendant des années contre le cancer et combine des illustrations de type conte de fées sur un fond tragique. © Compte Instagram de Kim Bo-tong
AmanZa et D.P Dog's Day sont tous deux basés sur vos expériences. Que signifie l'expérience pour vous ?
Je pense que la vie est ce que l'on en fait. Raconter les émotions que l'on ressent et les épreuves que l'on traverse au cours de cette vie permet de donner vie à une histoire. C'est pour cela que je veux vivre davantage d'expériences, mais que je ne le fais pas à cause du travail. Pour devenir écrivain, je pense qu'il faut vivre le plus de choses possible.
Vous avez signé cette année avec la Creative Artists Agency (une agence artistique américaine, ndlt). Quels changements allez-vous apporter pour cibler le marché mondial ?
Je ne pense pas changer de thème parce que mes histoires qui traitent des problèmes de la société coréenne, comme
D.P., peuvent trouver un écho dans d'autres cultures. Je voudrais discuter de tous ces problèmes de société pour donner aux spectateurs l'occasion de réfléchir à leur propre société. Les histoires que je prépare avec ces sociétés de production non coréennes sont développées dans cette perspective-là.
Quelle histoire personnelle qui pourrait figurer dans votre prochain webtoon pouvez-vous partager avec Korea.net ?
Je dis depuis longtemps que je veux parler de saengnobyeongsa (litt. vie, vieillesse, maladie et mort) et de hiroaerak (litt. bonheur, colère, tristesse et plaisir). J'ai déjà parlé de byeong (maladie) et de ae (tristesse) dans
AmanZa, une histoire sur la vie, et de saeng (vie) et de no (vieillisse) dans
D.P Dog's Day. Je voudrais maintenant parler de ro (colère), de sa (mort), de hi (bonheur) et de rak (plaisir) à travers une espèce de processus universel par lequel tout le monde passerait. Je suis donc en train d'imaginer une histoire sur toutes ces petites choses qui peuvent se passer n'importe où, n'importe quand.
scf2979@korea.kr