Entretiens

01.07.2024

Depuis 2009, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme invite des représentants du monde artistique du monde entier via son programme K-Fellowship afin de promouvoir les échanges internationaux. Ce programme a déjà permis d'accueillir plus de 200 directeurs de musées, d'opéras ou de galeries d'arts en Corée et de mener différents projets de collaboration. Cette année, le K-Fellowship reçoit 15 personnes, toutes recommandées par les centres culturels coréens du monde entier. Parmi elles, Perla Labarthe Alvarez, directrice du musée Frida Kahlo, à Mexico.

Perla Labarthe Alvarez, directrice du musée Frida Kahlo, pose avec Kim Jae-hyun, directeur du bureau des affaires culturelles internationales et de la politique de promotion au ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, le 7 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme

Perla Labarthe Alvarez, directrice du musée Frida Kahlo, pose avec Kim Jae-hyun, directeur du bureau des affaires culturelles internationales et de la politique de promotion au ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, le 7 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme



Par Kim Hyelin

C’est la première fois que Perla Labarthe Alvarez, qui dirige le musée Frida Kahlo de Mexico depuis avril 2023, se rendait en Corée, ce 4 juin dernier. Son emploi du temps, réparti sur six jours, était bien rempli, entre sa conférence au musée national d’art moderne et contemporain, une rencontre avec le président de l’Association coréenne des galeries d’art, et des visites de l’atelier de l'artiste Yun Suknam, du théâtre Jeongdong, du musée national de Corée, ainsi que du palais Deoksugung et du temple Seokguram.

« L’organisation du programme était rigoureuse et tout s’est déroulé sans problèmes. J’ai rencontré des gens très accueillants », salue celle qui s'est rendue pour la première fois en Asie. Korea.net l’a rencontrée le 7 juin dernier au Kocis Center de Séoul.

Korea.net : Comment la Corée est-elle perçue au Mexique ?

Perla Labarthe Alvarez : De plus en plus de Mexicains s’intéressent à la culture coréenne. Si la plupart des restaurants coréens sont concentrés dans le quartier de Zona Rosa, situé au centre de Mexico, on en trouve de plus en plus à Condesa, Roma ou Colonia Juárez. Ils accueillent de plus en plus de clients. Cette tendance est sûrement corroborée par l’action du centre culturel coréen. Et à l’inverse, je vois de plus en plus de Coréens qui s’installent au Mexique. L’intérêt mutuel est croissant, c’est sûr.

Parlez-nous du musée Frida Kahlo.

Aussi connu sous le nom de la Casa Azul (la maison bleue), le musée Frida Kahlo est la maison natale de la peintre Frida Kahlo (1907-1954). Elle reflète l'essence même de l'artiste. Frida Kahlo y a d'abord vécu avec ses parents et ses sœurs, puis avec son compagnon de toujours, Diego Rivera. Ce n'était pas seulement un refuge dans lequel elle se sentait en sécurité et à l'aise, mais aussi son espace de création et son lieu de travail.

Visiter cette maison où Frida Kahlo est née et a vécu nous donne une vision intimiste d’elle. Explorer les objets de son quotidien, l’environnement qui lui donnait son inspiration et qui entourait sa vie quotidienne, offre une fenêtre unique sur sa créativité et ce qui la constituait en tant qu’artiste. Tous les membres du musée, dont je fais partie, ont le privilège de travailler à la préservation de cet héritage. Mais nous sommes surtout honorés de pouvoir le partager avec le public.

L’entrée du musée Frida Kahlo, situé dans le quartier de Coyoacán, à Mexico. © Musée Frida Kahlo

L’entrée du musée Frida Kahlo, situé dans le quartier de Coyoacán, à Mexico. © Musée Frida Kahlo


Parmi les œuvres de Frida Kahlo, quelles sont celles que vous considérez comme particulièrement importantes ou significatives ?

Il y en a trop pour les citer toutes, mais l'une des œuvres qui résonne le plus fortement en moi est son ultime œuvre, une nature morte intitulée Viva la Vida. Non seulement le tableau est visuellement magnifique, mais il célèbre la vie en transmettant un message de résilience, qu’elle exprimait souvent dans ses écrits et dans son art.

En plus des peintures, la collection de Frida Kahlo se compose d’objets : livres, pinceaux, colorants, jusqu’à la lumière qui pénétrait son atelier. Sa maison est un témoignage vivant de sa vie et de son œuvre. Je crois qu’il est également important de ne pas oublier son lit, sur lequel elle s’est allongée et a commencé à peindre après son accident de bus, à 18 ans. C’est ce lit qui révèle cette partie profonde de sa vie et de sa convalescence, et le processus d'expression qui l’accompagne.

