Depuis 2009, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme invite des représentants du monde artistique du monde entier via son programme K-Fellowship afin de promouvoir les échanges internationaux. Ce programme a déjà permis d'accueillir plus de 200 directeurs de musées, d'opéras ou de galeries d'arts en Corée et de mener différents projets de collaboration. Cette année, le K-Fellowship reçoit 15 personnes, toutes recommandées par les centres culturels coréens du monde entier. Dans cet article, la styliste nigériane Nike Okundaye parle de son envie de nouer davantage de liens culturels avec la Corée.
La styliste nigériane Nike Okundaye lors de son entretien avec Korea.net au Kocis Center, à Séoul, le 29 août 2024. © Lee Jun Young / Korea.net
Par Yoon Sojung
Avec sa collection de plus de 8 000 œuvres et ses programmes de formation à l'art et à la culture, la Nike Art Foundation fait revivre, éduque et réintroduit la culture textile nigériane sur la scène mondiale.
À l’origine de cette fondation centrée sur les techniques traditionnelles du tissage ainsi que sur le soutien aux jeunes artistes se trouve la styliste nigériane Nike Okundaye. La créatrice, qui a visité la Corée en août dernier, a exprimé le souhait de voir les deux pays se rapprocher dans les domaines culturel et artistique.
La styliste nigériane Nike Okundaye observe les tableaux du Seoul Museum of Art, le 29 août 2024. © Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme
Korea.net : Partagez-nous vos impressions de la Corée à l’occasion de votre première visite dans le pays.
Nike Okundaye : Les Coréens sont amicaux et polis. Leur culture et leur art me semblent tout aussi riches qu’au Nigéria, pays où toutes les cultures du continent africain se rencontrent.
Racontez-nous l’histoire de la Nike Art Foundation.
Le premier centre d'art a ouvert ses portes en 1967 à Osogbo, dans l'ouest du Nigeria. Mes parents étaient également artistes, et j’ai grandi dans le milieu du tissage et de la teinture traditionnels. En 1974, je suis partie aux États-Unis enseigner les arts traditionnels à des immigrés africains pour les aider à renouer avec leurs racines et leur identité.
À l'époque, il y avait très peu de femmes artistes au Nigeria. Aux débuts de la fondation, je n’enseignais l’art du tissage qu’à une vingtaine de personnes, dans mon garage. Six mois plus tard, j’organisais une exposition mettant à l’honneur leurs œuvres. La fondation compte aujourd’hui quatre centres à Lagos, la plus grande ville du Nigéria, à Abuja, la capitale administrative, et à Ogidi, dans le sud-est du pays. Plus de 10 000 personnes ont bénéficié de ces formations, dont 5 000 prostituées nigérianes vivant en Italie.
D’où vient votre passion pour l’art ?
J’ai perdu ma mère et ma grand-mère quand j’avais six/sept ans. Après avoir quitté l’école, c’est auprès de ma tante et de mon arrière-grand-mère que j’ai commencé à confectionner mes propres vêtements pour les vendre. Ne parlant pas un mot d’anglais, je communiquais avec des gestes pour obtenir mes premières commandes. J’utilisais la cour derrière ma chambre comme atelier pour me perfectionner à l’adire, un textile traditionnel teint à l’indigo. Je m'efforce de transmettre cet héritage à travers mes conférences et ma fondation.
J'essaie toujours d'être créative, de rechercher de nouvelles formes d'art. Même les vêtements que je porte aujourd'hui sont fabriqués selon ma propre technique de teinture traditionnelle. Je les ai conçus pour qu'ils ressemblent aux tenues luxueuses portées par la royauté nigériane. L'idée est de les rendre abordables pour les gens qui ne peuvent pas se permettre de s'offrir d'onéreux vêtements. Le tissu est brodé de motifs traditionnels, et les bijoux qui les accompagnent sont faits de perles recyclées à partir de bouteilles en plastique.
La Nike Art Foundation vise également à lutter contre la discrimination sexuelle et supporte les initiatives des jeunes artistes. Comptez-vous coopérer avec la Corée dans ce domaine ?
Absolument. La Corée compte de nombreux artistes dont la créativité est sans limite, et avec qui je crois qu'il est possible de travailler à travers des programmes d'échange et de formations conjointes.
La Corée est plus que jamais intéressée par les échanges et la coopération avec l'Afrique, en témoigne le sommet Corée-Afrique tenu en juin dernier. Quels types d'échanges espérez-vous avoir à l'avenir ?
J'aimerais voir nos héritages culturels réunis dans un même grand musée dédié à la Corée au Nigéria. Je voudrais y organiser une exposition. Nos deux pays se ressemblent beaucoup, en particulier sur le plan historique, en termes d'indépendance vis-à-vis de la domination coloniale, tout comme dans le domaine des arts.
J'aimerais notamment collaborer avec des institutions telles que le Musée national d'art moderne et contemporain et le Conseil coréen pour les arts et la culture, avec qui il serait possible d’organiser des expositions présentant le patrimoine culturel et artistique de l'un et l'autre pays.
« My Root » (2008), de Nike Okundaye. © Nike Art Foundation
« Chibok Girls » (2016), de Nike Okundaye. © Nike Art Foundation
Le centre d’art de la Nike Art Foundation, à Lagos, la capitale du Nigéria. © Nike Art Foundation
arete@korea.kr