Comment les visiteurs devraient-ils comprendre son œuvre ?

Chacun doit la comprendre et l’observer à sa manière. Mais pour répondre à la question, je dirais qu’il pourrait être intéressant de commencer par observer ses peintures et de se concentrer sur leurs aspects qui nous parlent. Sinon, il est possible d’examiner ses textes et ses lettres, qui donnent une vision plus intime des pensées et de la créativité de Frida Kahlo.

Dans tous les cas, vouloir comprendre Frida Kahlo passe par l’exportation de son espace de vie et de travail, qui est la Casa Azul. Tout ce qui l'entourait, y compris les plantes du jardin et ses animaux domestiques, est partie intégrante de son univers artistique. On y trouve également de nombreux éléments du folklore mexicain. Au-delà de l’art de Frida Kahlo, l’édifice permet d’apprécier le charme du Mexique dans son ensemble.

Quelles sont vos impressions sur l’art et la culture coréens ?

Je suis très surprise et complètement fascinée par la façon dont la tradition et la modernité forment une parfaite harmonie. Ces deux aspects, qui peuvent sembler opposés, se retrouvent parfaitement dans les villes, les musées et les galeries coréennes. La Casa Azul ne se contente pas de préserver l'histoire personnelle de Frida Kahlo et de Diego Rivera, elle reflète également la vie des Mexicains dans la première moitié du XXe siècle. Les artistes, comme Kahlo et Rivera, ont continué à explorer l'identité et les valeurs culturelles mexicaines dans leur art après la révolution mexicaine de 1910. Cette exploration de l'identité se retrouve aussi dans la manière dont la Corée concilie tradition et modernité.

Perla Labarte Alvarez donne une conférence devant les conservateurs du musée national d'art moderne et contemporain de Séoul, le 5 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme

Perla Labarte Alvarez donne une conférence devant les conservateurs du musée national d'art moderne et contemporain de Séoul, le 5 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme


Quelles étaient vos attentes quant à ce voyage en Corée ?

J'avais surtout hâte de visiter les institutions culturelles coréennes et de rencontrer les personnes qui y travaillent. Cela s'est avéré passionnant ! La conférence et la discussion avec les conservateurs du Musée national d'art moderne et contemporain, le deuxième jour, ont été très riches. Il était décisif pour nos deux pays de créer un réseau de contacts entre les professionnels de l'art et des musées des deux pays et d'explorer les possibilités de collaboration. J’y ai présenté les formations des visiteurs du musée Frida Kahlo et les conservateurs m’ont fait retour de leurs expériences.

Comment voyez-vous l’évolution des relations culturelles entre le Mexique et la Corée ?

Ce voyage m'a permis de réaliser une fois de plus qu'il existe de nombreuses possibilités de collaboration entre le Mexique et la Corée. La Casa Azul ne représente pas seulement la vie de Frida Kahlo, mais c'est aussi un lieu où la tradition et la modernité fusionnent, tout comme en Corée. Je pense que ce sont les échanges avec des institutions telles que le Centre culturel coréen au Mexique et la Casa Azul qui nous permettrons d'élargir notre compréhension mutuelle et reconnaître nos similitudes et nos différences artistiques.

Perla Labarte Alvarez visite l’atelier du peinture Yun Suknam, à Hwaseong, dans la province du Gyeonggi, le 6 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme

Perla Labarte Alvarez visite l’atelier de l'artiste Yun Suknam, à Hwaseong, dans la province du Gyeonggi, le 6 juin 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme


Y a-t-il des artistes coréens ou des œuvres coréennes que vous suivez ou appréciez particulièrement ?

J'ai encore beaucoup à apprendre. Lors de cette visite, j'ai visité une exposition de broderies au musée d'art moderne et contemporain du palais Deoksugung et j'ai trouvé que les œuvres exposées étaient très bien conservées et mises en valeur. J'ai également eu l'occasion de visiter l'atelier de l'artiste Yun Suknam, où j'ai découvert son univers créatif autour de thèmes universels.

Un mot pour les jeunes artistes coréens et les lecteurs de Korea.net ?

L'art a le pouvoir de nous lier avec nous-mêmes, à ceux que nous aimons et à ceux qui nous entourent. J'encourage les jeunes artistes à se rappeler que cette sensibilité et cette créativité artistique, que les musées cherchent à encourager, peuvent se retrouver dans tous les aspects de notre vie quotidienne. Quant aux lecteurs de Korea.net, vous êtes toujours les bienvenus au musée Frida Kahlo.

kimhyelin211@korea.kr

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